La Crèche aux 5 sens

C’est à un voyage sur 200 mètres carrés que je vous invite, au temple des Éplatures. Ce n’est pas loin, ce n’est pas grand, mais le dépaysement est garanti. En quelques minutes, vous voilà emmenés dans un village de Sicile du XVIIe siècle, grouillant d’activités. Bienvenue à la Crèche aux 5 sens.

La Crèche géante de Noël qui a élu domicile au temple désaffecté (ou désacralisé) des Éplatures, entre Le Locle et La Chaux-de-Fonds, est un havre de paix, une oasis. Et encore plus en ce dimanche de lendemain de Noël gris et pluvieux.

Temple des Éplatures
Qui imaginerait ce qui se cache derrière ces murs ?

C’est à l’initiative de Créa Calame et Maurice Bianchi que nous devons cette magnifique initiative qui les a occupés pendant près d’une année pour le montage d’un décor plus vrai que nature. Cette crèche de Noël se veut aussi itinérante. Il y a deux ans, elle était à l’Abbaye de Saint-Maurice (VS), je l’ai découverte à Yverdon. Elle a aussi investi la cathédrale de Lausanne. À chaque fois, c’est un défi que d’adapter les éléments au lieu choisi. Ici, aux Éplatures, c’est l’espace le plus grand, près de 200 mètres carrés, en comptant aussi l’aménagement de la galerie. C’est aussi le lieu d’ancrage de cette crèche. Aucun détail ne manque. Pas un centimètre n’est perdu. Même les perspectives à travers les portes, entre les maisons et les arbres, donnent à voir quelque chose. Tout ceci, sans compter les centaines de personnages façonnés en terre cuite, plus vrais que nature qui peuplent l’espace. On n’a pas envie de les déranger, tant ils semblent occupés à leur labeur.

>> Lire l’article de ArcInfo du 9 novembre (réservé aux abonnés) : La Chaux-de-Fonds: zoom sur la crèche de Noël géante du temple des Eplatures.

>> Lire aussi l’article de Jura 3 lacs : La Crèche aux cinq sens.

Pour coller à l’actualité

Cette année, la Crèche colle à l’actualité, puisqu’elle n’a pas pu avoir lieu en 2020, pour les raisons que l’on sait, il y a un « Coin COVID » où les gens peuvent se faire tester. Des amis se congratulent de se savoir « négatifs ». Au gré des déambulations, on apprend que le boulanger, lui, est positif…

C’est la troisième édition que je visite et à chaque fois, c’est le plaisir de la découverte. D’ailleurs, les initiateurs le disent, ils repartent de zéro, reprenant des éléments, les agençant différemment, ajoutant des personnages, créant de nouveaux lieux et de nouvelles scènes. Et chaque santon a sa place. D’ailleurs demandez aux concepteurs où se trouve celui-ci ou celle-là, ils vous le diront sans se tromper.

Place du village
Une place de village animée

Une crèche dans le monde

J’aime cette idée que la crèche de Noël s’insère dans un lieu grouillant d’activités diverses, là où les métiers se rencontrent. On y voit, par exemple, des matelassiers, un artisan-boucher, une potière, des vignerons occupés à leurs vignes, un apiculteur, des pêcheurs, et tant d’autres. La crèche passerait presque inaperçue, si on n’y faisait pas attention. À y regarder de plus près, et c’est d’ailleurs un jeu, on découvre les Rois Mages qui évoluent jour après jour vers l’enfant Jésus. Ils y seront le 6 janvier, jour de l’Épiphanie et pas avant. En ce 26 décembre, ils traversaient fièrement la place du marché, sur leurs chameaux, ayant laissé « tout leur avoir et tout leur savoir » – pour reprendre les mots de Créa Calame – à la tente orientale à l’autre bout du décor.

Crèche de la Nativité
La naissance d’un enfant passerait presque inaperçue

Le décor nous fait entrer aussi dans l’intimité des maisons, des entrées et des chambres, toutes savamment éclairées, qui laissent voir ici un arracheur de dents, là un écrivain, ou encore une femme en train de coudre, trois amis qui discutent…

Des villageois discutent en route
On se raconte les dernières nouvelles

Le monde comme décor

À Noël, on ne cesse de rappeler que c’est Dieu qui vient naître dans le monde et dans l’humanité. Là, en entrant dans ce village miniature, bercé par des chants de circonstances, on se met à l’échelle, on déambule à notre tour au milieu des santons. On en entendrait presque l’agitation de l’Osteria, les acclamations des marchands, les rires des enfants devant le théâtre de marionnettes. Toute une vie qui est là et qui n’a pas attendu l’événement de la naissance.

