La première journée du camp du Passeport KT était consacrée à la question du choix et de la vocation.
Souvenirs, souvenirs
Nous référant à l’univers d’Harry Potter, nous avons repris et adapté l’épisode du Choixpeau magique du film Harry Potter à l’école des sorciers, les jeunes catéchumènes, après avoir répondu à un questionnaire, passaient individuellement devant le Miroir de l’Être. Cette Relique de la Vie, jouée par un animateur à côté d’un grand miroir, décidait, avec une petite marge de négociation possible, dans laquelle des quatre Maisons (ou classes) chacun irait.
Le choix et la vocation
Après la répartition des élèves de l’école de sorciers de notre camp, une mise en situation a permis une première « mise en pratique ». Moïse, un berger des temps anciens, est appelé par une Voix pour libérer ses amis victimes d’un roi injuste. Il ne se sent pas à la hauteur et ne sait que décider. La Voix lui propose de consulter de jeunes sorciers pour l’aider dans sa décision. Les Maisons ont réfléchi à la situation et chacune a apporté des arguments à Moïse qui, finalement, a accepté la mission de la Voix.
On pourra lire la version « originale » dans la Bible, livre de l’Exode au chapitre 3.
En guise de conclusion, j’avais préparé une méditation qui, finalement n’a pas été partagée ce jour-là, cela arrive parfois en camp. Je me dis qu’elle pourra peut-être inspirer votre réflexion personnelle.
Choisir, être appelé… Tout cela fait qui je suis
Qui suis-je ? La question semble facile et simple. Mais, la réponse est bien plus complexe. On peut répondre en disant, par exemple, son nom, son âge, d’où l’on vient, ce qu’on sait faire… Ou bien, je suis le frère ou la sœur de … Mais, tout cela ne dit pas tout de qui on est. Parce que notre identité est à la fois intérieure et extérieure. Elle se définit par ce que je perçois de moi-même (mes forces et mes limites) et aussi en lien avec les autres : comment ils me voient, ce que je fais avec eux et pour eux et eux pour moi. Il y a encore une autre dimension, verticale celle-ci : ma relation à Dieu qui lui me voit au-delà de moi-même et des autres. Par exemple, aujourd’hui, le Miroir de l’Être a mis en évidence des qualités que vous ne soupçonniez peut-être pas. La Voix a fait confiance à Moïse pour une mission qui lui semblait impossible. Et vous vous souvenez ce qui arriva à Harry Potter le jour de ses onze ans ? Il reçut une lettre qui allait changer sa vie : il est attendu à l’école de Poudlard où l’on forme des sorciers. Lui-même ignorait qu’il était enfant de sorciers. Et ce sera le début d’une nouvelle histoire dans le Grand Livre de sa vie. En même temps, ni Moïse autrefois, ni Harry ni nous ici ne sommes laissés seuls, devant nous débrouiller par nous-mêmes avec ces choix. Tout comme Moïse, Dieu est et sera avec nous, il nous donnera au bon moment les outils et les aides qui nous seront nécessaires. Moïse sera accompagné d’Aaron, son frère. Harry fera la connaissance de Ron et Hermione qui deviendront ses inséparables amis. Ici, dans vos Maisons respectives et tous ensemble, nous pourrons compter les uns sur les autres, chacun est précieux, et si toi ou toi ou toi n’étais pas là, il nous manquerait quelqu’un dans notre école, et quelqu’un… d’important. Alors, en cette fin de journée, gardons à l’esprit que nous sommes chacune et chacun important pour les autres et pour Dieu qui voit et révèle le meilleur en chacun et que nous pouvons vraiment être qui l’on est.
Si, dans l’organisation du catéchisme, il y a des professionnel·les, il y a aussi de jeunes monitrices et moniteurs qui s’engagent lors des activités, week-ends et camps. Ces jeunes ont suivi tout un parcours catéchétique pour certains, d’autres l’ont rejoint à un moment ou à un autre. Après la fin de l’année de caté, ils et elles ont souhaité poursuivre leur engagement.
