En marche

En marche

Quelques textes et extraits du culte du dimanche 11 juillet que j’ai célébré à La Neuveveville.  Partant du psaume 8 et de cette question « Qu’est-ce que l’homme pour que tu prennes soin de lui ? », je mets mon expérience à La Lanterne, l’aumônerie œcuménique de rue en Ville de Neuchâtel en lien avec la rencontre avec l’aveugle Bartimée.

Accueil

 « En marche, les humiliés du souffle ! Oui, le royaume des ciels est à eux !
En marche, les endeuillés !
Oui, ils seront réconfortés !
En marche, les humbles !
Oui, ils hériteront la terre !
En marche, les affamés et les assoiffés de justice !
Oui, ils seront rassasiés ! (…) »

C’est avec ces mots qui nous mettent en mouvement, en marche, que nous sommes accueillis et que nous nous accueillons ce matin.

Vous aurez certainement reconnu les premiers mots des Béatitudes de l’Évangile de Matthieu, le célèbre Sermon sur la montagne.

C’est à l’écrivain et penseur israélien André Chouraqui que nous devons cette interprétation où les Heureux sont En marche.

Ce matin, nous nous sommes mis en marche pour venir jusqu’ici, pour nous placer sous le regard accueillant et bienveillant de Dieu. Et nous pensons à toutes celles et tous ceux qui ne se sont pas mis en route, les accueillant aussi au milieu de nous.

La grâce et la paix vous sont données de la part de Dieu notre Père, de son Fils Jésus-Christ notre frère, dans l’unité et le souffle du Saint-Esprit.

Mère, Enfant, À Pied, Marche, Se Promener
Photo Pixabay – josealbafotos

Prière d’humilité et annonce de la grâce

Présentons-nous devant Dieu dans la confiance qu’il nous accueille tels que nous sommes.

Seigneur,
Pour toutes ces fois où mes propres certitudes ont entravé ma marche à ta suite…
Pardonne-moi.

Pour tous les détours que j’ai pris, au lieu de répondre à ton appel de chaque jour…
Pardonne-moi.

Pour toutes les routes que j’ai empruntées et qui m’ont éloigné de toi…
Pardonne-moi.

Amen.

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Photo : Pixabay – MichaelGaida

 

Jésus le Christ a dit :

« Je suis le chemin, la vérité et la vie. » (Jn 14,6)

Et aussi :

« En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie. » (Jn 5,24)

Allez dans la confiance que vous êtes passés de la mort à la vie et que la grâce de Dieu vous est donnée. Amen.

Lectures bibliques :

Psaume 8

Eternel, notre Seigneur, que ton nom est magnifique sur toute la terre! Ta majesté domine le ciel.

Par la bouche des enfants et des nourrissons, tu as fondé ta gloire pour confondre tes adversaires, pour réduire au silence l’ennemi, l’homme avide de vengeance.

Quand je contemple le ciel, œuvre de tes mains, la lune et les étoiles que tu y as placées, je dis: «Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui, et le fils de l’homme, pour que tu prennes soin de lui?»

Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu et tu l’as couronné de gloire et d’honneur. Tu lui as donné la domination sur ce que tes mains ont fait, tu as tout mis sous ses pieds, les brebis comme les bœufs, et même les animaux sauvages, les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, tout ce qui parcourt les sentiers des mers.

Eternel, notre Seigneur, que ton nom est magnifique sur toute la terre!

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Photo : Pixabay – Free-Photos

Évangile de Marc 10, 46-52

Ce jour-là, c’est l’effervescence dans la ville de Jéricho. Le prophète, accompagné de ses disciples et d’une grande foule traverse les rues. On prend garde à ce qu’aucun gêneur n’interrompent le cortège. Tout se passe bien… Jusqu’à ce moment.

Ils arrivèrent à Jéricho. Lorsque Jésus sortit de la ville avec ses disciples et une assez grande foule, Bartimée, le fils aveugle de Timée, était assis en train de mendier au bord du chemin. Il entendit que c’était Jésus de Nazareth et se mit à crier: «Fils de David, Jésus, aie pitié de moi!» Beaucoup le reprenaient pour le faire taire, mais il criait beaucoup plus fort: «Fils de David, aie pitié de moi!» Jésus s’arrêta et dit: «Appelez-le.» Ils appelèrent l’aveugle en lui disant: «Prends courage, lève-toi, il t’appelle.» L’aveugle jeta son manteau et, se levant d’un bond, vint vers Jésus. Jésus prit la parole et lui dit: «Que veux-tu que je fasse pour toi?» «Mon maître, lui répondit l’aveugle, que je retrouve la vue.» Jésus lui dit: «Vas-y, ta foi t’a sauvé.» Aussitôt il retrouva la vue et il suivit Jésus sur le chemin.