Crèche de Noël: l'osteria
L’agitation de l’Osteria

En passant, et plusieurs fois, devant les maisons, je me demande : ces gens ont-ils conscience de ce qui est en train de se jouer à quelques mètres de là ? Un nouveau-né vient de naître. Qu’est-ce que cela change pour eux pris dans leurs occupations, dans leur agitation ?

Et pour nous, visiteuses et visiteurs ? Qu’est-ce que Noël change ? Comme le relève ma collègue et amie Diane Friedli : Noël, c’est un début. Celui d’une histoire qui n’est pas prête de s’arrêter. Une histoire toujours à relire, à réentendre, car, comme dans la Crèche aux 5 sens, on découvrira toujours des détails, on regardera depuis une autre perspective, on écoutera un autre point de vue.

C’est encore émerveillé du spectacle que je quitte le lieu, non sans avoir vivement remercié ses auteurs de la magie de ce décor. D’ailleurs, on oublie que c’est un décor… Ouvrant la porte du temple, la pluie me rappelle que nous sommes en décembre, qu’il fait gris… Mais, je rentre avec des visages et des histoires et des voix plein la tête.

Infos pratiques : la crèche est visible jusqu’au 16 janvier, tous les jours de 10h à 18h, sur présentation du pass-covid. Entrée libre, dons acceptés avec reconnaissance.

La loi de l’Amour

Une méditation à propos de la parabole du bon Samaritain.

En préambule, une citation paraphrasée de Martin Luther King :

L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La tristesse ne peut pas chasser la tristesse, seul l’amour le peut.

Texte biblique

Il était une fois un homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho, quand il fut attaqué par des brigands. Ils lui arrachèrent ses vêtements, le rouèrent de coups et s’en allèrent, le laissant à moitié mort. Or il se trouva qu’un prêtre descendait par le même chemin. Il vit le blessé et, s’en écartant, poursuivit sa route. De même aussi un lévite [un autre religieux] arriva au même endroit, le vit, et, s’en écartant, poursuivit sa route.
Mais un Samaritain qui passait par là arriva près de cet homme. En le voyant, il fut pris de compassion. Il s’approcha de lui, soigna ses plaies avec de l’huile et du vin, et les recouvrit de pansements. Puis, le chargeant sur sa propre mule, il l’emmena dans une auberge où il le soigna de son mieux. Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, les remit à l’aubergiste et lui dit : « Prends soin de cet homme, et tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai moi-même quand je repasserai. »

Luc 10, 30-35

Message

Une histoire bien (trop) connue

On la connaît bien cette histoire, celle du bon samaritain. Elle revient à notre mémoire dès les premiers mots. Et même si c’est une vieille histoire, elle dit quelque chose pour nous ici, pour nous aujourd’hui.

En la lisant, c’est certainement la figure du samaritain, de cet étranger au peuple juif, qui retient notre attention. On s’identifie, on aimerait s’identifier à lui, à son souci de l’autre, à son dévouement, à ses gestes, à sa générosité. Et on regarde un peu vite, et de manière critique, les deux religieux qui, au nom de leurs principes, ont fait un détour. Eux, ils sont respectueux de règles et d’interdits, comme de s’approcher d’un blessé dont on sait s’il vit encore.

Eux, ils mettent la loi à la première place.

Le samaritain, lui, ne connaît qu’une loi, celle de la solidarité, celle de l’amour. Sans chercher d’abord à savoir qui est ce voyageur à demi-mort, sans chercher à connaître les circonstances de son agression, sans s’assurer d’abord qu’il est ceci et non cela, il agit… Avec ce qu’il a sous la main, ou plutôt dans les sacs sur sa mule : un peu d’huile, du vin pour soigner les plaies, une monture pour mener le blesser à l’auberge, deux pièces d’argent pour les frais… Et la promesse de revenir payer ce qui pourrait encore manquer.