Tout ne s’arrête pas à la fin du caté
Les paroisses de la BARC et du Joran bénéficient d’un groupe de jeunes nommé L’Étoile animé par l’animateur Jeunesse Antoine Staffelbach. Des rencontres régulières permettent aux jeunes de se retrouver autour d’activités diverses ou de repas. Ce sont des occasions d’aborder des questions qui les concernent et de leur offrir une écoute et de les accompagner dans ces moments souvent importants de l’adolescence : choix de formation, spiritualité, situation familiale et autres.
Se former, ça aide
Un autre aspect est la formation de monitrices ou moniteurs qui est dorénavant organisée au plan cantonal dans l’EREN. Ces jeunes, dont certain·nes ont terminé le caté l’année dernière se forment à prendre des responsabilités dans l’accompagnement et l’animation de groupe et la prise de parole en public. Les sessions de formation permettent des échanges d’expériences entre moniteurs en formation issus d’autres paroisses. Ce qui est une plus-value indéniable. La formation est validée par un travail de diplôme que chaque candidat doit produire lors d’une rencontre sous la supervision d’un·e professionnel·le.
Ce diplôme et les engagements sont de vrais plus dans un CV, surtout à une étape de la vie des jeunes où les expériences professionnelles sont encore rares, ce qui est normal étant donné leur âge.
Un compagnonnage
J’apprécie beaucoup les contacts avec ces garçons et filles, leur engagement, leur disponibilité malgré des emplois du temps souvent bien remplis. Car, on s’en doute, il n’est pas aisé de concilier formation, vie professionnelle, activités de loisirs et caté. Et pourtant, ceux et celles qui s’engagent y parviennent. J’aime aussi apprendre à leur contact, accueillir parfois aussi des questionnements profonds, des réflexions et être le témoin privilégié d’un cheminement intérieur.
Elles et ils sont (déjà) l’Église
On a coutume de dire que les jeunes sont l’avenir de l’Église, mais nous sommes plusieurs – beaucoup ? – à prétendre qu’ils et elles sont le présent, même s’ils et elles ne sont pas des fidèles des cultes et activités paroissiales, ce qu’ils et elles vivent en groupe et nous font partager nous montrent toute la richesse de leurs personnalités. Merci à chacune et chacun.
En automne dernier, certain·e·s de mes ami·e·s et collègues se sont lancé·e·s dans une réflexion autour de ce titre La Bible pour moi. J’ai aimé lire les billets de Philippe Golaz, Olivier Keshavjee, Elio Jaillet, Noémie Emery. Y en a-t-il d’autres que j’aurais oubliés ?
Troisième billet consacré aux relations interpersonnelles qui se base sur le livre Exister du psychiatre Robert Neuburger. Comme précédemment, je vais essayer de mettre ce que dit Neuburger en perspective de la relation à Dieu et à ma foi. Ce faisant, j’essaie de répondre à ce commentaire d’Elio Jaillet.
Intéressons-nous à la relation fraternelle et lisons d’abord ce qu’en dit Neuburger :
[Cette relation] est ce que l’enfant apprend au contact de ses « frères ». J’entends par là les autres enfants de sa propre famille ou les enfants qu’il va connaître à la crèche ou plus tard à l’école maternelle, voire simplement au square dans le bac à sable (…) La relation fraternelle nous relie à d’autres êtres que nous élisons comme étant des « frères » au sens de « semblables » (…) Le maître-mot de cette relation est le partage, le fait de vivre une expérience qui prend consistance parce qu’un autre la partage, d’exister dans ce plaisir partagé.
Exister, pp. 27-28
Le psychiatre emploie le masculin, mais ce qui est dit ici et dans ce qui suit peut (voire doit) s’entendre aussi au féminin, et ainsi passer de frères à sœurs.
Mes frères que je me choisis
De ce court extrait, je peux déjà dégager deux pistes de la fraternité. D’abord une fraternité de fait, biologique, où chacun, issu d’une même mère, est porteur d’un même patrimoine génétique et ensuite une fraternité de choix, sociale, où je me choisis ceux qui deviendront mes frères ou mes sœeurs. Ce qui va guider mes choix, ce sera l’envie de partager quelque chose de commun, ce qui me communiquera le sentiment d’exister.
On voit déjà poindre la compréhension religieuse de la fraternité, dans ce sens où je rejoins une communauté où je peux partager des valeurs qui me font sentir exister dans le partage d’une foi en un même Dieu, d’une même espérance et d’un même credo. D’ailleurs, ne parle-t-on pas des communautés religieuses composées de frères et/ou de sœurs1 ?
