La parole des commencements

Quelques textes et méditations de la veillée de Noël, le 24 décembre 2022 au temple de Cortaillod.

Parole : Genèse 1, 1-5 : Que la lumière soit…

Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre n’était que chaos et vide. Il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme et l’Esprit de Dieu planait au-dessus de l’eau.
Dieu dit: «Qu’il y ait de la lumière!» et il y eut de la lumière. Dieu vit que la lumière était bonne, et il sépara la lumière des ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et les ténèbres nuit. Il y eut un soir et il y eut un matin. Ce fut le premier jour.

Accueil et invocation

Il était une foi(s)…

Une parole venue du fond des âges. Cette parole raconte une histoire. Et pas n’importe laquelle : l’histoire que Dieu a choisi de tisser avec chacun·e d’entre nous.

Cette histoire se joue du temps, car elle est d’hier, d’aujourd’hui et de toujours. Elle nous fait goûter à l’éternité. La parole qui nous est adressée ce soir, c’est celle de Dieu qui nous accueille en cette nuit, veille de Noël.

Cette parole est naissance et c’est le Dieu de la vie qui la murmure à chacun·e d’entre nous ici, et aussi à chaque habitant·e de la terre. Cette parole, accueillons-la dans le silence, faisons-lui un peu de place dans l’effervescence de ce temps de fêtes. Écoutons-la : « Il était une fois… »

Et accueillons-nous les un·es les autres à ce temps de veillée, au cœur de la nuit, où textes, chants, prières et méditations, viendront illuminer nos cœurs. Cela est bon, car c’est l’œuvre de Dieu. Accueillons encore toutes celles et tous ceux qui n’ont pas pu venir, mais à qui nous pensons. Elles.Ils sont là et reçoivent aussi cette parole de vie et de bénédiction :

Que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père,
de son Fils Jésus-Christ, dans le souffle, l’unité et la lumière de l’Esprit-Saint.

Cette veillée sera placée sous le signe de la lumière qui, au cœur de la nuit, vient dire une présence, une naissance, une espérance. Dans quelques heures, cette lumière laissera place à l’aurore d’un jour nouveau où nous accueillerons et fêterons une naissance, celle de « Dieu avec nous » en l’Emmanuel. Cela est bon, car c’est là l’œuvre de Dieu.

Lever de soleil
Que la lumière soit ! – Image par Arek Socha de Pixabay

 

Entrons dans ce temps par la prière avec les mots de Dietrich Bonhoeffer :

Prière d’invocation

Seigneur,
Donne-nous aujourd’hui
D’être présents à ta parole !
Donne-nous d’oser croire aujourd’hui
À la vie et à la résurrection.

Père,
En moi, tout est sombre,
Mais en toi est la lumière.
Je suis seul,
Mais tu ne m’abandonnes pas.
Je suis sans courage,
Mais le secours est en toi.
Je suis inquiet,
Mais la paix est en toi.

En moi habite l’amertume,
Mais en toi est la patience.
Je ne comprends pas tes voies,
Mais, tu connais mon chemin.

Parole : Évangile de Jean 1, 1-8 : la véritable lumière

Au commencement, la Parole existait déjà. La Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Tout a été fait par elle et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle il y avait la vie, et cette vie était la lumière des êtres humains. La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas accueillie.

Il y eut un homme envoyé par Dieu; son nom était Jean. Il vint comme témoin, pour rendre témoignage à la lumière afin que tous croient par lui. Il n’était pas la lumière, mais il vint pour rendre témoignage à la lumière.

 Méditation

La parole des commencements n’est pas restée accrochée à une étoile tout là-haut dans le ciel, hors d’atteinte, hors de portée. Cette parole, si puissante soit-elle – puisque rien de ce qui existe n’a été fait sans elle – cette parole, donc, est descendue pour illuminer le monde de la lumière d’en-haut.

