Mise en cène

Début août, Noémie Emery, pasteure stagiaire, a publié un billet fort intéressant sur son blog Pèlerine au chocolat sous le titre De cène réflexions. J’ai aimé lire sa réflexion, car elle aborde à la fois l’aspect traditionnel de ce moment « culte » de nos célébrations, et elle y ajoute ses propres perceptions : comment elle vit ce moment hautement communautaire.

Le titre de Cène réflexions
L’image du billet de Cène réflexion par Noémie Emery sur son blog.

Image parlante

Pour parler de ce sacrement qu’est la sainte-cène et qui ouvre la communauté et chacun au Royaume, Noémie a eu recours à une image très parlante. Une image pour dire ce qui est déjà et ce qui n’est pas encore. Une références qui change de la graine qui porte la plante en devenir ou la chenille qui deviendra papillon. La future maman part de son expérience : le monde est enceint du Royaume :

Pour notre temps, le rituel offre ce que j’expliquerais le mieux par la métaphore de la grossesse : le monde est enceint·e du Royaume (et Dieu seul·e connait le terme de cette grossesse qui est vie et promesse de Vie), et le sacrement serait comme une échographie (ou l’écoute du coeur via un doppler ou que sais-je encore) de ce Royaume, nous permettant de nous rendre compte de sa réalité, de son déjà-là, et simultanément de ce pas-encore, de tout ce qu’il reste à réaliser.
citation tirée du blog de Noémie Emery

J’avoue que je n’avais jamais pensé à ce parallèle pourtant très imagé. Peut-être tout parce que je suis un homme, ou plus simplement, parce que je n’y ai pas pensé.

Femme, Enceinte, Jetée, Ventre, Maternité, Joli, Pose
Le bonheur de sentir ce déja-là et l’attente de ce pas-encore. Image de Greyerbaby, Pixabay

Des repères

L’article poursuit par un développement théologique autour de l’héritage, de l’histoire du Salut, de la Création et une belle mise en question à propos du sens à donner au sacrement :

Je vois là un manque dans ma théologie, et me réjouis d’enrichir ma foi par mes recherches futures. Peut-être est-ce un peu prétentieux de penser ainsi, mais voici : si moi, qui suis théologienne depuis quelques années maintenant, et qui me passionne pour le sens des choses que je vis, ne comprends pas réellement ce qu’implique un sacrement, que comprennent mes paroissien·ne·s ? Probablement plus que moi.
citation tirée du blog de Noémie Emery

Le déroulement par le menu

Enfin, la jeune pasteure présente la liturgie de sainte-cène par le menu, étape après étape et explicite fort bien chacune d’elles. J’apprécie ce va-et-vient entre attitude méditative et attitude active de l’assemblée.

Une introspection pour conclure

En conclusion, Noémie partage son introspection toute personnelle mais qui pourrait rejoindre le mouvement intérieur de bon nombre d’entre nous :

Il m’apparait donc que je suis moins révolutionnaire en terme de Sainte Cène que ce que je pensais avant de me plonger dans le sujet. N’ayant pas une compréhension rituelle du dernier repas de Jésus, je ne me vois pas chercher à bousculer la tradition qui en a fait un rituel. A moi de m’y insérer au mieux en tant que ministre, en insistant là où c’est utile sur l’aspect éthique que j’y décèle, tout en honorant le besoin de ritualité qui habite l’humain.
citation tirée du blog de Noémie Emery

La cène nourrit les réflexions

Les questions que pose Noémie sont stimulantes pour notre foi et notre manière de la célébrer et de la vivre. D’autres textes viennent titiller notre appétit, à l’image de la multiplication des pains.

En lisant Noémie, je me suis souvenu que d’autres blogueurs du Réseau protestant avaient aussi abordé le sujet, notamment dans le contexte particulier de la pandémie.

J’aimerais partager quelques références :

1. Philippe Golaz

Sur son blog Théologiquement Vôtre, Philippe a rédigé 6 billets autour du thème Comprendre le culte. Ces billet sont destinés à ceux et celles qui ne sont pas habitués aux pratiques liturgiques. On y trouve des textes à titre d’exemple. L’auteur a la bonne idée aussi d’ouvrir son contenu à des apports de ses lecteurs·trices.

À lire : sainte-cène in comprendre le culte.

En lien avec la pandémie et l’impossibilité de vivre la sainte-cène de manière communautaire, Philippe a proposé une liturgie pour une cène à domicile avec indications très pratiques.

À lire : liturgie de sainte-cène à domicile.

2. Hyonou Paik

Mon collègue Hyonou a fait de la sainte-cène une prédication qu’il a relayée sur son blog Potins Divins. En une réflexion brève, il explique en quoi la célébration de la sainte-cène fait que le dimanche n’est pas tout à fait un dimanche ordinaire.

À lire : la cène fait du dimanche un vrai dimanche.

3. Marc Pernot

Le site Je cherche Dieu permet à tout·e un·e chacun·e de poser ses questions en toute liberté et franchise.
Un visiteur a exprimé sa tristesse de voir la sainte-cène interdite pendant la pandémie. Avec beaucoup de tact, le pasteur Marc Pernot lui a répondu, en proposant notamment des manières de célébrer la cène Covid-compatibles.

À lire : la sainte-cène a été supprimée dans notre paroisse.

Et moi, et toi, et nous ?

Ces différentes approches ont aussi été stimulantes pour moi et m’on amené à réfléchir toujours et encore à ce que représente la sainte-cène pour moi. J’ai eu l’occasion d’en célébrer dans divers contextes : lors du culte dominical, en EMS, à domicile et j’envisage bientôt à l’aumônerie de rue de Neuchâtel. C’est un moment où il y a quelque chose à la fois de physique, par la proximité, et de mystérieux, par le fait de se rasssembler autour du Christ ressuscité.

Comme le relevait Noémie, c’est le moment le plus corporel, le plus sensuel. Aujourd’hui, il a un peu perdu de sa superbe, puisque les mesures sanitaires imposent une pratique en défilé, des morceaux de pain déjà coupés à la place de la « morce » rompue, des gobelets individuels au lieu de la coupe qu’on se passait. C’est le moment où l’assemblée prend conscience qu’elle est communauté sous le regard du Christ vivant. Et c’est une joie !

J’avoue aussi que je balance entre la régularité de la cène hebdomadaire et l’irrégularité de ce moment que je vivrais plutôt comme une fête, justement parce qu’il vient rompre avec l’habitude.

On lira avec intérêt l’article de André Gounelle paru dans Évangile&Liberté

Enfin, il y a quelque chose qui m’a toujours surpris lors du moment de communion : la solennité des participant·es. Les têtes sont baissés, les regards pointent les pieds, on se regarde à peine en passant la coupe. Je veux bien que chacun·e intériorise ce moment à sa manière et je ne juge personne, mais il y a une austérité palpable. Ceci est d’autant plus en décalage avec les paroles d’introduction au repas du Seigneur : « Quelle joie de te louer, Dieu très bon ! » Oui, ce moment est aussi, pour moi, le moment le plus joyeux de nos célébrations, parce que nous y célébrons la Vie donnée, la Vie partagée, la Vie qui vient d’un Plus-Grand-Que-Soi.

Souper, Cathédrale De Cologne, Portail, Eau De Cologne
Dernier repas. Sculpture de la cathédrale de Cologne. Image Pixabay

La réflexion, la mienne, la tienne, se poursuit. N’hésite pas à y contribuer en apportant ta propre réflexion en commentaire ou mieux encore en la développant sur ton blog, tout en mentionnant cet article comme point de départ.