Prédication

Chers Amis, chères Sœurs, chers Frères,

Aujourd’hui, j’ai envie de vous faire marcher ! Rassurez-vous, pas au sens où on l’entend habituellement. Non, je ne vais pas vous raconter des histoires et vous entraîner ainsi sur des chemins de traverse. Ça, non !

Non, aujourd’hui, j’ai envie de vous faire marcher sur les chemins qu’ouvrent les textes que nous venons d’entendre. J’aimerais vous entraîner à parcourir ces textes, comme on fait une balade dans un coin de pays qu’on connaît bien, ici tout près, où là-bas, un peu plus loin. Parce que ces textes, on les connaît bien justement.

Mais, avant de nous lancer, permettez-moi un petit échauffement à propos des bienfaits de la marche. C’est une activité qui libère la tête et l’esprit, qui active le cœur et le corps. Elle est recommandée par les médecins.

Comment bien marcher, au fait ? En profitant simplement, oui tout simplement, de ce qui s’offre à nos sens : regarder, sentir, écouter, toucher, goûter. C’est si simple de marcher. J’ai lu quelque part ce conseil d’un marcheur :

« Quand on marche, il ne faut pas ressasser ses soucis, ses préoccupations. Ce n’est pas comme cela que viendra la solution. Non, quand on marche, il faut se laisser toucher par ce que la nature nous offre, lâcher-prise sur tout ce qui occupe et encombre notre cerveau pour faire le vide et jouir de la nature, tout simplement. Libéré et ressourcé par la marche, alors certainement que la solution apparaîtra d’elle-même. »

Voilà une leçon que je vais essayer d’appliquer à moi-même d’abord avant de la conseiller à d’autres. Alors, mettons-la en pratique dès maintenant et laissons nos soucis sur le bord du chemin.

Pour moi, la marche est ce temps privilégié de la méditation de la Parole. Un temps où je laisse un texte, des mots, me parler, dialoguer avec le paysage que je traverse, s’adapter au rythme de mes pas et de mon souffle. Où je laisse une prière faire chemin avec moi.

Le psaume 8 est justement une invitation à regarder, à admirer la nature et à y discerner la main du Créateur. Un poème que je relis souvent, en laissant mon regard se perdre dans le ciel étoilé, ou à l’horizon d’un lac, ou vers les sommets de montagnes. Et j’entends l’écho de cette question : « Qu’est-ce que l’homme, pour que tu prennes soin de lui ? »

Oui, qu’est-ce que l’homme ? Une poussière d’étoile tombée sur terre ? Un pas grand-chose devant l’immensité d’un univers dont on n’a qu’une infime perception ?

Et pourtant, et sans détour, le poète répond à la question : « [Seigneur], Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu, cet homme ! » Rien que cela ! Aux yeux de Dieu, l’humain, le terreux, le glébeux n’est pas insignifiant. Bien au contraire, chaque vie est voulue, précieuse ; chaque être a une valeur inestimable. Il vaut la peine de le répéter, surtout à l’heure où des vies sont oubliées, menacées, sacrifiées.

L’humain a tellement d’importance aux yeux de Dieu qu’il a voulu, lui le premier, le rejoindre dans sa création.

Il a fait le choix de parcourir les chemins d’humanité, devenant humain à son tour, pour ainsi nous conduire à regarder à son Royaume comme on scrute l’horizon. Il a voulu nous en ouvrir les portes dès aujourd’hui par Jésus son Fils.

En Jésus, Dieu le premier fait le chemin vers nous, il devient notre frère, notre prochain, notre compagnon de route, se souvenant de chacun, quoi que nous vivions.

Avec Dieu, personne n’est trop petit, aucun n’est oublié. Pas même ceux qu’on a laissés au bord du chemin, pas même ceux qu’on ignore au bord du chemin. Lui, Jésus, s’est arrêté, il a tendu l’oreille, il a poussé les foules à s’arrêter et à tendre l’oreille à leur tour.

La rencontre avec Bartimée n’est pas une histoire d’autrefois. Elle garde toute son actualité, criante et triste à la fois. Il y en a encore de ces marginaux, de ces dépendants, de ces cas sociaux, de ces anonymes qu’on ne voit plus, qu’on voudrait faire taire, parce qu’ils nous dérangent. Il y en a encore. Malheureusement. Ou heureusement peut-être qu’ils sont là, qu’ils nous réveillent de notre trop-plein d’assurances, quand ils crient que le système est foutu et corrompu !

J’ai eu l’occasion et j’ai encore cette chance de côtoyer des Bartimée, notamment à Lanterne, l’aumônerie de rue en Ville de Neuchâtel. Et je peux vous assurer qu’ils m’ont mis en marche, ces gens-là. Au-delà des premières impressions, des premières peurs aussi, j’ai découvert de belles personnes attachantes, timides, blessées qui se cachent derrière une carapace, une voix forte, une grande gueule.

Des amitiés se sont alors nouées. Oh, pas toujours, soyons honnêtes. Certaines sont restées distantes ; j’ai aussi fait preuve de prudence, mais bon, c’est ainsi. Elles sont là. Je suis là. Peut-être qu’un jour, nous ferons un pas, puis deux, puis trois l’un vers l’autre, l’un avec l’autre. Dieu seul le sait. Je lui fais confiance. Je lui laisse le temps.

En rencontrant ces gens de la rue – comme on dit – je pense souvent à Bartimée qui, sur le bord du chemin, n’a pas hésité à crier. Il n’a pas laissé la foule le réduire au silence et le rendre invisible. Parmi ces gens que je rencontre, il y en a qui crient, qui gueulent contre cette société qui se bouche les oreilles et les yeux ; qui prétend que tout va bien au regard des statistiques. Ce que nous vivons depuis plus d’un an a été un révélateur de tous ces oubliés, cachés et ignorés.

Bartimée lui savait qu’au milieu de cette foule, il y avait des oreilles pour l’entendre, des yeux pour le voir, un cœur pour l’accueillir, lui le fils de…, lui l’anonyme. Lui le maudit.

Bien qu’aveugle, Bartimée a vu jour.

Et c’est la rencontre entre deux fils : le fils de Timée et le fils de David. La rencontre de deux marginaux aussi. Et cette rencontre a tout changé : elle a arrêté une foule qui aurait voulu passer son chemin. Elle a mis en route celui qui mendiait. Maintenant, tout est changé : le mendiant ne mendie plus, il loue Dieu. Il n’est plus assis, il marche. Il n’est plus aveugle, il voit.

L’Évangile de Jean dit : « La Parole s’est faite chair et a habité parmi nous ». Mais cette parole n’est pas restée immobile, bien protégée par les murailles d’un temple. Elle a parcouru les chemins du monde.

Elle n’a pas attendu qu’on vienne à elle, elle s’est mise en route pour rencontrer des hommes et des femmes. Elle a pris corps et nom en devenant Jésus le Christ.

Par lui, elle rejoint tous ceux et toutes celles qui crient au bord des chemins tortueux de notre monde et qu’on aimerait ne pas entendre. Aujourd’hui, elle continue de parcourir le monde au rythme de nos pas et annonce cette bonne nouvelle pour qui y prête attention : « Va, ta foi t’a sauvé ».

C’est cette parole, cette parole de Vie, qui me fait, qui nous fait marcher. Alors, en route !

Amen.

Confession de foi : un Dieu en marche

Prière d’intercession

A l’image de ceux qui accompagnaient ton Fils,
Nous voulons, à notre tour marcher auprès de ceux qui souffrent physiquement et moralement. Et te les confier.

Rayonne de ta présence aimante à leurs côtés et ouvre-leur un chemin lumineux. Et nous te les nommons dans le secret de notre cœur.

A l’image de ceux qui suivaient ton Fils sur les chemins du monde, nous voulons proclamer ta grâce toujours et à nouveau.

Seigneur, exauce-nous. Amen.

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Bénédiction

Dieu parmi les hommes
Dieu sur nos chemins
Proche est ton royaume
Viens ! viens !

Nous sommes en marche vers le Royaume de Dieu qui est déjà là où nous sommes. Nous sommes en route à la suite du Christ qui nous ouvre à la rencontre, vraie et sincère. Nous sommes en marche avec nos frères et nos sœurs sous la conduite du Dieu trois fois saint et trois fois béni.

Allez dans la joie et la paix.

Que le Seigneur, notre Dieu, vous bénisse et vous garde aujourd’hui et toujours. Lui le Père, le Fils. En Marche ! Amen !

 

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