Sacrés frères
Les histoires bibliques font la part belle aux familles et notamment aux relations entre frères. Mais étrangement, ces photographies familiales mettent plus en évidence des relations conflictuelles qu’harmonieuses. Pensons par exemple à Caïn et Abel, Esaü et Jacob, Joseph et ses frères. Cette approche n’étonne pas Neuburger :
Les premiers rapports sont souvent rugueux. Découvrir que l’on n’est pas le seul de son espèce dans le regard maternel est une rude épreuve qui engendre ce que Lacan appelle le complexe de fraternité. Sur ce point, le psychanalyste était nanti, ayant un frère qui, non seulement lui faisait de l’ombre à l’intérieur de sa famille, mais aussi était frère en religion, donc lui volait une part important de regard de Dieu.
Exister, p. 27
Cette référence à Lacan n’est pas sans rappeler une parabole célèbre de Jésus, celle du fils prodique, et cet extrait notamment, le reproche de l’aîné à son père :
(29) Mais lui répondit : « Cela fait tant et tant d’années que je suis à ton service ; jamais je n’ai désobéi à tes ordres. Et pas une seule fois tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. (30) Mais quand celui-là revient, “ton fils” qui a mangé ta fortune avec des prostituées, pour lui, tu tues le veau gras !
Évangile de Luc 15, 29-30.
La relation à Dieu
Comme déjà évoqué dans le billet à propos de la relation nourricière, Dieu est notre origine commune. Il est ce Dieu nourricier d’un amour sans limite. Dans cette perspective croyante en Jésus-Christ, nous sommes appelés enfants de Dieu :
(1) Voyez quel amour le Père nous a témoigné pour que nous soyons appelés enfants de Dieu! Et nous le sommes! Si le monde ne vous connaît pas, c’est qu’il ne l’a pas connu, lui. (2) Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons un jour n’a pas encore été révélé. Mais nous savons que, lorsque Christ apparaîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est. (3) Toute personne qui possède cette espérance en lui se purifie comme lui-même est pur.
Première lettre de Jean 1, 1-3
Mais la relation de Dieu à l’humain n’est pas que verticale (ou asymétrique), elle est aussi horizontale, en Jésus-Christ. En lui, c’est Dieu qui offre un vis-à-vis, un semblable, un frère à l’humain, qui permet alors de se relier au Divin, de le voir à notre hauteur.
Du Fils au frère
Ainsi, de Fils de Dieu le Père, Jésus se fait frère des humains. Lors de son baptême, la voix venant du ciel2 qualifie Jésus de Fils, qui bénéficie de l’amour (ou l’approbation) du Père :
(16) Dès qu’il fut baptisé, Jésus sortit de l’eau. Alors le ciel s’ouvrit pour lui et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. (17) Au même instant, une voix fit entendre du ciel ces paroles: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute mon approbation.»
Évangile de Matthieu 3, 16-17
Plus loin, lors de la transfiguration, cette même voix se fera à nouveau entendre aux trois disciples témoins de cette scène et légitimera Jésus à être écouté en tant que fils :
(35) Et de la nuée sortit une voix qui dit: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé: écoutez-le!»
Luc 9, 35
C’est le Prologue de Jean qui opère la transition du Fils du Père au frère, semblable :
(14) Et la Parole s’est faite homme, elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité, et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père.
Évangile de Jean 1, 14
Ainsi, en Jésus-Christ, c’est la parole de Dieu, force de création et de relation, qui devient un habitant de ce monde, semblable aux autres.
La lettre aux Philippiens ne dit pas autre chose :
(6)… Jésus-Christ: lui qui est de condition divine,
il n’a pas regardé son égalité avec Dieu comme un butin à préserver, (7) mais il s’est dépouillé lui-même en prenant une condition de serviteur, en devenant semblable aux êtres humains. Reconnu comme un simple homme (…)
Philippiens 2, 6-7
Tous frères, vraiment ?
On pourra certainement se demander si nous sommes vraiment tous frères et sœurs. En humanité, certainement, puisque nous partageons une commune condition : celle de vivants et de mortels appartenant à la famille homo sapiens.
