L’unité n’est ni une option ni une évidence

Traditionnellement, du 18 au 25 janvier, les Églises entrent dans la Semaine de prières pour l’Unité des chrétiens, soutenue notamment par le Conseil œcuménique des Églises (COE). Présentation et édition 2020.

Une occasion de rappeler que l’appel à l’unité est christique (Jn 17,21). Et qu’il n’est ainsi ni une option (à choix) ni une évidence (à accepter).

Que tous soient un.

J’aimerais ici partager mon expérience de l’œcuménisme tel que je l’ai vécu d’abord, tel que je le vis et tel que je le rêve.

On est un. Tais-toi!

Parce que nous, chrétiens, croyons en un Dieu Un, nous nous reconnaissons « enfants d’un même Père », « membre d’une même famille ». Nous le rappelons d’ailleurs souvent en introduction de la prière , le « Notre Père » (la seule prière que Jésus nous ait laissée) et qui est signe de notre unité, même si certains mots diffèrent encore.

Alors aumônier en EMS, j’ai souvent coprésidé des célébrations œcuméniques. J’ai cherché le ton « le plus juste possible » afin d’être en résonance avec mon collègue catholique. J’ai souvent accepté de partager certaines formules, pour montrer qu’on était sur la même longueur d’onde. J’ai bouilli intérieurement avec certaines tournures: « Jésus, nourriture divine », celle-là me restera longtemps en travers de la gorge! J’ai soupiré en écoutant certains messages. Mais, j’ai fait bonne figure. Pour les personnes présentes d’abord. Pour ne pas donner une image de division, alors que parmi l’assemblée, il y avait autant de catholiques, de protestants, et d’autres confessions que ceux qui étaient là « un peu par erreur ».

Hier comme aujourd’hui, je suis convaincu que l’unité entre croyants n’est pas une option à prendre ou à laisser. Elle est un choix délibéré. Mais je la vis comme on vit à l’intérieur d’une famille, avec ses divergences, ses opinions variées, ses adhésions, ses refus, ses disputes, ses bouderies, ses élans de joies ou de colère. Car, comme dans une famille, on partage une même filiation.

Ne fâchons personne… On fait justement le contraire!

Un autre aspect qui m’a souvent chagriné, et cela continue, c’est la forme de la célébration dite « œcuménique », mais pas vraiment équitable: c’est souvent une messe, où le temps de l’homélie est donné à un.e réformé.e. Ou bien, un culte où l’espace de la prédication est ouvert à un prêtre. Nous ne prenons pas (ou plus) le temps d’imaginer une forme qui tienne vraiment compte des théologies catholique et réformée ou évangéliques, des dogmes particuliers. Et surtout, à ce que j’ai vécu, on évite le sujet qui fâche: pas d’eucharistie. Pas de sainte-cène; ce qui peut être vécu comme une vraie souffrance y compris par des ministres, lire à ce propos ce témoignage du pasteur de la paroisse de La Côte (NE). On s’entend sur le plus petit dénominateur commun. Mais, en faisant cela, on se renie soi-même.

« Que votre oui soit oui et votre non soit non. » disait-il

(Matthieu 5,37)

On pourrait croire que tout est dit.

Lire dans Réformes.ch:
« L’œcuménisme est mort, vive œcuménisme » (16.01.2020) et
« L’œcuménisme neuchâtelois en perte de vitesse » (21.01.2020).

On y est arrivé… en partie du moins.

Le tableau n’est pas si terne. J’ai rencontré de belles personnes engagées, ministres ou bénévoles qui m’ont fait goûter à ce que peut être un accueil et un respect mutuels et réciproques. Je garde le souvenir de rires partagés, de dialogues constructifs et d’images enthousiasmantes.

J’y suis… enfin presque.

Aujourd’hui, je travaille en partie à La Neuveville. Je peux dire que je suis chanceux. Les paroisses catholique et réformée et la communauté évangélique de l’Abri travaillent de concert. Leurs responsables se rencontrent, pas seulement pour travailler soit-dit en passant. Nous nous entendons et nous engageons dans des projets communs. Tout n’est pas forcément évident ni parfait, mais nous faisons le choix d’entretenir et de tendre vers l’unité dans la diversité.

Je fais parfois ce rêve d’une fraternité qui soit vraiment vécue. Je rêve que l’autel soit le lieu d’une vraie et authentique humanité où chacun y a sa place, indépendamment de son horizon spirituel. Où le pain et le vin sont offert sans arrière-pensée. Je rêve d’une Église UNE, comme Dieu est UN. Enfin, je rêve.

Je pourrais baisser les bras et prétendre que ça ne sert à plus rien, mais je crois fermement à l’action de Dieu au-delà des divergences et des divisions. Je crois à ce souffle qui anime la vie de chacun. Et je partage cet adage :

« Ne rêve pas ta vie, mais vis tes rêves. »

Cet article vous intéressera sans doute: Il y a urgence…

Image par John Hain de Pixabay

2 commentaires

  1. Voici le commentaire de Philippe Lestang, sur Facebook:
    Je partage ! A propos de « nourriture divine », est-ce que Elie n’en a pas reçu, lui qui a marché jusqu’à l’Horeb? Et est-ce que Jésus n’a pas dit: « ceci est mon corps »?
    (Mais peut-être faut-il éviter, sur St Augustin, les sujets « qui restent en travers de la gorge?)
    Disons que j’aimerais comprendre ! Nous avons des vues différentes, OK, mais est-ce dramatique?

  2. Et ma réponse à Philippe Lestang sur Facebook:
    Merci de votre commentaire. Tout est question de sensibilité, je crois et c’est ce qui fait que ça marche plus ou moins bien. Rien de dramatique, donc! Oui, Jésus est pain de Vie, donné pour le monde. Mais ces mots « nourriture divine », je ne peux pas les avaler. Mais une formule comme « Jésus, toi le pain venu du Ciel », « Toi qui nourrit nos vies », ça me va. Voyez tout est question de sensibilité, de mots, de manières de les entendre.
    Et oui, Elie, tout comme chacun de nous, reçoit une nourriture venue d’en-haut. Voyez, nous partageons un même pain, compagnon.
    Bien à vous.

Les commentaires sont fermés.

En savoir plus sur Jean-Marc Leresche

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading