Bible ouverte

Donnez-leur vous-mêmes à manger

📖 Texte biblique : Évangile selon Luc 9, 10-17

Chœur mixte de La Béroche, Charles-Philippe Huguenin (dir.)

Un appel d’abord

« Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Une phrase qui m’accompagne depuis le début de ma formation de diacre. Une phrase que j’ai entendue, retenue et comprise comme une invitation, un appel à devenir, moi aussi, modestement et humblement, un disciple à la suite des premiers disciples du Christ. Une phrase qui m’invite à faire confiance à la confiance que Dieu place en moi. Peut-être en est-il de même pour vous aussi en entendant ce texte ce matin.

Une phrase qui questionne aussi : Donnez-leur vous-mêmes à manger. Comme si j’avais, comme si nous avions, nous, les moyens de nourrir tous les affamés de la terre. Et je me rends compte combien nos moyens sont dérisoires face aux faims du monde. Mais Jésus ne demande pas de nourrir le monde entier, juste ces 5000 personnes qui l’entourent. Et cela relève déjà de l’exploit !

Comme les disciples

Je ressemble alors à ces disciples qui demandent de renvoyer la foule, parce qu’il leur sera impossible de nourrir tous ces gens. La solution est ailleurs forcément, dans les villes et les villages voisins. Bien souvent, j’aurais envie de renvoyer ceux qu’il m’est donné de croiser, de les inviter à chercher ailleurs ce qui pourrait les nourrir, oubliant au passage que Dieu compte sur moi, sur mes mots parfois hésitants, sur mes gestes trop convenus. Oubliant que Dieu me fait confiance. Quand je dis « je », est-ce que je ne sous-entends pas « nous » ? Nous qui sommes ici ? Nous qui sommes communauté ? Nous qui sommes Eglise, corps du Christ ?

Nous qui entendons ces paroles : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » ? On a quelquefois envie de renvoyer ces personnes parce qu’il y en a ailleurs d’autres, plus compétentes, plus spécialisées que nous pour nourrir ces affamés. Et parfois, il vaut la peine de recourir à ces personnes-là, parce que nous avons atteint nos propres limites.

Il y a quelque chose de fou

Revenons à Jésus et aux foules qui l’écoutent, dont il guérit les malades. Jésus appelle ses disciples, eux, à nourrir ces foules avec les moyens du bord, avec cinq pains et deux poissons, avec pas grand-chose. Avec « trois fois rien » à peine. Non seulement ces gens mangent à leur faim, mais il y a des restes, beaucoup de restes. Nous avons abordé ce texte avec les jeunes du Passeport KT, il y a quelques semaines. Et quelqu’un a eu cette remarque éclairante, je n’y avais moi-même pas prêté plus d’attention que cela : ce qu’il y a de fou, c’est qu’il y a beaucoup plus à la fin qu’au début de l’histoire : douze corbeilles pleines de restes, alors que Jésus et ses disciples n’avaient que cinq pains et deux poissons !

Jésus n’avait rien, ou si peu, une « petite misère » diront certains, mais il faisait confiance à son Père. Il avait cette confiance profondément ancrée en lui que rien n’est impossible à Dieu, pas même de nourrir à satiété plus de cinq mille personnes avec cinq pains et deux poissons et qu’il y aurait encore des restes pour en nourrir d’autres. Dans ces pains et ces poissons, il nous faut regarder au-delà du concret, au-delà du réel. Et les jeunes l’ont bien compris. Comme ils l’ont mentionné, ces pains et ces poissons, ce peut être l’amour, l’amitié, la confiance, l’espoir, d’autres propositions encore. Ce sont bien plus que quelques miettes distribuées à des ventres affamés. Nous le comprenons bien à notre tour.

Le pain n’est-il pas là pour nous rappeler le pain que Jésus a rompu avec ses disciples avant sa Passion ? Le poisson ne symbolise-t-il le Christ, ce symbole que les premiers chrétiens ont choisi  pour parler de Jésus-Christ ? Les foules ne seraient-elles pas le monde ? Une conclusion possible serait que Jésus en donnant et en se donnant nourrit le monde de son amour et de l’amour de Dieu ?

Faire confiance à la confiance que Dieu nous fait

Dans cette histoire, il y a quelque chose qui me rassure : tout ne dépend pas de nous seuls, ni des moyens qui sont les nôtres. Cela devrait nous pousser à faire confiance ; cela devrait nous pousser à nous lever à notre tour pour apporter notre aide, pour nourrir, à notre mesure, ceux et celles qui ont faim. Pour donner à notre tour de la confiance, de l’amitié, de l’amour, de l’espoir. Il s’agit pour nous, de  faire de la place dans nos vies et dans nos rencontres à celui qui peut nourrir le monde de sa personne, de sa vie, de son amour : Jésus le Christ, Jésus le pain de Vie descendu du ciel. C’est sans doute cela être disciple : avoir suffisamment confiance en la confiance que Dieu nous fait. Nous mettre en marche avec notre dérisoire, confiant que Dieu rendra possible ce que notre raison voit encore comme impossible.

Et c’est alors que nous vivrons de ces moments de grâce, de ces moments qui prennent un goût particulier : le goût de la vie. Des moments qui sont nourrissants, mais jamais indigestes. Des moments aux effets si imprévisibles qu’on a qu’une envie : les partager comme on partage du bon pain.

Amen.

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