Ce bon vieux papier

Voilà maintenant un peu plus de 5 semaines que nos paroisses ont appris à se réinventer dans leurs manières d’être et de rester en lien avec leurs fidèles. J’ai été touché par la créativité des uns et des autres, utilisant les moyens de communications tels qu’internet, les réseaux sociaux, les lettres d’informations. Je suis persuadé que chaque offre répond à des demandes et qu’il y a de la place pour tous et pour chacun.

Le choix du support papier est-il encore pertinent, à l’heure où tout se passe sur des écrans ? Qu’en pense le diacre connecté que je suis ?

Un peu plus d’un mois, c’est le bon moment pour faire un premier bilan des cultes à l’emporter que la paroisse de La Neuveville a mis en place. Je reviens ici sur la genèse du projet et son évolution présente et future.

Au commencement… le papier

Dès le 20 mars, nous, ministres, avons réfléchi à une manière de proposer une « nourriture spirituelle » à nos fidèles paroissiens en lieu et place du culte dominical. J’ai pensé à un culte sous forme vidéo, comme d’autres paroisses l’ont fait et bien fait. Mais, un mois plus tôt, lors d’une conférence aux aînés, qui sont aussi ces paroissiens habitués, j’ai pu constater que la majorité n’avait qu’un accės limité à internet, ou plutôt une utilisation limitée d’internet (par exemple la messagerie, Whatsapp ou Skype) ou pas de connexion du tout. J’ai alors imaginé des « cultes à distance » sous format papier. Ma proposition a été acceptée.

Le cadre est relativement simple : chaque semaine et à tour de rôle, les officiants rédigent un culte selon un canevas de 4 pages. On y retrouve une structure liturgique classique mais modulable : accueil, prière (et louange), lectures bibliques, méditation-prédication, prière d’intercession, bénédiction. Deux chants sont proposés, qui peuvent être remplacés par d’autres connus des lecteurs. Rien n’est imposé. À la fin du document, les numéros de téléphones des ministres et du secrétariat pour d’éventuels contacts.

Cette forme correspond bien à mes collègues qui privilégient l’écriture au multimédia. Elle ne demande pas d’investissement matériel autre que ce que nous utilisons habituellement et s’adapte et au public que nous visons : des paroissiens habitués plutôt à la lecture. C’est en tout cas, le prérequis qui était le nôtre.

Le secrétariat a établi une première liste d’adresses, a imprimé et envoyé les courriers.

Un premier envoi à une trentaines de ménages, touchant une quarantaine de personnes a rencontré un joli succès manifesté par de nombreux mercis. La reconnaissance du conseil de paroisse nous a incités, mes collègues pasteurs et moi, à continuer semaine après semaine. Le culte est préparé pour le mercredi et envoyé ce même jour pour arriver dans les boîtes aux lettres le vendredi au plus tard.

Je n’imaginais pas grand-chose de plus.

Deuxième étape… le papier en ligne

Soufflée par le conseil, l’idée a été d’offrir ces cultes à distance à un public plus large que nos seuls habitués. J’ai créé une page dédiée sur le site de la paroisse, relayée sur la page Facebook de la paroisse et la lettre d’information.

On y a listé les cultes sous format .pdf et ajouté quelques textes méditatifs.

« Culte à distance » dit sans doute quelque chose de ce qu’ils veulent être. Mais on retient certainement d’abord la distance. Pas très rassembleur…

Le semi-confinement a vu fleurir des offres de repas à l’emporter de la part d’établissements publics. Nous avons donc renommé nos cultes à distance, « cultes à l’emporter ». Ainsi, les destinataires les « consomment » à l’heure et dans le lieu qui leur sont favorables.

Troisième étape… le papier et le site

Le simple fait de mettre en ligne des documents .pdf n’est pas pertinent. Et j’ai été rendu attentif au fait que de plus en plus d’internautes consultent les sites sur smartphones et que le format .pdf n’est pas toujours optimal pour de petits écrans.

J’ai alors mis en ligne le culte à l’emporter sous forme d’article sur le site. Je l’ai agrémenté de vidéos, de chants, de l’enregistrement audio de la méditation ou d’autres parties du culte, de liens pour le rendre interactif. Mes collègues ont suivi le mouvement. Une collègue a même fait le choix de la vidéo. Je leur en suis reconnaissant.

Ainsi, aujourd’hui, pour le 3e dimanche après Pâques, le culte à l’emporter est envoyé sous format papier à plus de 50 destinataires, il est en ligne sur la page d’accueil du site paroissial, il est archivé sur la page dédiée et peut être consulté en ligne.

L’idée a fait son chemin et a été reprise par la paroisse de Delémont. Elle ne demande qu’à essaimé et à être adaptée à chaque communauté.

Quatrième étape : et après ?

Même si nous n’en sommes pas encore là, la question de l’après se pose : allons-nous continuer d’offrir des cultes à l’emporter si nous célébrons à nouveau dans notre église ? Je suis persuadé que nous avons tout avantage à ne pas abandonner. À poursuivre la mise en ligne de ces cultes qui pourraient être ceux célébrés le dimanche matin.

D’abord, parce que nous avons atteint des personnes qui ne venaient plus au rassemblement dominical. « L’église, c’est devenu un peu loin pour nous… Mais, avec les cultes que nous recevons, ça nous fait du bien. » m’a dit l’un des destinataires. Quelqu’un d’autre m’a affirmé : « En lisant ces cultes, je me sens en communion avec la paroisse. J’en suis très heureuse. »

Ensuite, nous permettons à des personnes de célébrer à un autre moment, quand c’est bon pour elles, le soir, le matin, dans la journée ou la semaine, sur le balcon ou dans le jardin.

Enfin, parce que j’aimerais que toute la créativité qui a fleuri pendant cette crise ne soit pas justement une « créativité de crise » et qu’une fois revenus à une situation presque normale, nous retrouvions nos habitudes… normales.

Enfin, et pour conclure

Le papier a été une alternative judicieuse là où je suis, là où nous sommes. Elle prend en compte le public-cible auquel nous nous adressons. Elle rencontre une reconnaissance certaine qui nous est rappelée lors d’entretiens téléphoniques. La mise en ligne est  une complémentarité bienvenue et permet à un nombre plus large de profiter de cette offre. Sans mettre en œuvre de gros moyens, cette initiative correspond à une manière de faire connue et confortable. Cela a sûrement motivé mes collègues à y prendre part. Son pendant est qu’elle ne nous a pas trop bousculés et ne nous a pas fait sortir de notre zone de confort. Frustrant ou rassurant ? À chacun de répondre.

Cette manière de faire nous a permis modestement de raviver  le sentiment d’être relié à la communauté, de faire partie de cette famille, même si les liens rapprochés ne sont pas permis. Rien que pour cela, nous éprouvons une certaine satisfaction.

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Image par congerdesign de Pixabay