Tisser du lien

Voilà que depuis quelques semaines, nous revenons à une situation qui nous permet de retisser du lien, notamment en paroisse. Pendant plus de deux mois, nous avons été contraints d’imaginer d’autres manières d’être reliés. Elles ont été pertinentes. Elles ont pallié à des manques et répondu à des attentes. Maintenant, qu’en garderons-nous ? Quelques réflexions à la volée.

Le cœur du métier : le lien

Ce qui donne du sens à mon engagement dans une paroisse et dans un lieu d’écoute et d’accompagnement, c’est le lien, la relation, la rencontre. Et voilà que d’un jour à l’autre, tout a été suspendu. Je me suis senti un peu dépourvu face à une situation inédite. Une pause d’abord bienvenue, mais aussi une opportunité de me poser la question de comment garder le lien malgré la distance. Je pressentais qu’il y avait un besoin de liens sociaux. Mais n’était-ce là que le fruit de mes propres projections ? La réalité a montré que cela venait plutôt de moi.

la joie de vivre ensemble

L’imagination de se relier autrement

Comment allais-je donc rester en lien, développer du lien, créer du lien ? Sous quelle(s) forme(s) ? Le plus simple a été de me saisir de mon téléphone et oser l’initiative de prendre des nouvelles, d’offrir des temps d’écoute, de partage et de discussion. J’ai constaté que des entretiens sont aussi possibles aussi sans se voir, par téléphone et que mon écoute a été plus attentive aux modulations de la voix, aux soupirs et aux silences. Par contre, j’étais privé de tout ce que le visage et le corps peuvent exprimer au-delà des mots.

Ensuite, entre collègues, nous avons recouru à la vidéo-conférence pour nous voir et prendre des nouvelles, pour nous coordonner dans des actions communes tout de même possibles. J’ai senti une collaboration renouvelée. Ma collègue Laure Devaux est même aller jusqu’à adresser sa Déclaration d’amour à ses collègues. Mon attention a été également changée : manifester son envie de prendre la parole, compter avec des coupures de connexion, des saccades, perdre le fil de la conversation.

On a ainsi développé des propositions concrètes sous la forme de cultes à l’emporter, de lettres aux aînés, de brochures illustrées. On a cherché à coller à l’actualité de nos vies paroissiales, à donner la parole tantôt aux jeunes, tantôt aux aînés, à ouvrir nos horizons par des photos.

En parallèle des documents destinés à être imprimés, le site internet de la paroisse que j’ai tenu à jour a été consulté, sans doute aussi, par des visiteurs hors du champ paroissial. Quand les statistiques montrent des pics de consultations à plus de 100 visites à la publication d’un culte, je peux imaginer qu’il a « ratissé » large…

Ce que nous avons mis en place, en l’adaptant au fil du temps, a été autant de manières de dire que nous étions là et que nos paroissiens n’étaient pas laissés à eux-mêmes. Ça a été des liens créés, consolidés, tendus, retendus.

On retrouve nos manières habituelles d’être en lien

On peut s’en réjouir. Ou on peut regretter de reprendre là où la crise nous a laissés. Mais, depuis le début du mois de juin, des rencontres sont à nouveau possible « en vrai ». Les cultes reprennent, les aînés ne sont plus les plus-à-protégés. On garde ses distances, mais on revient à une certaine normalité.

Ce temps à distance a eu une incidence sur la manière présente et future de maintenir les liens. Allons-nous continuer à prendre des nouvelles des personnes que nous avons contactées depuis deux mois et distancées de nos rendez-vous habituels ? Allons-nous poursuivre des offres spirituelles ou méditatives en ligne au-delà des cultes dominicaux ? Allons-nous garder quelque chose de nos séances en vidéo ?

une distance, vraiment ?

Autant de questions que nous sommes plusieurs à nous poser. Les réponses dépendront de nos lieux, de la motivation de nos collègues et bénévoles, de la bonne volonté de nos conseils à nous donner du temps pour continuer l’œuvre commencée.

Mon collègue Elio Jaillet s’interroge aussi sur la portée des liens tactiles. Ne plus se serrer la main, ne plus s’embrasser, ne plus se prendre dans les bras.

Être relié sur le web protestant aussi

La période que nous venons de traverser a vu éclore sur internet le Réseau-protestant. Il s’agit d’une liste de sites, notamment  institutionnels (ou officiels) et de blogs le plus souvent personnels (reflétant l’avis de leur auteur). Pour être pertinent, ce Réseau doit mettre en lien les sites et les blogs entre eux. C’est d’ailleurs le principe même d’internet que de mettre des sites en lien les uns avec les autres.

des milliers de connexions

Mais au fait, comment cela se passe-t-il ? Comment faire des liens ? À quoi ça sert de faire des liens ? Sur son blog, Nicolas Friedli y consacre une page essentielle et incontournable pour qui veut bloguer comme il se doit. À lire absolument et plusieurs fois !

Le principal, c’est d’être en lien

Que ce soit par des contacts directs, par des outils de communication, par internet, par la prière, l’important est d’être lien, relié les uns aux autres et à Celui qui nous accompagne dans nos relations.

Boutons de chaîne hifi

Parfois, il est bon d’appuyer sur « Stop », de se connecter à nouveau à ce qui est essentiel, puis de presser sur « Play » pour repartir, tissant des liens entre personnes du dedans et du dehors de nos cercles paroissiaux, et entre blogs en relayant des publications qui nous ont parlé.

[Cet article est susceptible d’évoluer par vos commentaires]

Image par Pexels de Pixabay

4 réflexions au sujet de “Tisser du lien”

  1. Merci Jean-Marc pour ce billet qui nous rappelle l’essentiel! J’apprécie particulièrement le non-jugement de valeur entre les liens qui peuvent se tisser en présence ou en ligne.
    Ces derniers mois, j’ai souvent entendu ce leitmotiv que rien ne valait les rencontres/séances/entretiens en présence. Ce n’est l’expérience qui a été la mienne!
    La qualité du lien dépend à mon sens de bien d’autres choses que le média!
    Je te souhaite une suite bien connectée à tout point de vue!
    Bises
    Laure

  2. Merci pour cette belle réflexion !
    Je me dis qu’il y a un travail de diagnostic à faire sur notre état d’incarcération… la prison, ou l’asile, a pour but d’isoler et de couper les liens pour prémunir le plus grand groupe du disfonctionnement d’une partie de ses membres. On nous lie les mains pour ne pas pouvoir nous lier à d’autres réalités.
    Quelle est notre prison? Quels sont ces liens vitaux que je refuse ou qui me sont refusés alors que je suis appelé à rayonner au-travers de la multiplicité de mes liens? Le lien qui vient de Dieu nous remet sur pied pour à nouveau pleinement être liés aux autres : je suis libéré de mes liens de servitudes pour passer à un lien (une relation) de vie.
    La peur de s’engager dans certaines formes de liens… un os à ronger !

  3. Cher Elio,

    Ton billet sur ton blog « Prier, toucher » a été stimulant pour moi aussi. Comment rester en lien (voire connecté) malgré les mesures sanitaires, les gestes barrières et la peur qui règne ? Comment vivre la frustration de ces élans de s’embrasser, de se serrer, de se cajoler ? Tout cela reste pour moi des questions encore sans réponse…
    Amitiés. JM

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