tempête en mer

Pour une Parole vivante

Prédication du dimanche 30 juin 2024 au temple de St-Aubin (NE)

Chers Amis,

Peut-être que certains d’entre vous ont prévu une croisière cet été. Si c’est le cas, je vous souhaite de pas avoir à essuyer pareille tempête à celle que les disciples ont ont eu à affronter ce jour-là sur le lac de Tibériade ou de Génésareth – car, c’est là que se passe cet épisode. Une tempête. Des flots qui emplissent la barque qui menace de couler… Peur ! Mort !

Ce jour-là, le soir venu, Jésus leur dit: «Passons sur l’autre rive.» Après avoir renvoyé la foule, ils l’emmenèrent dans la barque où il se trouvait; il y avait aussi d’autres barques avec lui. Un vent violent s’éleva et les vagues se jetaient sur la barque, au point qu’elle se remplissait déjà. Et lui, il dormait à l’arrière sur le coussin. Ils le réveillèrent et lui dirent: «Maître, cela ne te fait rien que nous soyons en train de mourir?» Il se réveilla, menaça le vent et dit à la mer: «Silence! Tais-toi!» Le vent tomba et il y eut un grand calme. Puis il leur dit: «Pourquoi êtes-vous si craintifs? Comment se fait-il que vous n’ayez pas de foi?» Ils furent saisis d’une grande frayeur et ils se disaient les uns aux autres: «Qui est donc cet homme? Même le vent et la mer lui obéissent!» – Évangile selon Marc 4, 35-41

Toutes proportions gardées, on ne peut s’empêcher de penser aux récentes intempéries qui ont touché de nombreuses régions, dont la Suisse ces derniers jours.

Pourquoi parler de cette tempête ?

Tout comme ici, avec les coups de Joran, il ne devait pas être si rare que des bourrasques agitent la surface du lac de Tibériade sur lequel voguent les disciples ce jour-là. Qu’avait donc de si particulier cette tempête, pour que Matthieu, Marc et Luc la relatent dans leur Évangile ? On le sait bien : la Bible n’est pas un reportage-photo de la vie de Jésus, écrit par des journalistes. Elle se veut être des témoignages d’hommes et de femmes qui ont fait l’expérience du divin. Alors, si cette tempête n’était qu’anecdotique, elle n’aurait sans doute pas retenu à ce point l’attention des auteurs de trois évangiles sur quatre. Elle aurait coulé dans le quotidien insignifiant de l’ordinaire de la vie d’un lac. Je ne doute pas que la barque des disciples ait pu, un jour, se trouver aux prises de vents violents et de flots déchaînés, mais pourquoi donc en faire un tel récit ? Il doit y avoir autre chose… Qui nous interrogerait sur Dieu.

L’interprétation « classique » de ce texte invite les lecteurs à chercher en Jésus-Christ le secours dans les remous de l’existence humaine, à le réveiller quand tout est sur le point de nous submerger. L’épisode serait là pour nous rappeler que Jésus est toujours avec nous, même s’il nous arrive de l’oublier ; qu’il dort dans notre barque-vie et qu’il a une autorité qui va jusqu’à faire taire la menace pour restaurer la sérénité et aller là où on doit aller. Soit. Je partage aussi cette interprétation. Mais, il doit y avoir autre chose…

Changeons un peu de regard

Aujourd’hui, j’aimerais vous inviter à relire cet épisode d’une autre manière et pour cela, je vous invite à une courte escale dans les premiers mots de l’Évangile selon Jean. Souvenez-vous :

Au commencement, la Parole existait déjà. La Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Tout a été fait par elle et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle il y avait la vie, et cette vie était la lumière des êtres humains (…) Et la Parole s’est faite homme, elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité, et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père. – Évanile selon Jean 1, 1-5 et 14.

Jean nous rappelle que Jésus, la Parole de Dieu, le Verbe, s’est fait chair. Une parole censée guider les pas de nos vies, comme le rappelle ce psaume :

Ta Parole, Seigneur, est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon chemin. – Psaume 119, 105

Jésus est cette parole qui guide les pas du croyant. Alors, ne devrait-il pas être à l’avant de la barque, à la proue, le regard fixé sur l’horizon et guidant les disciples pour trouver la route au travers des flots déchaînés ?