Ainsi, d’une parole, toute la lumière a été faite sur la création entière. Cette parole de vie et de lumière vient éclairer chaque être de ce monde, car personne n’est trop insignifiant pour ne pas la recevoir.

Cette parole a eu du mal à se frayer un chemin au travers des cœurs humains, souvent endormis ou somnolents. Mais, elle a tenu bon, jusqu’à s’emparer des lèvres de Jean, celui qui baptisait au bord du Jourdain. Elle a fait de lui une voix qui, elle aussi, a eu du mal à se frayer un chemin au travers des cœurs humains. Mais elle a tenu bon pour venir jusqu’à nous.

Cette parole a traversé la nuit pour venir nous visiter aujourd’hui et nous dire, une fois encore, l’amour infini de Dieu. Elle fait de chacun de nous un témoin de cet amour.

Le Dieu des commencements nous fait confiance pour porter sa parole et son amour, pour les faire rayonner tout autour de nous, par nos gestes et nos mots – peut-être maladroits ou balbutiants, mais qu’importe – Dieu nous accompagne ; son Esprit nous inspire.

Cette parole nous traverse à notre tour, faisant son chemin, et nous mettant en route vers un horizon que nous découvrons à chaque pas. Ou nous faisant traverser une nuit qui annonce la lumière d’un jour nouveau.

Cette parole nous incite à faire un pas de plus, dans la confiance que nous ne sommes pas seul·es, malgré les doutes et les angoisses.

Un homme médite sous les étoiles
La parole est devenue une voix – Image par Євген de Pixabay

Parole : Évangile de Jean 1, 14-18 : La parole s’est faite sœur en humanité

Et la Parole s’est faite homme, elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité, et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père.

Jean lui a rendu témoignage et s’est écrié: «C’est celui à propos duquel j’ai dit: ‘Celui qui vient après moi m’a précédé, car il était avant moi.’» Nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce sur grâce. En effet, la loi a été donnée à travers Moïse, mais la grâce et la vérité sont venues à travers Jésus-Christ. Personne n’a jamais vu Dieu; Dieu le Fils unique, qui est dans l’intimité du Père, est celui qui l’a fait connaître.

 Méditation

La parole des commencements n’est pas restée que souffle survolant le monde ou traversant les cœurs. Elle a pris chair, elle est devenue chair. Elle est née au monde.

La parole est devenue notre sœur en humanité, pour être au plus près de ce que nous vivons. Ce n’est ni un concept ni une théorie, ni un dogme ! C’est une naissance ! La parole s’incarne en ce « Dieu avec nous » ou mieux encore, ce « Dieu en nous » dont la lumière nous illumine de l’intérieur. En Jésus, c’est Dieu qui naît au monde pour lui faire entendre sa parole d’avenir et d’espérance aujourd’hui déjà. En Jésus, c’est un amour sans condition qui appelle chaque être de ce monde à sa propre naissance, à devenir qui il et elle est.

Voilà que la lumière et la parole de Dieu s’unissent, s’épousent en un seul mot : la grâce. Cette grâce, c’est ce regard empreint d’amour et de dignité posé par Dieu sur chacun·e sans condition. Et personne n’est trop insignifiant pour en être privé. Ce n’est ni un concept, ni une théorie, ni un dogme, c’est une invitation à la confiance.

En Jésus, la grâce prend un visage, reflet de Dieu lui-même.

En Jésus, ce n’est pas seulement un père, une mère qui donne un fils, c’est Dieu lui-même qui se fait connaître, qui se donne à connaître, qui se donne tout simplement dans la simplicité d’une crèche, dans la faiblesse d’un nouveau-né, dans la force d’un destin et d’une espérance.

C’est Dieu qui fait de cette nuit, une nuit lumineuse, une nuit bienheureuse.