Bien plus encore, à la lecture de Neuburger, et dans son chapitre consacré à la dépression, on prend conscience qu’aucune catégorie, fût-elle le résultat d’un diagnostic médical plus ou moins justifié, n’enlève la qualité fraternelle de chaque être humain :
(…) en considérant que la plupart des déprimés sont des sujets normaux confrontés ou ayant été confrontés à un environnement anormal. Le « déprimé » est d’abord notre frère : il n’y a pas de destin programmé.
Exister, p. 144.
Remarquez que les guillemets portent sur déprimé et non sur frère. Le premier pouvant être questionné, le second terme ne l’est pas.
Pour en revenir à l’approche des Écritures, Jésus va redéfinir la relation fraternelle, mais plus largement celles des membres de la famille, au-delà des seuls liens du sang :
(48) Mais Jésus lui répondit : Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? (49) Puis, désignant ses disciples d’un geste de la main, il ajouta : Ma mère et mes frères, les voici. (50) Car celui qui fait la volonté de mon Père céleste, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère.
Évangile de Matthieu 12, 48-50
On notera au passage qu’il n’y a pas de redéfinition liée au Père, puisque Dieu est seul Père pour tous les humains : « Ne donnez pas non plus à quelqu’un, ici-bas, le titre de « Père », car pour vous, il n’y a qu’un seul Père : le Père céleste. » (Matthieu 23,9).
Ma relation à Dieu se trouve dès lors stimulée par cette réflexion qui me conduit à regarder mon prochain avec les yeux d’un frère et à le considérer comme un frère, une sœur. Car, en lui, c’est Dieu que je suis appelé à aimer :
(19) Quant à nous, nous aimons parce que Dieu nous a aimés le premier. (20) Si quelqu’un prétend aimer Dieu tout en détestant son frère, c’est un menteur. Car s’il n’aime pas son frère qu’il voit, il ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas. (21) D’ailleurs, Christ lui-même nous a donné ce commandement : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère.
Première lettre de Jean 4, 19-21
Je crois que tout est dit dans ces quelques mots : une verticalité en cet amour premier de ce Dieu nourricier qui me précède et me dépasse. Ce Dieu qui a créé chacun·e à son image et capable d’aimer. Ensuite, cet appel à l’horizontalité dans la reconnaissance de l’autre, quel qu’il soit, comme mon frère, et frère de Jésus-Christ. Enfin, une cohérence à défendre, un rappel à y revenir toujours et encore : la verticalité n’est rien sans l’horizontalité et vice-versa.
Questions à (se) poser :
Quelles personnes ont été, dans ma vie, des frères ou des sœurs, également au-dela du cercle famillial ?
La construction de soi, au contact de frères, passe-t-elle toujours par la confrontation ?
Comment ma relation à Dieu influence-t-elle ma relation à mes frères en humanité ?
Est-ce que je fais une différence entre frères en humanité et en Christ (ou en Dieu) ?
Dans son livre, Neuburger rappelle que dans certaines langues, à l’image du grec et du latin, il existe une distinction de mots pour désigner des frères de sang des frères de foi (Exister, pp. 38-39). ↩
Une manière de définir Dieu dont la voix est créatrice, notamment de relation (voir par exemple Gn 3) et de paix, puisque les Évangiles y ajoutent la manifestation d’une colombe. ↩
À l’invitation d’Elio dans son commentaire, je reprends ces quatre dimensions relationnelles décrites pour les mettre en regard avec Dieu et ma foi, qui est ma relation au Divin. Cet article reprend la relation nourricière ou maternelle.
Neuburger fait ici une précision : une relation maternelle n’est pas l’exclusivité de la mère biologique ou familiale, tout comme une relation paternelle, ou d’autorité, n’est pas réservée au seul père biologique ou familial. Il s’agit plutôt de fonctions assumées1.
Un besoin vital de relations
Le nourrisson a un besoin vital de cette relation fusionnelle qui le fait exister aux yeux de sa mère, mais il s’agit, comme dans toute relation, d’un échange et la mère a donc besoin d’être reconnue comme telle par son enfant. (…)
Cette relation primaire est symbolisée par le nourrissage, modèle d’une relation ultérieure que les humains rechercheront toute leur vie sous des formes plus ou moins sublimées.
