Cahier-Décharge

À quelques jours de mon entrée en fonction dans ma nouvelle paroisse, le conseil paroissial et moi-même nous sommes entendus sur le cahier des charges, car cela se fait partout ainsi. Il s’agit d’énumérer les tâches qui seront les miennes, les objectifs à atteindre et d’estimer le temps consacré pour chaque activité. Jusque-là, il n’y a rien d’étonnant… Cela se fait partout ainsi. Est-il besoin de rappeler que la compréhension du « diacre » est différente d’une Église romande à l’autre ?

Mais, à la fin, il y a eu une remarque : « Et si on parlait plutôt de  « Cahier-Décharge ? » » Et pourquoi pas finalement ? Cela m’a fait réfléchir.

Le travail comme une charge ?

Le travail se définirait donc par des charges à porter ou à accomplir, des objectifs à atteindre, des évaluations à satisfaire ? Même si j’ai appris que le cahier des charges peut être relu et adapté en tout temps, il met quand même une certaine pression. Ou est-ce moi qui lui mets une importance qu’il n’a pas forcément ? Je regarde souvent ce document comme une liste de points à cocher, une to-do list et gare si je manque à l’un des items !

À donner trop d’importance à ces tâches, ou à les multiplier, à les entasser, il y a un risque bien réel que le travail ne soit plus motivant, mais devienne une souffrance, source de fatigue, d’épuisement, de dépression, voire de burn-out.

En y réfléchissant un peu plus, il y a un mot qui s’impose peu à peu à moi, synonyme de charges : fardeau(x). Et soudain, l’Écriture s’impose à moi et me parle, car il y a été question de fardeau, souvent au pluriel.

Jésus répondit : « Vous aussi, légistes, vous êtes malheureux, vous qui chargez les hommes de fardeaux accablants, et qui ne touchez pas vous-mêmes d’un seul de vos doigts à ces fardeaux.

Lc 11,46

Voilà une première piste qui laisse entendre qu’un cahier des charges pourrait devenir un fardeau que l’employeur fait peser sur ses employés, alors qu’il ne serait pas capable de l’assumer lui-même. Bien plus, ce pourrait bien être une faute grave :

Alors Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples : « Les scribes et les Pharisiens siègent dans la chaire de Moïse : faites donc et observez tout ce qu’ils peuvent vous dire, mais ne vous réglez pas sur leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils lient de pesants fardeaux et les mettent sur les épaules des hommes, alors qu’eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt.

Mt 23, 1-4.

Il s’agit donc d’être et de rester attentif à l’application des charges et à la capacité de les assumer et de les porter pour l’employé. Mon employeur prend encore la précaution de me faire noter les heures consacrées pour chaque tâche et, de mois en mois, de vérifier qu’il y a adéquation entre ce qui est attendu et ce que je peux effectivement accomplir dans le temps partiel qui est le mien.

Le travail comme une dé-charge ?

Et si on prenait les choses par un autre angle : plutôt que de charger l’employé par des tâches et des objectif à accomplir, si on précisait ce qu’il n’a pas à faire. Ce serait drôle, vous ne pensez pas ? Mais, ce n’est pas courant. Je n’ai pas trouvé d’exemples de cahier-décharge, alors qu’il y a pléthore de cahier des charges. Alors, si on essayait, juste comme cela, juste pour voir.  

Des principes et des non-tâches

Commençons d’abord par 3 principes fondamentaux (une mini-charte) que la paroisse qui m’engage pourrait établir :  

Art 1 : La paroisse engage son diacre sous le seul régime de la grâce. Tout lui est donné et rien ne lui est dû ni exigé.

Art 2 : La paroisse renonce à toute forme de contrainte et d’évaluation de l’engagement de son diacre, consciente qu’il est serviteur de Dieu et « consacré » afin de faire avancer Son Royaume sur le territoire paroissial.

Art 3 : La paroisse place sa confiance dans les plans de Dieu et donne à son diacre toute la liberté d’y contribuer, soutenu en cela par la prière commune des paroissiens et l’attention à l’Esprit-Saint.

Ensuite, imaginons ce à quoi pourrait ressembler un Cahier-Décharge.

La paroisse décharge son diacre :

  • de combler les vides laissés dans le tableau des cultes, même s’il aime célébrer et qu’il le fait bien (ce n’est pas moi qui le dis).
  • de prendre en charge l’aumônerie des homes, même s’il a une longue et solide expérience en ce domaine.
  • d’assumer le travail que ses collègues ne feraient pas, même s’il est diacre, donc « serviteur ».
  • de tenir à jour le site internet, même s’il a de l’expérience dans différents blogs et réseaux sociaux.
  • d’assurer tous les remplacements, même s’il est au service du bon fonctionnement de la paroisse.
  • d’être présent à tous les événements, même s’il a la mission de rejoindre les gens là où ils sont.
  • de s’occuper seul de la mise en place des salles, même s’il est appelé au « service des tables »

Cependant, le diacre que je suis célébrera des cultes, rendra visite à des résidents, collaborera et sera visible et présent, aidera les bénévoles dans leur engagement, non parce que cela est exigé par un cahier des charges, mais parce que c’est là ma vocation. Je prendrai aussi le temps du café et du partage.  

Tout ne dépendra pas de moi seul, et heureusement. Je pourrais compter sur des collègues, un secrétaire et des conseillers paroissiaux, tout comme eux pourront compter sur moi. Mais, plus encore, je compte sur le Christ, lui le doux et l’humble de cœur, qui portera avec moi le fardeau ou la charge. Le seul fardeau que lui me demande de porter consiste alors à faire confiance, à m’en remettre à la volonté divine, à risquer cette confiance dans l’Esprit-Saint qui ne cesse de souffler dans ma vie, mais que je peine peut-être trop souvent à entendre, et à croire vraiment à cette grâce qui m’est (qui nous est) donnée, au-delà de tout ce que j’ai pu accomplir par moi-même.

Paroles de Jésus : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. »

Mt 11,28-30

Pour revenir à ce cahier des charges, et s’il fallait y revenir désormais, avez-vous des idées, des suggestions ? N’hésitez pas à commenter. Vous m’aiderez certainement à vivre mon nouvel engagement à la fois dans un cadre précisé par le fameux cahier des charges mais en gardant une part de Grâce à partager.

Source de l’image d’en-tête : pixabay.com

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