Voie lactée
Le ciel s’illumine – Image par Rene Tittmann de Pixabay

Parole : Évangile de Luc 2, 1-13 : La parole naît au monde

A cette époque-là parut un édit de l’empereur Auguste qui ordonnait le recensement de tout l’Empire. Ce premier recensement eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie. Tous allaient se faire inscrire, chacun dans sa ville d’origine.

Joseph aussi monta de la Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en Judée dans la ville de David, appelée Bethléhem, parce qu’il était de la famille et de la lignée de David. Il y alla pour se faire inscrire avec sa femme Marie qui était enceinte. Pendant qu’ils étaient là, le moment où Marie devait accoucher arriva, et elle mit au monde son fils premier-né. Elle l’enveloppa de langes et le coucha dans une mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle des hôtes.

Il y avait dans la même région des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour y garder leur troupeau. Un ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur resplendit autour d’eux. Ils furent saisis d’une grande frayeur. Mais l’ange leur dit: «N’ayez pas peur, car je vous annonce une bonne nouvelle qui sera une source de grande joie pour tout le peuple: aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur qui est le Messie, le Seigneur. Voici à quel signe vous le reconnaîtrez: vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une mangeoire.» Et tout à coup une foule d’anges de l’armée céleste se joignit à l’ange. Ils adressaient des louanges à Dieu.

Méditation

La parole des commencements s’inscrit dans l’histoire du monde. Elle réalise ce qu’elle promet. Cette parole, portée par des messagers il y a fort longtemps s’est déjà adressée à un vieillard du nom d’Abraham, à un prêtre du nom de Zacharie, à une jeune fille prénommé Marie. Elle n’est pas restée sans effet. Elle a été porteuse de vie et elle a donné naissance à ce qu’elle promettait.

Cette parole ne s’adressait pas seulement à des « élus », triés sur le volet qui auraient, par des actes de foi exemplaires, mérité d’en être les seuls bénéficiaires.

Abraham et sa femme Sarah, Zacharie et Elisabeth, Marie et Joseph et tant d’autres que l’histoire a retenus ont été reconnus justes par Dieu, par grâce, sans mérite. C’est là l’œuvre du Seigneur.

Et des bergers, des « marginaux », des pauvres par nature à cette époque-là, ont été les premiers bénéficiaires de la Bonne Nouvelle, parce que personne n’est trop insignifiant pour ne pas la recevoir.

Cette parole a traversé la nuit du monde pour illuminer leur ciel, pour les réveiller et les mettre en marche.

Et ce soir, cette même parole, celle des commencements, venue du fond des âges, c’est à nous qu’elle s’adresse, c’est nous qu’elle vient illuminer, c’est nous qu’elle vient réveiller et mettre en marche.

C’est nous qu’elle prend pour témoins de la fidélité, de l’amour, de la grâce de Dieu pour chacun·e et pour tou·te·s.

Ce soir, c’est notre ciel qui s’illumine et qui résonne. Le concert des anges nous conduit à rejoindre tous ceux et toutes celles qui, à leur tour, se sont déjà mis en route vers une crèche. Celle-ci pourrait être à Bethléem, mais plus sûrement aussi, cette crèche où la parole de Dieu vient incarner les premiers mots de l’histoire, c’est notre cœur. Aujourd’hui, cette parole annonce une bonne nouvelle, celle d’une naissance : « Dieu en nous et pour toujours ! » Chut ! Écoutez ! La parole des commencements nous raconte une histoire : Il était une foi(s)… Amen.

Bible ouverte
La parole de tous les temps – Image par Piotr de Pixabay

Prière d’intercession (pasteur Ion Karakash)

Dieu du temps et de l’histoire,
Des commencements et des résurrections,
Dieu de la mémoire et de la promesse,
Enseigne-nous à vivre avec le temps,
À l’accueillir comme un cadeau de toi,
Donne-nous de l’aimer
Dans ses dimensions d’instant et d’éternité.
Donne-nous d’aimer le temps passé :
Qu’il soit pour nous mémoire, plutôt que nostalgie
Sève et sagesse, plutôt que relique idolâtrée.