Exister, p. 25
La naissance d’un enfant est plus qu’une simple mise au monde. La mère, qui a porté en elle cet enfant, son enfant, en a déjà pris soin avant même qu’elle puisse le voir. La relation est bel et bien fusionnelle puisque l’enfant a grandi dans son ventre et tous les deux ne formaient qu’un seul corps2.
La Bible, dans son première livre de la Genèse, montre que Dieu est à l’origine de la relation d’avec l’humain. Il est la Source de vie.
Symboliquement, c’est Dieu qui forme l’être humain au moyen de poussière (qu’on pourrait rapprocher de la matière organique dont chacun de nous est constitué) et qui lui donne vie par son souffle (ce qui se serait cette essence de vie)3.
En ce sens, Dieu devient mère, ou accoucheuse de l’humain :
(7) L’Eternel Dieu façonna l’homme avec de la poussière du sol, il lui insuffla dans les narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant.
Genèse 2, 7
Il y a encore ces mots magnifiques du psaume 139 :
(13) Tu m’as fait ce que je suis, et tu m’as tissé dans le ventre de ma mère. (14) Je te loue d’avoir fait de moi une créature aussi merveilleuse : tu fais des merveilles, et je le reconnais bien. (15) Mon corps n’était pas caché à tes yeux quand, dans le secret, je fus façonné et tissé comme dans les profondeurs de la terre. (16) Je n’étais encore qu’une masse informe, mais tu me voyais et, dans ton registre, se trouvaient déjà inscrits tous les jours que tu m’avais destinés
alors qu’aucun d’eux n’existait encore.
Psaume 139, 13-16
Ceci laisse entendre que nous ne venons pas de nulle part et que nous sommes pas un simple composé d’atomes et de matière, mais que nous portons en nous un souffle de vie donné et surtout que l’humain est voulu et connu de Dieu. De plus, si la femme porte la vie, c’est Dieu qui donne la Vie.
Un besoin de relations
La vie n’est pas que biologique, elle est aussi et surtout relations. S’il n’est pas bon que l’homme soit seul, il n’est pas bon non plus que Dieu soit seul. Et il est le premier à le comprendre et à vouloir y remédier. Il façonne par conséquent l’humain pour avoir un vis-à-vis, pour inaugurer et développer une relation4. Dieu se met à la recherche de l’humain :
(9) Mais l’Eternel Dieu appela l’homme et lui demanda : Où es-tu ?
Genèse 3, 9
Je crois que cette question n’est ni anodine ni anecdotique, comme posée une fois pour toutes dans l’histoire de cette relation de Dieu à l’humain. Elle est de celles qui sont posées à chacun·e d’entre nous et toute au long de notre vie. Dieu non seulement s’intéresse à nous, mais il s’inquiète de nous. Il ne cesse de nous chercher, bien plus que nous le cherchons nous-mêmes. Et surtout, Dieu se laisse trouver :
(12) Alors vous m’invoquerez et vous viendrez m’adresser vos prières, et je vous exaucerai. (13) Vous vous tournerez vers moi et vous me trouverez lorsque vous vous tournerez vers moi de tout votre cœur. (14) Je me laisserai trouver par vous – l’Eternel le déclare(…)
Jérémie 29, 12-14
La réponse de l’humain, créature de Dieu, est alors de se tourner à son tour vers son Dieu, de le chercher 5 :
(2) O Dieu, tu es mon Dieu ! C’est toi que je recherche. Mon âme a soif de toi, mon corps même ne cesse de languir après toi comme une terre aride, desséchée et sans eau.
Psaume 63, 2
Une mère pour ses enfants, vraiment ?
Mais il y a d’autres textes plus rudes : le récit introduisant le Déluge montre un Dieu-mère qui regrette d’avoir mis au monde, qui aurait peut-être préféré ne pas avoir fait naître de pareils enfants, en voyant ce qu’ils sont devenus6. Et parce que Dieu est Dieu, il pourrait tout détruire, tout recommencer, à l’image de la page raturée d’un cahier qu’on arrache pour faire croire qu’elle n’a jamais existé. Il en a d’ailleurs le projet :
(5) L’Eternel vit que les hommes commettaient beaucoup de mal sur la terre et que toutes les pensées de leur cœur se portaient constamment et uniquement vers le mal. (6) L’Eternel regretta d’avoir fait l’homme sur la terre et eut le cœur peiné. (7) L’Eternel dit: «J’exterminerai de la surface de la terre l’homme que j’ai créé, depuis l’homme jusqu’au bétail, aux reptiles et aux oiseaux, car je regrette de les avoir faits.»
