Ça recommence

Tout est dans la manière de prononcer ces mots.

ENFIN ! qui traduit toute l’impatience de retrouver ceux qu’on n’a plus vus depuis tout ce temps, des lieux familiers qui nous font nous sentir « comme à la maison » et des habitudes qui rassurent.

ENCORE ! qui laisse entendre un profond soupir quand votre voisin se met à passer la tondeuse, alors que vous vous installez confortablement dans votre jardin pour lire ce billet.

« Ça recommence. » Pour nos Églises aussi, ça recommence : le Conseil fédéral a annoncé la possibilité de reprendre les offices religieux dès le 28 mai prochain (un jeudi, allez savoir pourquoi). Et tout se précipite. J’ai vite pris conscience d’une tension entre « C’est urgent de recommencer, on est impatient de se revoir enfin. » et « Prenons le temps de bien mettre en place les mesures et réfléchissons à comment on va recommencer. »

Parce que nous avions fixé l’horizon du 8 juin comme date de reprise. Nous avons imaginé des cultes particuliers et spéciaux pour Pentecôte, s’attendant à les vivre encore à distance. Et voilà que tout change, que tout s’accélère. Tant mieux d’un côté. Mais tant pis de l’autre. Vraiment ? Renoncera-t-on à ce qu’on a préparé ou devrons-nous l’adapter, comptant sur une assemblée présente plus ou moins nombreuse ?

Je suis partisan de la « méthode Berset » :

il nous faut reprendre les cultes aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire.

Il n’a pas fallu très longtemps pour oublier nos belles promesses de ne plus courir après le temps, de ne plus stresser, d’adopter un rythme plus lent, plus sain.

Une annonce et voilà que tout est oublié, ou presque.

« Ça recommence » dirons-nous : on devra se désinfecter les mains en entrant et en sortant, on devra tenir une liste des présences, on devra renoncer aux cantiques et à la sainte-cène, on devra se prêter à de savantes règles de trois pour déterminer le nombre maximum de participants. Comme juste avant le confinement.

Dans ces conditions, le « culte de rentrée » aura-t-il les couleurs d’une fête ?

Et pourra-t-on dire tous ensemble la confession de foi, sans risque de contaminer son voisin ? Et l’Amen, on pourra aussi le prononcer ? Notre manière de nous accueillir, de célébrer, nos mots seront forcément différents d’avant le 15 mars.

Nous ne pourrons pas simplement reprendre là où nous nous sommes arrêtés. Enfin, je crois.

Nous sommes plusieurs à nous demander ce que nous garderons de notre créativité durant ces semaines de crise. Comment rester en lien avec celles et ceux qui nous ont rejoints et suivis sur nos sites paroissiaux. Ils ont été nombreux. On ne les connaissait pas tous. Va-t-on tout remiser cela au fond d’un tiroir jusqu’à la prochaine crise ? Comment préparer et célébrer des cultes qui tiendront compte de ceux qui sont présents à l’église et de ceux qui resteront chez eux ? Filmer, enregistrer, publier le culte ? Comment concilier paroisse proche et à distance ?

Autant de questions qui sont aujourd’hui des chantiers ouverts à explorer par les ministres, les conseils et les bénévoles, et qui exigent un peu de temps, pour le moins.

Comme ce fut le cas des premières communautés chrétiennes, il s’agira désormais de compter avec le facteur temps : penser une autre manière d’être ensemble.

Alors, je vous laisse avec cette parole de l’Évangile de Matthieu adaptée à la situation et à relire aussi souvent que nécessaire :

Avant de reprendre les cultes, retire-toi dans ta chambre, ferme la porte. Ton Père qui est dans le secret voit et sait de quoi tu as besoin… Puis sors et va boire une bière.

Je vous laisse. Ne roulez pas trop vite ni trop lentement pour vous rendre au culte… au Nord-Pas-de-Calais ou ailleurs.

Images tirées de pixabay.com et Youtube.

4 commentaires

  1. Cette reprise est une mauvaise nouvelle. Parce que personne ne semble s’intéresser à la qualité de ce qui sera vécu, mais seulement au fait que ce soit vécu. Comme si les réformés étaient devenus catholique. Il faut que la messe soit dite, il faut que le culte soit dit.

    J’ai entendu beaucoup de fidèles, durant ce confinement, dire combien la Sainte-Cène leur manquait (là aussi, c’est très catholique…) et combien les chants leur manquait. Qu’est-ce que l’on va retrouver: des cultes sans Saint-Cène et sans chants. Mais c’est super, parce qu’il y a aura des cultes.

    Je préfère un culte en ligne, chez moi, confortablement installé, à pouvoir écouter et entendre ce qui est dit, et le méditer. Plutôt qu’un culte qui sent le désinfectant, entre deux rubalises qui marquent les territoires fréquentables.

    Mais peut-être que l’insistance des Eglises pour obtenir des cultes par dessus tout est un signe qu’elles n’ont plus rien à dire… sinon à être fière de leur brillante négociation.

    Luther, reviens, ils sont devenus fous!

  2. Merci beaucoup de votre commentaire.
    Effectivement, nous partageons, enfin je crois, une même compréhension de ce qu’est un culte. Alors, faire juste pour faire… Nous nous comprenons.

    Une question me vient alors : comment imaginez-vous la suite et les formes de nos cultes à l’église et en ligne ? Aimeriez-vous encore trouver des contenus en ligne lorsque les offices auront retrouvé leur forme communautaire ?
    Le retour à la normale sonnera-t-il la fin des cultes sur internet ?
    Réfléchissons ensemble.
    Belle suite et je me réjouis vous lire.
    Cordialement. Jean-Marc Leresche

  3. Merci cher Jean-Marc pour ce billet.
    Je partage ton regard sur la situation. et j’ajoute mon malaise personnel. La reprise des cultes en présence – encore accélérée – nous est vendue par nos autorités comme une victoire… sur quoi? Pour quoi? Je ne sais.
    Ce remue-ménage autour du culte du dimanche matin me chagrine car j’ai l’impression que c’est un peu:
    1. comme si notre mission d’Eglise s’était arrêtée avec l’arrêt des cultes et qu’elle se limitait à cela.
    2. comme si les célébrations proposées en ligne avaient moins de valeur que ce qu’on fera en présence.
    Personnellement, j’ai été nourrie et inspirée par ce que j’ai découvert en ligne ces dernières semaines. Le contenu, mais aussi l’accessibilité, le choix, la liberté du moment.
    Mon cri du coeur aujourd’hui… et j’en ferai peut-être bien un billet… j’veux pas aller au culte… comme avant!
    Merci de nous donner de quoi réfléchir!
    Bises. Laure

  4. Chère Laure,
    Comme je suis d’accord avec toi. Le coeur de nos Églises, c’est l’Évangile. Et il n’a cessé d’être annoncé par divers moyens depuis le mois de mars. Comme toi, j’ai découvert et apprécié de nombreuses initiatives, me demandant au passage comment elles allaient perdurer.
    Non, moi non plus, je n’aimerait retrouver le rythme, les habitudes ni les cultes comme avant, mais quelque chose qui ait été nourri de tout ce que nous avons vécu depuis deux mois.
    C’est pour cela que j’ai prêché pour une reprise le 14 juin à La Neuveville, nous donnant ainsi un peu de temps pour penser comment célébrer après.

    Bien à toi et me réjouis de te lire à nouveau, de t’entendre, de te voir.
    Bises, Jean-Marc

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