C’est vrai qu’on aimerait tous ressembler à cet anonyme, qui s’est arrêté, qui a pris soin, qui a aidé et donné de son temps, de ses vivres et de son argent. Y parvenons-nous ? Nous y essayons-nous ?

Une histoire pour tous les temps

C’est une histoire qu’on connaît bien et qui parle à la plupart d’entre nous, qu’on soit fins connaisseurs de la Bible ou plus distancés des références du Grand Livre. Parce qu’avant d’être un texte évangélique, c’est une histoire de sagesse universelle.

L’épisode du bon samaritain vient aussi poser des questions, entre les lignes. Questions qu’on découvre si on prend la peine de s’arrêter un instant. Pourquoi ce voyageur a-t-il été détroussé ? Pourquoi, si Dieu, un Dieu, existe là-haut, ou là-bas, n’a-t-il rien fait pour empêcher cela ? Pourquoi les religieux n’ont-ils pas été émus par la situation tragique de ce voyageur… en bien mauvaise posture, rappelons-le, préférant passer leur chemin ?

Des questions… Encore des questions

Des questions de tous les temps. Des questions qui subsistent aujourd’hui encore, avec certainement un peu plus d’intensité à l’heure où l’humanité doit apprendre à vivre différemment. Pourquoi…

Ce texte ne répond pas à ces pourquoi. Et c’est tant mieux. Parce que la réponse appartient à chacun de nous. Ce sont nos croyances, nos convictions, nos valeurs, nos rencontres, notre vie qui orienteront la réponse, les réponses, que nous donnerons à ces pourquoi.

Mais si ce texte ne répond pas à ces grandes questions existentielles, il donne une attitude possible : oser agir. Risquer le geste qui aide, qui prend soin, se montrer solidaire. Mettre à disposition un peu de ce que nous avons pour faire du bien là où c’est à notre portée. Plutôt que d’affirmer que je ne peux pas sauver le monde – et c’est vrai – je peux faire un geste pour mon voisin, pour mon collègue, pour cet étranger, pour ce marginal, pour ce blessé de la vie. Juste ce qui est à ma portée. Pour le reste, je fais confiance à la solidarité humaine, à plus grand que soi. C’est peut-être naïf, mais je suis persuadé, je crois, que nous pouvons compter, non seulement les uns sur les autres, mais aussi sur plus que nos propres forces.

Et aujourd’hui en particulier, nous sommes confrontés à des questions dont la réponse n’est évidente pour personne : la vie, la maladie, la souffrance, la mort et après…

La vraie question à se poser est certainement celle-ci : plutôt que de se demander s’il y a une vie après la mort, demandons-nous comment nous vivons avant la mort.

Image : Falco sur Pixabay.com

Mise en cène

Début août, Noémie Emery, pasteure stagiaire, a publié un billet fort intéressant sur son blog Pèlerine au chocolat sous le titre De cène réflexions. J’ai aimé lire sa réflexion, car elle aborde à la fois l’aspect traditionnel de ce moment « culte » de nos célébrations, et elle y ajoute ses propres perceptions : comment elle vit ce moment hautement communautaire.

Le titre de Cène réflexions
L’image du billet de Cène réflexion par Noémie Emery sur son blog.

Image parlante

Pour parler de ce sacrement qu’est la sainte-cène et qui ouvre la communauté et chacun au Royaume, Noémie a eu recours à une image très parlante. Une image pour dire ce qui est déjà et ce qui n’est pas encore. Une références qui change de la graine qui porte la plante en devenir ou la chenille qui deviendra papillon. La future maman part de son expérience : le monde est enceint du Royaume :

Pour notre temps, le rituel offre ce que j’expliquerais le mieux par la métaphore de la grossesse : le monde est enceint·e du Royaume (et Dieu seul·e connait le terme de cette grossesse qui est vie et promesse de Vie), et le sacrement serait comme une échographie (ou l’écoute du coeur via un doppler ou que sais-je encore) de ce Royaume, nous permettant de nous rendre compte de sa réalité, de son déjà-là, et simultanément de ce pas-encore, de tout ce qu’il reste à réaliser.
citation tirée du blog de Noémie Emery

J’avoue que je n’avais jamais pensé à ce parallèle pourtant très imagé. Peut-être tout parce que je suis un homme, ou plus simplement, parce que je n’y ai pas pensé.