Genèse 6, 5-7
Mais, comme une mère pour ses enfants, Dieu reconnaît qu’il y a des justes, des innocents. Et il veille à les préserver. Il n’est pas adepte de la fessée collective et aveugle :
(8) Cependant, Noé trouva grâce aux yeux de l’Eternel. (9) Voici l’histoire de Noé. C’était un homme juste et intègre dans sa génération, un homme qui marchait avec Dieu.
Genèse 6, 8-9
Les textes bibliques nous montrent encore un Dieu qui nourrit ses enfants. Je m’y arrête un instant puisque qu’un des rôles de la mère est de nourrir son nourrisson7.
Ma relation à Dieu, au Divin, est d’abord une relation de vie, qui me rend vivant, qui est porteuse de vie et par conséquent en relation avec un Dieu qui me reconnaît.
Même si le langage biblique présente le Divin sous les traits d’un père :« Notre Père qui est aux cieux », il peut être représenté avec des attributs maternels. D’ailleurs un psaume exprime l’image d’une oiselle qui protège ses petits sous son aile :
Qui s’abrite auprès du Très-Haut,
repose sous la protection |du Tout-Puissant. (2) Je dis à l’Eternel : « Tu es mon refuge et ma forteresse, mon Dieu en qui je me confie ! » (3) C’est lui qui te délivre du filet de l’oiseleur,
et de la peste qui fait des ravages. (4) Il te couvre sous son plumage, tu es en sécurité sous son aile,
sa fidélité te protège comme un grand bouclier.
Psaume 91, 1-4
Ensuite, cette relation nourrit ma vie. Non seulement, ma vie spirituelle par la relation que j’entretiens au traves de la lecture, de la méditation et de la prière, que je peux qualifier de dialogue, mais aussi ma vie relationnelle avec les autres. En effet, elle me fait découvrir, toujours et à nouveau, la présence discrète de ce Dieu nourrissant et aimant au coeur même de mes rencontres et de mes dialogues.
Et cette relation m’invite à regarder à la dignité de chacun·e, et à la mienne aussi : sous le regard de ce Dieu, annoncé par Jésus-Christ, chacun·e de nous est reconnu·e comme un·e enfant, digne d’être aimé·e. Même celui ou celle qui serait rejeté ou oublié·e par sa mère :
(15) (…) Une femme oublie-t-elle |l’enfant qu’elle nourrit ? Cesse-t-elle d’aimer |l’enfant qu’elle a conçu ? Et même si les mères |oubliaient leurs enfants, je ne t’oublierai pas ! (16) Voici, je t’ai gravée |dans le creux de mes mains (…)
Esaïe 49, 15-16
Et cela est très rassurant.
Questions à (se) poser :
Comment ma relation à mes parents ou ma famille (peut-être parfois conflictuelle) peut-elle influencer ma relation à Dieu ?
Quelles qualités maternelles m’ont aidé·e à me construire ?
Ceci, bien évidemment, quand tout se passe bien. Si l’enfant est déjà « rejeté » ou nié, parce que, par exemple, il est la conséquence d’un viol et que l’avortement n’a pas été possible, ou que la mère fait un déni de grossesse, c’est très différent. ↩
Quel enfant n’a pas joué à former des personnages en pâte à modeler et à leur donner symboliquement la vie, les faisant parler et communiquer entre eux ? ↩
Cette relation Dieu-homme est différente des autres mythologies où le divin est souvent lointain et se joue de l’humain. ↩
on retrouve ici ce double mouvement de la mère vers l’enfant et de l’enfant vers sa mère, constitutif de la relation fusionnelle. ↩
Les exemples ne sont pas rares, malheureusement, d’entendre des mères dire à leur enfant : « j’aurais préféré que tu ne naisses jamais ! »↩
on parle, outre de lait maternel, d’instinct maternel, d’amour maternel. Mais de telles qualités se retrouvent aussi, et tant mieux, chez les pères. ↩