Tout récemment, j’ai participé à une soirée autour de mes livres. L’invitation m’avait été faite par mon ami et collègue Renaud Rindlisbacher, diacre lui aussi dans l’Église évangélique réformée vaudoise (eerv). Initialement, je me serais rendu sur place, à Aubonne. Mais, les mesures sanitaires actuelles ne permettant pas de rassemblement à plus de 5 personnes, l’événement a eu lieu en ligne, via zoom. Annoncé par une newsletter paroissiale, un courriel et une page internet, il a réuni une dizaine de participants.
Un moment de rencontre et d’échange
Renaud m’apprend qu’il anime depuis quelques années ce rendez-vous quatre fois dans l’année, d’abord intitulé « Jésus et les écrivains », puis « D’une page à l’Autre ». Lisons la présentation sur le site internet :
Quatre rencontres pour approfondir sa spiritualité et se questionner ensemble.
Mes livres parlent de spiritualité, s’enracinent dans l’univers biblique. Ils rejoignent donc les objectifs de la soirée.
C’est la première fois que je me livre à cet exercice, en tant qu’auteur. J’ai déjà assisté à de telles présentations, en spectateurs. L’animateur me laisse carte blanche, tout en présentant le but et le déroulement des soirées précédentes. Les participants apprécient de pouvoir assister à ces rencontres via zoom. Le système donne entière satisfaction et permet d’élargir le cercle des habitués.
Je fais le choix de présenter mes trois livres et d’en lire des extraits. Chacun pourra alors intervenir dans un moment d’échange et de questions. Nous nous entendons à l’avance sur le contenu et faisons un test technique. J’envois aussi quelques éléments à afficher lors de la présentation
Le jour J
Jeudi 11 mars, 19h50, je me connecte sur le lien de la réunion zoom. Les participants arrivent peu à peu, sont aimablement salués par Renaud qui connaît presque chacun. Un ou deux bugs techniques sont vite résolus. Je suis heureux de reconnaître Catherine, amie et collègue de formation, elle aussi diacre dans l’eerv. Après quelques mots de présentation personnelle, je donne des informations sur les Editions SUR LE HAUT et explique l’esprit qui nous anime : permettre à des auteurs de l’Arc Jurassien de publier leurs livres, de limiter l’empreinte écologique, en privilégiant les circuits courts (impression à La Chaux-de-Fonds).
Chaque auteur dispose de sa propre page, choisit ce qu’il veut y publier, s’il veut imprimer ses livres et à quelle quantité. Les livres sont téléchargeables gratuitement en format pdf.
Trois livres, trois démarches
Mes publications ont un point commun : elles sont toutes illustrées par Myriam, ma femme, peintre. On pourra parcourir son site de Galerie en ligne.
Je présente ensuite chaque livre, en commençant par DES RAMEAUX À PÂQUES, recueil de narrations inspirées de l’Évangile de Marc et accompagnant la semaine sainte, des Rameaux à Pâques. Cette seconde édition est agrémentée de huit tableaux de mon artiste préférée, Myriam, des peintures acryliques sur bois.
Je lis deux narrations « Entrée dans la grande Ville » (ci-dessous) et « Fiasco ! »
Une clameur emplit peu à peu la ville. Elle envahit les rues comme un torrent indomptable. Son écho résonne de façade en façade. On n’a jamais connu une telle agitation, sauf au jour de la pâque, mais nous n’y sommes pas encore. Que se passe-t-il ?
Je me lève de mon bureau et abandonne les calculs et autres rapports que je suis en train de compléter pour l’administration romaine ; les fonctionnaires sont tatillons sur les taxes que nous prélevons et que nous devons reverser à l’Empire. Je sors. La rue est déserte. Étrangement. D’ordinaire, elle grouille de monde autour des étals des marchands. Je descends. Mes pas claquent à leur tour sur les pavés de la route. Les maisons se renvoient leur bruit qui se mêle à ce chant triomphal qu’on réserve au roi. J’aperçois alors une foule énorme aux portes de la Ville, celle des grands jours. Je m’approche, me mets sur la pointe des pieds, mais n’y vois rien. Alors, je joue des coudes et des épaules pour me frayer un passage. Je bouscule un vieillard qui manque de tomber, une femme portant un bébé. J’écrase un ou deux pieds au passage. Je m’en excuse. On ne me répond pas. On ne fait pas attention à moi. Moi le retardataire. Moi le dernier arrivé ! Tous les visages sont tournés dans la même direction.
– Mais que se passe-t-il donc ?
– Regarde, l’ami. C’est le Prophète ! Celui qui vient de Galilée ! L’Envoyé de Yahvé ! Hosanna au plus haut des cieux !
L’homme qui me répond avec un large sourire édenté tient à la main une grande branche feuillue qu’il agite au-dessus de sa tête. Il n’est pas le seul. Ils sont nombreux, comme lui, à remuer ainsi l’air sec de cette période de l’année.
Et tous reprennent en chœur :
– Hosanna ! Hosanna ! Sauve-nous !
Je pousse encore un ou deux corps pour me frayer un ultime passage. Enfin, je découvre celui qui attire tous les regards. Je le vois. Il est là, celui que les anciens ont annoncé. Celui sur qui on projette aujourd’hui les promesses du temps de nos Pères : promesse de royauté retrouvée, comme aux heures de gloire de David.