Femme, Enceinte, Jetée, Ventre, Maternité, Joli, Pose
Le bonheur de sentir ce déja-là et l’attente de ce pas-encore. Image de Greyerbaby, Pixabay

Des repères

L’article poursuit par un développement théologique autour de l’héritage, de l’histoire du Salut, de la Création et une belle mise en question à propos du sens à donner au sacrement :

Je vois là un manque dans ma théologie, et me réjouis d’enrichir ma foi par mes recherches futures. Peut-être est-ce un peu prétentieux de penser ainsi, mais voici : si moi, qui suis théologienne depuis quelques années maintenant, et qui me passionne pour le sens des choses que je vis, ne comprends pas réellement ce qu’implique un sacrement, que comprennent mes paroissien·ne·s ? Probablement plus que moi.
citation tirée du blog de Noémie Emery

Le déroulement par le menu

Enfin, la jeune pasteure présente la liturgie de sainte-cène par le menu, étape après étape et explicite fort bien chacune d’elles. J’apprécie ce va-et-vient entre attitude méditative et attitude active de l’assemblée.

Une introspection pour conclure

En conclusion, Noémie partage son introspection toute personnelle mais qui pourrait rejoindre le mouvement intérieur de bon nombre d’entre nous :

Il m’apparait donc que je suis moins révolutionnaire en terme de Sainte Cène que ce que je pensais avant de me plonger dans le sujet. N’ayant pas une compréhension rituelle du dernier repas de Jésus, je ne me vois pas chercher à bousculer la tradition qui en a fait un rituel. A moi de m’y insérer au mieux en tant que ministre, en insistant là où c’est utile sur l’aspect éthique que j’y décèle, tout en honorant le besoin de ritualité qui habite l’humain.
citation tirée du blog de Noémie Emery

La cène nourrit les réflexions

Les questions que pose Noémie sont stimulantes pour notre foi et notre manière de la célébrer et de la vivre. D’autres textes viennent titiller notre appétit, à l’image de la multiplication des pains.

En lisant Noémie, je me suis souvenu que d’autres blogueurs du Réseau protestant avaient aussi abordé le sujet, notamment dans le contexte particulier de la pandémie.

J’aimerais partager quelques références :

1. Philippe Golaz

Sur son blog Théologiquement Vôtre, Philippe a rédigé 6 billets autour du thème Comprendre le culte. Ces billet sont destinés à ceux et celles qui ne sont pas habitués aux pratiques liturgiques. On y trouve des textes à titre d’exemple. L’auteur a la bonne idée aussi d’ouvrir son contenu à des apports de ses lecteurs·trices.

À lire : sainte-cène in comprendre le culte.

En lien avec la pandémie et l’impossibilité de vivre la sainte-cène de manière communautaire, Philippe a proposé une liturgie pour une cène à domicile avec indications très pratiques.

À lire : liturgie de sainte-cène à domicile.

2. Hyonou Paik

Mon collègue Hyonou a fait de la sainte-cène une prédication qu’il a relayée sur son blog Potins Divins. En une réflexion brève, il explique en quoi la célébration de la sainte-cène fait que le dimanche n’est pas tout à fait un dimanche ordinaire.

À lire : la cène fait du dimanche un vrai dimanche.

3. Marc Pernot

Le site Je cherche Dieu permet à tout·e un·e chacun·e de poser ses questions en toute liberté et franchise.
Un visiteur a exprimé sa tristesse de voir la sainte-cène interdite pendant la pandémie. Avec beaucoup de tact, le pasteur Marc Pernot lui a répondu, en proposant notamment des manières de célébrer la cène Covid-compatibles.

À lire : la sainte-cène a été supprimée dans notre paroisse.

Et moi, et toi, et nous ?

Ces différentes approches ont aussi été stimulantes pour moi et m’on amené à réfléchir toujours et encore à ce que représente la sainte-cène pour moi. J’ai eu l’occasion d’en célébrer dans divers contextes : lors du culte dominical, en EMS, à domicile et j’envisage bientôt à l’aumônerie de rue de Neuchâtel. C’est un moment où il y a quelque chose à la fois de physique, par la proximité, et de mystérieux, par le fait de se rasssembler autour du Christ ressuscité.