Donne-nous d’aimer le temps à venir :
Qu’il soit pour nous destination choisie,
Plutôt que destin redouté,
Promesse qui rassemble,
Plutôt que rétribution qui divise.

Donne-nous d’aimer surtout le temps présent :
Qu’il soit dans nos mains comme pâte à pétrir,
Plutôt que sable fuyant entre nos doigts,
Qu’il soit signe de ton Royaume à suivre sur nos chemins d’humanité,
Plutôt qu’empire à préserver

Merci ! Pour hier et pour les temps passés. Oui, et que ton Règne vienne !
Merci ! Pour demain et les temps à venir. Oui, et que ton Règne vienne !
Me voici, nous voici ! Pour aujourd’hui et le temps présent de l’humain.
Oui, et que ton Règne vienne !

Amen.

La leçon de la nature

Les conditions météo actuelles nous incitent à penser à nos jardins, à préparer le terrain, à retourner le sol. Et éclosent alors les questions :  que va-t-on planter ? Est-ce que c’est le bon moment ? Faut-il encore attendre un peu ?

La nature, dans toute sa diversité, est riche d’enseignements pour nos vies tout humaines. En effet, une graine contient en elle une vie en devenir, encore invisible à nos yeux. Pour que cette vie prenne vie justement, il faut que le grain meure. Il faut laisser le temps à la nature afin qu’elle fasse son œuvre pour que sorte de terre une plante à la forme particulière que le grain ne montre pas encore. Pensez encore aux chenilles, parfois un peu « moches » qui donneront naissance à de magnifiques papillons après un temps passé dans le secret de la chrysalide.

La nature et Pâques disent la même chose : Jésus le Christ est passé par cette « chrysalide » en forme de tombeau, pour passer de la mort que nous croyons connaître à une vie nouvelle aux contours toujours à découvrir.
Nos existences connaissent indéniablement de ces moments « creux », de ces deuils, des « Samedi-Saint » où il ne se passe rien, du moins en apparence. Et c’est justement dans ces « hivers » apparents que la transformation commence à s’opérer et nous pourrions bien être surpris de la forme que prendra notre avenir sous le regard de Celui qui créa le ciel et la terre. Et il vit que cela était bon, très bon même.

Ce texte légèrement modifié a été publié pour la première fois dans le Courrier de La Neuveville.

Image par GLady de Pixabay

La prière des ânes

Lors du culte des Rameaux, le 10 avril 2022, à la Blanche-Église de La Neuveville, j’ai partagé cette prière trouvée sur le site de l’Église protestante unie de Grenoble.

Prière des ânes

Donne-nous, Seigneur, de garder les pieds sur terre,
et les oreilles dressées vers le ciel pour ne rien perdre de ta parole.
Donne-nous, Seigneur, un dos courageux,
pour supporter les hommes les plus insupportables.
Donne-nous, Seigneur, d’avancer tout droit,
en méprisant les caresses flatteuses autant que les coups de bâton.
Donne-nous, Seigneur, d’être sourds aux injures, à l’ingratitude,
c’est la seule surdité que nous ambitionnons.
Ne nous donne pas d’éviter toutes les sottises,
car un âne fera toujours des âneries.
Donne-nous simplement, Seigneur,
de ne pas désespérer de ta miséricorde si gratuite
pour ces ânes si disgracieux que nous sommes
à ce que disent les pauvres humains.
Lesquels n’ont rien compris ni aux ânes ni à Toi,
qui a fui en Egypte avec un de nos frères
et qui a fait ton entrée prophétique à Jérusalem
sur le dos d’un des nôtres.

Lien direct, cliquez ici.

Image : Jaclou-Dl sur Pixabay

La loi de l’Amour

Une méditation à propos de la parabole du bon Samaritain.

