Retour vers le passé

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Billet un brin défaitiste ou réaliste

Depuis quelques jours, on entend parler de déconfinement.  On se réjouit de retrouver sa coiffeuse, son médecin, et même son dentiste. En même temps, on a vu apparaître le #retouràlanormale, alors qu’avant, en pleine crise, on espérait le retour à l’essentiel.

On avait dit que tout changerait

Que restera-t-il d’essentiel ? Que retiendrons-nous de ces semaines passées à la maison ? Auront-elles un impact sur notre vie d’après ?

Pas si sûr. J’espérais encore il y a peu qu’on changerait nos habitudes de consommation, mais je constate que ce sera plutôt un retour à la normale qui nous attend.

À la fin du mois d’avril, on a vu ces automobilistes faire la queue devant les Mc Do pour acheter des hamburgers. Certains ont attendu jusqu’à deux heures avant d’acheter enfin l’objet de leurs rêves, comme le relève la Tribune de Genève sur son site (consulté le 1er mai 2020).

On se promettait que la solidarité perdurerait, qu’on ferait attention à garder plus d’humanité désormais et que l’économie ne dicterait plus notre société. On avait dit… Et pourtant, dès que l’étau se desserre un peu, voilà qu’on court acheter ce qui est l’archétype de la société de consommation.

Acheter un burger n’a rien d’essentiel, enfin je crois, mais c’est le signe qu’on retrouve un rituel. Le burger est un signe que nous retournons à la normalité denos vies. C’est la même chose pour les jardineries et les magasins de bricolage. S’occuper enfin de son jardin laissé en friche ou s’attaquer à la peinture du corridor disent que nous retrouvons des activités normales. Enfin.

Aller chez sa coiffeuse chaque semaine, boire son café tous les matins au bistrot du coin, consulter son médecin une fois par mois pour être sûr que tout va bien n’est pas essentiel. Mais, cela me dit que ma vie est normale. Ce sont des repères. Et ils ont été bouleversés depuis plus d’un mois. On a un peu perdu pied. Il  s’agit de retrouver sa stabilité. Et même si beaucoup affirmaient qu’il y aurait un avant et un après, je constate qu’il n’est pas si facile de changer ses bonnes vieilles habitudes.

C’est peut-être cela l’essentiel : des repères qui me disent que ma vie est normale.

Mais alors, où sont passées nos bonnes résolutions du mois d’avril : moins de consommation, moins de superflu, plus d’essentiel ? Envolées !

Qu’est-ce qu’on attend au fond ?

Ce qu’on attend, ce n’est pas tant un retour à l’essentiel qu’un retour à la normale, à la vie d’avant le 13 mars 2020. Là où il était possible de passer une soirée entre amis dans un bar, manger des hamburgers entre copains dans l’enseigne au clown jaune. On n’attend plus que ce moment de se prendre dans les bras et de trinquer à moins de deux mètres distance. On aimerait tellement se réveiller et pouvoir se dire : « Ouf, ce n’était qu’un mauvais rêve. Tout va bien ! »

Retour à la normale. Le slogan n’est pas nouveau. En préparant ce billet, j’ai trouvé cette affiche sur ce site.

Elle date de 1968. Elle est un appel après les événements de mai à revenir à la normale. L’image est éloquente : des moutons marchant tous dans la même direction, tête baissée.

Je me disais, il y a un mois, qu’on risquait bien de retomber dans nos travers. Aujourd’hui, je suis certain, à quelques exceptions près, que nous allons tout droit les retrouver, nos travers, nos habitudes, nos esclavages de toutes sortes qui nous faisaient nous plaindre : pas le temps, pas les moyens. Si seulement je pouvais souffler… J’espère me tromper. Vraiment. Mais…

Christ nous a rendus libres pour que nous connaissions la vraie liberté. C’est pourquoi tenez bon et ne vous mettez pas à nouveau sous le joug de l’esclavage.  – Galates 5,1.

Qu’est-ce qui restera ?

Je ne peux pas le dire. Mais, j’imagine que des commerces ne rouvriront peut-être pas. Une vigilance quant aux distances sanitaires, à la désinfection des mains et des files d’attente deviendront certainement de nouvelles normes. Mais, sur le fond, je crois que nous allons retourner vers le passé. Nostalgie, quand tu nous tiens !

Un mot encore de nos vies de paroisses qui ont, elles aussi, été profondément impactées : nous sommes nombreux dans l’Église à avoir lancé des initiatives nouvelles à lire, à écouter, à regarder notamment sur les réseaux sociaux. Celles-ci ont touché plus largement que le cercle de nos paroissiens habitués ; nous en avons eu des échos positifs. Nous espérons qu’il en restera quelque chose. Que ce ne sera seulement une « créativité pour temps de crise » qui sera remisée dans un coin, parce qu’on pourra à nouveau nous retrouver, nous embrasser, nous serrer la main… Comme avant.

Tout cela risque bien d’arriver, si nous nous contentons de nous reposer sur un « oreiller de paresse » et espérer un monde meilleur.

Aurais-je perdu tout espoir d’un monde meilleur ? Non, mais cette liberté à faire et à être autrement est dans nos mains. Il ne tient qu’à nous que cela change. Mais, ce ne sera sans doute pas facile.

Qui a prétendu que changer le monde était facile ?

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Image par Pexels de Pixabay

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