Comme le relevait Noémie, c’est le moment le plus corporel, le plus sensuel. Aujourd’hui, il a un peu perdu de sa superbe, puisque les mesures sanitaires imposent une pratique en défilé, des morceaux de pain déjà coupés à la place de la « morce » rompue, des gobelets individuels au lieu de la coupe qu’on se passait. C’est le moment où l’assemblée prend conscience qu’elle est communauté sous le regard du Christ vivant. Et c’est une joie !

J’avoue aussi que je balance entre la régularité de la cène hebdomadaire et l’irrégularité de ce moment que je vivrais plutôt comme une fête, justement parce qu’il vient rompre avec l’habitude.

On lira avec intérêt l’article de André Gounelle paru dans Évangile&Liberté

Enfin, il y a quelque chose qui m’a toujours surpris lors du moment de communion : la solennité des participant·es. Les têtes sont baissés, les regards pointent les pieds, on se regarde à peine en passant la coupe. Je veux bien que chacun·e intériorise ce moment à sa manière et je ne juge personne, mais il y a une austérité palpable. Ceci est d’autant plus en décalage avec les paroles d’introduction au repas du Seigneur : « Quelle joie de te louer, Dieu très bon ! » Oui, ce moment est aussi, pour moi, le moment le plus joyeux de nos célébrations, parce que nous y célébrons la Vie donnée, la Vie partagée, la Vie qui vient d’un Plus-Grand-Que-Soi.

Souper, Cathédrale De Cologne, Portail, Eau De Cologne
Dernier repas. Sculpture de la cathédrale de Cologne. Image Pixabay

La réflexion, la mienne, la tienne, se poursuit. N’hésite pas à y contribuer en apportant ta propre réflexion en commentaire ou mieux encore en la développant sur ton blog, tout en mentionnant cet article comme point de départ.

D’une page à l’Autre

Tout récemment, j’ai participé à une soirée autour de mes livres. L’invitation m’avait été faite par mon ami et collègue Renaud Rindlisbacher, diacre lui aussi dans l’Église évangélique réformée vaudoise (eerv). Initialement, je me serais rendu sur place, à Aubonne. Mais, les mesures sanitaires actuelles ne permettant pas de rassemblement à plus de 5 personnes, l’événement a eu lieu en ligne, via zoom. Annoncé par une newsletter paroissiale, un courriel et une page internet, il a réuni une dizaine de participants.

Un moment de rencontre et d’échange

Renaud m’apprend qu’il anime depuis quelques années ce rendez-vous quatre fois dans l’année, d’abord intitulé « Jésus et les écrivains », puis « D’une page à l’Autre ». Lisons la présentation sur le site internet :

Quatre rencontres pour approfondir sa spiritualité et se questionner ensemble.

Mes livres parlent de spiritualité, s’enracinent dans l’univers biblique. Ils rejoignent donc les objectifs de la soirée.

C’est la première fois que je me livre à cet exercice, en tant qu’auteur. J’ai déjà assisté à de telles présentations, en spectateurs. L’animateur me laisse carte blanche, tout en présentant le but et le déroulement des soirées précédentes. Les participants apprécient de pouvoir assister à ces rencontres via zoom. Le système donne entière satisfaction et permet d’élargir le cercle des habitués.

Je fais le choix de présenter mes trois livres et d’en lire des extraits. Chacun pourra alors intervenir dans un moment d’échange et de questions. Nous nous entendons à l’avance sur le contenu et faisons un test technique. J’envois aussi quelques éléments à afficher lors de la présentation

Le jour J

Jeudi 11 mars, 19h50, je me connecte sur le lien de la réunion zoom. Les participants arrivent peu à peu, sont aimablement salués par Renaud qui connaît presque chacun. Un ou deux bugs techniques sont vite résolus. Je suis heureux de reconnaître Catherine, amie et collègue de formation, elle aussi diacre dans l’eerv.  Après quelques mots de présentation personnelle, je donne des informations sur les Editions SUR LE HAUT et explique l’esprit qui nous anime : permettre à des auteurs de l’Arc Jurassien de publier leurs livres, de limiter l’empreinte écologique, en privilégiant les circuits courts (impression à La Chaux-de-Fonds).

Chaque auteur dispose de sa propre page, choisit ce qu’il veut y publier, s’il veut imprimer ses livres et à quelle quantité. Les livres sont téléchargeables gratuitement en format pdf.