Quelle n’est pas ma surprise ! Ma déception aussi !
Je découvre un homme plutôt malingre qui n’a rien du prestige des grands de ce monde. Pourtant, il y a en lui une dignité certaine. Il s’accroche, tient à peine assis sur un jeune âne titubant à chaque pas. Le pauvre animal ne sait que faire de ce poids qu’on lui inflige de porter, sans doute pour la première fois, des vêtements qu’on a jetés sur lui en guise de selle, de ceux qui jalonnent le chemin et qui entravent ses sabots. Je distingue sur sa croupe une croix foncée bien dessinée, comme la portent la plupart des équidés de son espèce. Entouré de ses compagnons de route, le Prophète paraît gêné de cet accueil. Je suis sûr qu’il aurait préféré passer incognito pour rejoindre le lieu du pèlerinage sans éveiller l’attention. Mais c’est trop tard !
Je me joins alors au cortège. Je saisis moi aussi une branche qu’une femme me tend et à mon tour, j’entonne le chant des montées, me joignant aux voix des habitants de la grande Ville :
– Hosanna ! Béni soit ! Hosanna ! Sauve-nous !
Nous prenons alors la direction du Temple. Le petit âne peine à attaquer cette pente. Il souffle. Bientôt, l’esplanade sera envahie par tous ceux qui, nombreux, viendront faire mémoire de la libération de notre esclavage. Aujourd’hui, cette commémoration prend un tour particulier, annonçant une ère nouvelle, celle de notre liberté bientôt retrouvée. Elle me paraît plus proche que jamais.
– Hosanna !
Les retours sont élogieux, en toute modestie ! On s’interroge sur la colère, on relève la colère de ce marchand (narrateur du deuxième texte), quelqu’un fait écho à une conférence de Daniel Marguerat.
Je passe à MATTAÏ, roman autour de Matthias, celui qui, désigné par le sort ou la prière, rejoindra les apôtres et qui disparaît des textes néotestamentaires. J’explique que le fait de ne rien savoir de sa vie m’a encouragé à lui écrire un « Destin au souffle de l’Esprit » (sous-titre du livre). Je lis un extrait : Dalila, l’amoureuse de Mattaï prie au Temple, souhaitant à la fois que son rêve de fonder une famille soit exaucé, et que son amoureux n’ait pas à choisir en elle et la mission qui lui sera confiée. Quelqu’un relève que c’est touchant, et que j’ai pris le risque de me mettre à la place d’une femme. C’est une audace assumée. On discute autour de comment le livre est construit, des recherches historiques, on aimerait savoir la fin.
Enfin, je passe à UN JOUR, LA VIE. Premier recueil dans l’ordre de publication. 9 récits de vie où la mort s’invite. Des récits inspirés de mon expérience d’aumônier auprès des aînés. Je partage un extrait de Pauline, cette jeune trentenaire, chroniqueuse littéraire sur internet, entourée d’amis et qui découvre un cancer incurable et virulent. Elle veut tout contrôler, faisant appel à une association pour l’aider à mourir. Après avoir rencontré l’un des bénévoles, elle envoie son dossier. L’extrait raconte sa dernière journée et l’arrivée ponctuelle de Marcel, le bénévole. La première réaction est un soupir, comme pour évacuer une tension. « C’est fort ! » dira-t-on. « Est-ce qu’on pourrait offrir ce livre à quelqu’un qui vit un deuil ? » Je le pense, je l’espère. Je crois qu’il est important, et essentiel de pouvoir poser des mots sur le deuil.
Je croyais en avoir terminé, mais devant l’enthousiasme général, Renaud me propose une autre lecture. Il a été aussi touché par Caro. Caro, l’infirmière qui découvre une patiente qu’elle croit reconnaître en sa professeur de piano. Mais la vieille dame a oublié. Caro fait le projet d’apporter des photos pour lui rafraîchir la mémoire. À la fin, une participante me demande si j’ai déjà employé des photos dans mes rencontres avec des personnes âgées. Je relate combien de fois j’ai parcouru des albums-photos aux côtés de résidents et chaque photo ravivait des souvenirs précis et touchants.
Conclusion
Ce qui devait durer une heure et quart plus ou moins a dépassé l’heure et demie. Mais personne ne s’en ait plaint, bien au contraire. On était bien, chacun chez soi et tous ensemble. La technique a tenu bon, pas de coupures intempestives. Les remerciements ont été vifs et unanimes. Mon style passe bien et notamment à distance. Cela confirme une idée à laquelle je réfléchis depuis quelques jours : proposer mes narrations DES RAMEAUX À PÂQUES sous forme de podcast. Me voilà motivé à concrétiser le projet.
Enfin, une personne a relevé que j’avais une voix agréable, qu’elle a apprécié mon accent neuchâtelois (et moi qui étais persuadé n’avoir aucun accent !) « Il faut le garder ! C’est beau les accents ! »
Ma vive reconnaissance à Renaud qui a su adapté cette soirée aux circonstances du moment, à chacune et chacun, participants à cette soirée pour ses questions, échos, et la qualité de nos échanges.