Or, ici, Jésus dort à l’arrière de la barque, à la poupe. Insensible à ce qui se passe… Ou oublié, relégué à fond de cale dans l’agitation du moment.

Mais, lorsque la situation devient tellement instable, au point de mettre en péril la frêle embarcation, la vie même de ses amis, ils font alors appel à lui, comme un ultime recours, un ultime secours… La seule bouée qui pourra les sauver en cas de naufrage.

Une Parole vivante, pas figée

Jésus, Parole vivant de Dieu, n’est-ce pas ? Nous voilà interpellés : où est -elle ? Où est Jésus dans notre vie ? Sommeille-t-il quelque part dans le fond de notre bastingage ? Ou est-il devant, nous encourageant à tendre et détendre les voiles, à tenir bon le gouvernail ? Quelle place occupe-t-elle dans notre vie ?

Cette parole, que Dieu a envoyée dans le monde, n’est pas juste à entendre une fois pour toutes pour l’oublier ensuite. Pas plus qu’elle n’est à enfermer dans un livre, fût-il saint, ni dans une église pour le temps d’une célébration. Encore moins à laisser dormir dans nos souvenirs de catéchisme. Si la parole de Dieu guide notre vie, c’est pour lui donner un peu de calme et de paix et ce sera déjà pas si mal. Car, si l’épisode de la tempête apaisée montre d’abord la tempête puis le calme extérieur, je crois que l’agitation et les tempêtes peuvent aussi être tout intérieures.

C’est alors que la parole de Dieu peut ramener un peu de cette sérénité dans nos vies, à un moment où nous perdons pied. Elle peut nous aider à garder le cap contre vents et marées. Comme une profonde respiration, elle peut apaiser – peut-être même faire taire – nos peurs quand c’est le chaos en nous et autour de nous. Mais, elle ne résout pas forcément tout non plus.

Elle permettra de voir la situation un peu différemment, elle pourra susciter le courage de faire le pas suivant, ou encore souffler un peu de confiance et d’espérance. Ce sera déjà pas mal.

Courage !

L’apôtre Paul, à son tour, encourage les croyantes et croyants de Corinthe à garder le cap de l’espérance et de la confiance, malgré les difficultés présentes. A regarder au-delà des mots, au-delà de ce que nous voyons et percevons.

Et comme nous avons le même esprit de foi que celui exprimé dans cette parole de l’Ecriture: J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé, nous aussi nous croyons, et c’est pour cela que nous parlons. Nous savons en effet que celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera aussi par Jésus et nous fera paraître avec vous dans sa présence. Oui, tout cela arrive à cause de vous afin que la grâce, en se multipliant, fasse abonder la reconnaissance d’un plus grand nombre, à la gloire de Dieu.

Voilà pourquoi nous ne perdons pas courage. Et même si notre être extérieur se détruit, notre être intérieur se renouvelle de jour en jour. En effet, nos légères difficultés du moment présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire. Ainsi nous regardons non pas à ce qui est visible, mais à ce qui est invisible, car les réalités visibles sont passagères et les invisibles sont éternelles. – 2e lettre aux Corinthiens 4, 13-18

Et c’est sans doute ainsi que nous pourrons, à notre tour, résister au désespoir et à la résignation, à la peur devant les tempêtes qui agitent le monde actuellement.

Un moment rien que pour la Parole

Cet été, que ce soit sur un bateau de croisière, dans notre jardin, sur une montagne ou ailleurs, si nous prenions un peu de temps pour respirer et réveiller la parole de Dieu au cœur de notre vie. Sans doute que le temps de vacances peut nous le permettre. C’est certainement aussi pour cela qu’il y a le jour du repos, consacré à soigner sa relation à Dieu, à laisser une parole, sa parole, restaurer le calme dans nos vies pour que nous puissions naviguer, ramer, avancer vers son Royaume, dans la confiance et la paix, malgré les circonstances.

source de l’image : Pixabay.com

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