Site d’édition d’auteur-e-s de l’Arc Jurassien

Trois livres, trois démarches

Mes publications ont un point commun : elles sont toutes illustrées par Myriam, ma femme, peintre. On pourra parcourir son site de Galerie en ligne.

Je présente ensuite chaque livre, en commençant par DES RAMEAUX À PÂQUES, recueil de narrations inspirées de l’Évangile de Marc et accompagnant la semaine sainte, des Rameaux à Pâques. Cette seconde édition est agrémentée de huit tableaux de mon artiste préférée, Myriam, des peintures acryliques sur bois.

 

Peinture de Myriam Leresche
Entrée dans la Grande Ville, tableau de Myriam Leresche

 

Je lis deux narrations « Entrée dans la grande Ville » (ci-dessous) et « Fiasco ! »

Une clameur emplit peu à peu la ville. Elle envahit les rues comme un torrent indomptable. Son écho résonne de façade en façade. On n’a jamais connu une telle agitation, sauf au jour de la pâque, mais nous n’y sommes pas encore. Que se passe-t-il ?

Je me lève de mon bureau et abandonne les calculs et autres rapports que je suis en train de compléter pour l’administration romaine ; les fonctionnaires sont tatillons sur les taxes que nous prélevons et que nous devons reverser à l’Empire. Je sors. La rue est déserte. Étrangement. D’ordinaire, elle grouille de monde autour des étals des marchands. Je descends. Mes pas claquent à leur tour sur les pavés de la route.  Les maisons se renvoient leur bruit qui se mêle à ce chant triomphal qu’on réserve au roi. J’aperçois alors une foule énorme aux portes de la Ville, celle des grands jours. Je m’approche, me mets sur la pointe des pieds, mais n’y vois rien. Alors, je joue des coudes et des épaules pour me frayer un passage. Je bouscule un vieillard qui manque de tomber, une femme portant un bébé. J’écrase un ou deux pieds au passage. Je m’en excuse. On ne me répond pas. On ne fait pas attention à moi. Moi le retardataire. Moi le dernier arrivé ! Tous les visages sont tournés dans la même direction.

– Mais que se passe-t-il donc ?

– Regarde, l’ami. C’est le Prophète ! Celui qui vient de Galilée ! L’Envoyé de Yahvé ! Hosanna au plus haut des cieux !

L’homme qui me répond avec un large sourire édenté tient à la main une grande branche feuillue qu’il agite au-dessus de sa tête. Il n’est pas le seul. Ils sont nombreux, comme lui, à remuer ainsi l’air sec de cette période de l’année.

Et tous reprennent en chœur :

– Hosanna ! Hosanna ! Sauve-nous !

Je pousse encore un ou deux corps pour me frayer un ultime passage. Enfin, je découvre celui qui attire tous les regards. Je le vois. Il est là, celui que les anciens ont annoncé. Celui sur qui on projette aujourd’hui les promesses du temps de nos Pères : promesse de royauté retrouvée, comme aux heures de gloire de David.

Quelle n’est pas ma surprise ! Ma déception aussi !

Je découvre un homme plutôt malingre qui n’a rien du prestige des grands de ce monde. Pourtant, il y a en lui une dignité certaine. Il s’accroche, tient à peine assis sur un jeune âne titubant à chaque pas. Le pauvre animal ne sait que faire de ce poids qu’on lui inflige de porter, sans doute pour la première fois, des vêtements qu’on a jetés sur lui en guise de selle, de ceux qui jalonnent le chemin et qui entravent ses sabots. Je distingue sur sa croupe une croix foncée bien dessinée, comme la portent la plupart des équidés de son espèce. Entouré de ses compagnons de route, le Prophète paraît gêné de cet accueil. Je suis sûr qu’il aurait préféré passer incognito pour rejoindre le lieu du pèlerinage sans éveiller l’attention. Mais c’est trop tard !

Je me joins alors au cortège. Je saisis moi aussi une branche qu’une femme me tend et à mon tour, j’entonne le chant des montées, me joignant aux voix des habitants de la grande Ville :

– Hosanna ! Béni soit ! Hosanna ! Sauve-nous !

Nous prenons alors la direction du Temple. Le petit âne peine à attaquer cette pente. Il souffle. Bientôt, l’esplanade sera envahie par tous ceux qui, nombreux, viendront faire mémoire de la libération de notre esclavage. Aujourd’hui, cette commémoration prend un tour particulier, annonçant une ère nouvelle, celle de notre liberté bientôt retrouvée. Elle me paraît plus proche que jamais.

– Hosanna !

Les retours sont élogieux, en toute modestie ! On s’interroge sur la colère, on relève la colère de ce marchand (narrateur du deuxième texte), quelqu’un fait écho à une conférence de Daniel Marguerat.

DES RAMEAUX À PÂQUES

 

Je passe à MATTAÏ, roman autour de Matthias, celui qui, désigné par le sort ou la prière, rejoindra les apôtres et qui disparaît des textes néotestamentaires. J’explique que le fait de ne rien savoir de sa vie m’a encouragé à lui écrire un « Destin au souffle de l’Esprit » (sous-titre du livre). Je lis un extrait : Dalila, l’amoureuse de Mattaï prie au Temple, souhaitant à la fois que son rêve de fonder une famille soit exaucé, et que son amoureux n’ait pas à choisir en elle et la mission qui lui sera confiée. Quelqu’un relève que c’est touchant, et que j’ai pris le risque de me mettre à la place d’une femme. C’est une audace assumée. On discute autour de comment le livre est construit, des recherches historiques, on aimerait savoir la fin.

MATTAÏ – Un destin au souffle de l’Esprit

 

Enfin, je passe à UN JOUR, LA VIE. Premier recueil dans l’ordre de publication. 9 récits de vie où la mort s’invite. Des récits inspirés de mon expérience d’aumônier auprès des aînés. Je partage un extrait de Pauline, cette jeune trentenaire, chroniqueuse littéraire sur internet, entourée d’amis et qui découvre un cancer incurable et virulent. Elle veut tout contrôler, faisant appel à une association pour l’aider à mourir. Après avoir rencontré l’un des bénévoles, elle envoie son dossier. L’extrait raconte sa dernière journée et l’arrivée ponctuelle de Marcel, le bénévole. La première réaction est un soupir, comme pour évacuer une tension. « C’est fort ! » dira-t-on. « Est-ce qu’on pourrait offrir ce livre à quelqu’un qui vit un deuil ? » Je le pense, je l’espère. Je crois qu’il est important, et essentiel de pouvoir poser des mots sur le deuil.

UN JOUR, LA VIE

 

Je croyais en avoir terminé, mais devant l’enthousiasme général, Renaud me propose une autre lecture. Il a été aussi touché par Caro. Caro, l’infirmière qui découvre une patiente qu’elle croit reconnaître en sa professeur de piano. Mais la vieille dame a oublié. Caro fait le projet d’apporter des photos pour lui rafraîchir la mémoire. À la fin, une participante me demande si j’ai déjà employé des photos dans mes rencontres avec des personnes âgées. Je relate combien de fois j’ai parcouru des albums-photos aux côtés de résidents et chaque photo ravivait des souvenirs précis et touchants.

Conclusion

Ce qui devait durer une heure et quart plus ou moins a dépassé l’heure et demie. Mais personne ne s’en ait plaint, bien au contraire. On était bien, chacun chez soi et tous ensemble. La technique a tenu bon, pas de coupures intempestives. Les remerciements ont été vifs et unanimes. Mon style passe bien et notamment à distance. Cela confirme une idée à laquelle je réfléchis depuis quelques jours : proposer mes narrations DES RAMEAUX À PÂQUES sous forme de podcast. Me voilà motivé à concrétiser le projet.

Enfin, une personne a relevé que j’avais une voix agréable, qu’elle a apprécié mon accent neuchâtelois (et moi qui étais persuadé n’avoir aucun accent !) « Il faut le garder ! C’est beau les accents ! »

Ma vive reconnaissance à Renaud qui a su adapté cette soirée aux circonstances du moment, à chacune et chacun, participants à cette soirée pour ses questions, échos, et la qualité de nos échanges.

Unité et solidarité

Demain, lundi 18 janvier, s’ouvre la traditionnelle Semaine de prière pour l’Unité des chrétiens, portée cette année par la Communauté de Grandchamp. Un récent post sur Facebook montre que les sœurs ont été, elles aussi, contraintes à revoir les projets de cette semaine à cause de la situation sanitaire.

Demain, lundi 18 janvier, resteront fermées les portes de nombreux magasins dits non-essentiels (c’est un peu la jungle pour s’y retrouver ! Merci, Heidi news de faire le point). Tantôt excédés, tantôt résignés, les principaux intéressés se sont fait une raison. Pas le choix ! Tous espèrent que les aides financières seront à la hauteur des sacrifices consentis. Quand j’entends qu’à l’horizon de mars, et si rien n’est fait, près de la moitié des établissements publics ne rouvriront pas, j’en reste bouche bée. 

Une couleur particulière

Cette année, sans doute plus que toute autre, la Semaine de l’Unité prendra pour moi, pour vous, pour nous, la couleur de la Solidarité. Solidarité avec celles et ceux qui se voient privés de travail, de revenus, de clients. Mais, et c’est encourageant aussi, assez pour le relever, la plupart feront preuve de créativité et d’imagination pour remettre l’ouvrage sur le métier, sur les réseaux sociaux et sur internet. Ils livreront ou transformeront les magasins en points de retrait ; ce qu’ils avaient déjà fait au printemps dernier.

Actuellement, rien n’interdit le maintien des célébrations religieuses, toujours limitées à 50 personnes. On peut s’en étonner, alors que la limite de rassemblement a été ramenée à 5 un peu partout. À croire que les Églises ne sont pas un peu partout. Alors, si nos communautés pourront se retrouver le dimanche pour célébrer le culte ou la messe, nous y mettrons une couleur particulière, une pensée solidaire, une prière communautaire, un geste concret ou symbolique pour tous ceux et toutes celles qui n’ont pas ce privilège. S’il y a les restaurateurs, il y a aussi tous les acteurs des milieux culturels, sportifs, de loisirs qui devront laisser encore un mois durant une pancarte « FERMÉ ».

Une invitation… Des invitations

Pendant la semaine à venir, nous sommes invités à prier. Prier pour l’unité des chrétiens. L’appel avait été lancé à une époque où le coronavirus était un mot inconnu, tout comme ses effets sur nos rencontres, nos relations et nos activités. Aujourd’hui, nous sommes toujours, et plus que jamais, appelés à perpétuer cet appel, à y répondre, non pas janvier après janvier, mais tous les jours. Encore plus, en cette année.

Prier pour l’unité, oui. Mais prier et agir pour la solidarité, aussi et surtout. Cette solidarité déborde de nos murs d’Églises pour rejoindre celles et ceux qui souffrent aujourd’hui dans leur corps, dans leur moral, dans leur espoir d’un avenir sinon meilleur, du moins envisageable. On peut prier pour que le virus fiche le camp. On peut aussi dire quelques mots de soutien à un libraire local. On peut prier pour que les chrétiens restent fidèles à l’appel du Christ. On peut aussi remercier cette infirmière qui est au bout du rouleau, mais qui continue. On peut prier pour la paix dans le monde. On peut aussi faire en sorte qu’autour de soi, il y ait de vraies relations empreintes d’humanité et non de peur. On peut prier bien au chaud dans son salon avec une musique douce. On peut aussi sortir et aller à la rencontre de ceux qui tournent en rond en ville, parce que tout ou presque est fermé. On peut rendre grâce pour tout le confort qui est le nôtre. On peut aussi faire un don à une œuvre pour aider ici ou ailleurs celui et celle qui n’a pas de toit.

Porter du fruit

Demain, lundi 18 janvier, nous serons beaucoup à prier autour du thème « Demeurez dans mon amour et vous porterez du fruit en abondance » – Paroles du Christ. J’espère que nous serons tout autant voire plus à faire un geste, petit ou grand qu’importe. Un geste qui dira qu’Unité et Solidarité sont les deux pieds qui nous font avancer sur nos routes humaines au nom de l’amour du prochain. Un amour tout humain. Un amour qui pousse à donner. Un amour aux grands effets. Donner du fruit, et en abondance, pour nourrir, pour encourager, pour faire du bien, pour partager et pour dire qu’on n’est pas seul. Pour qu’Unité et Solidarité ne soient jamais réduits à des mots cachés dans un dictionnaire, mais des raisons de ne pas désespérer. Des raisons de vivre, tout simplement.