En préambule, une citation paraphrasée de Martin Luther King :

L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La tristesse ne peut pas chasser la tristesse, seul l’amour le peut.

Texte biblique

Il était une fois un homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho, quand il fut attaqué par des brigands. Ils lui arrachèrent ses vêtements, le rouèrent de coups et s’en allèrent, le laissant à moitié mort. Or il se trouva qu’un prêtre descendait par le même chemin. Il vit le blessé et, s’en écartant, poursuivit sa route. De même aussi un lévite [un autre religieux] arriva au même endroit, le vit, et, s’en écartant, poursuivit sa route.
Mais un Samaritain qui passait par là arriva près de cet homme. En le voyant, il fut pris de compassion. Il s’approcha de lui, soigna ses plaies avec de l’huile et du vin, et les recouvrit de pansements. Puis, le chargeant sur sa propre mule, il l’emmena dans une auberge où il le soigna de son mieux. Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, les remit à l’aubergiste et lui dit : « Prends soin de cet homme, et tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai moi-même quand je repasserai. »

Luc 10, 30-35

Message

Une histoire bien (trop) connue

On la connaît bien cette histoire, celle du bon samaritain. Elle revient à notre mémoire dès les premiers mots. Et même si c’est une vieille histoire, elle dit quelque chose pour nous ici, pour nous aujourd’hui.

En la lisant, c’est certainement la figure du samaritain, de cet étranger au peuple juif, qui retient notre attention. On s’identifie, on aimerait s’identifier à lui, à son souci de l’autre, à son dévouement, à ses gestes, à sa générosité. Et on regarde un peu vite, et de manière critique, les deux religieux qui, au nom de leurs principes, ont fait un détour. Eux, ils sont respectueux de règles et d’interdits, comme de s’approcher d’un blessé dont on sait s’il vit encore.

Eux, ils mettent la loi à la première place.

Le samaritain, lui, ne connaît qu’une loi, celle de la solidarité, celle de l’amour. Sans chercher d’abord à savoir qui est ce voyageur à demi-mort, sans chercher à connaître les circonstances de son agression, sans s’assurer d’abord qu’il est ceci et non cela, il agit… Avec ce qu’il a sous la main, ou plutôt dans les sacs sur sa mule : un peu d’huile, du vin pour soigner les plaies, une monture pour mener le blesser à l’auberge, deux pièces d’argent pour les frais… Et la promesse de revenir payer ce qui pourrait encore manquer.

C’est vrai qu’on aimerait tous ressembler à cet anonyme, qui s’est arrêté, qui a pris soin, qui a aidé et donné de son temps, de ses vivres et de son argent. Y parvenons-nous ? Nous y essayons-nous ?

Une histoire pour tous les temps

C’est une histoire qu’on connaît bien et qui parle à la plupart d’entre nous, qu’on soit fins connaisseurs de la Bible ou plus distancés des références du Grand Livre. Parce qu’avant d’être un texte évangélique, c’est une histoire de sagesse universelle.

L’épisode du bon samaritain vient aussi poser des questions, entre les lignes. Questions qu’on découvre si on prend la peine de s’arrêter un instant. Pourquoi ce voyageur a-t-il été détroussé ? Pourquoi, si Dieu, un Dieu, existe là-haut, ou là-bas, n’a-t-il rien fait pour empêcher cela ? Pourquoi les religieux n’ont-ils pas été émus par la situation tragique de ce voyageur… en bien mauvaise posture, rappelons-le, préférant passer leur chemin ?

Des questions… Encore des questions

Des questions de tous les temps. Des questions qui subsistent aujourd’hui encore, avec certainement un peu plus d’intensité à l’heure où l’humanité doit apprendre à vivre différemment. Pourquoi…

Ce texte ne répond pas à ces pourquoi. Et c’est tant mieux. Parce que la réponse appartient à chacun de nous. Ce sont nos croyances, nos convictions, nos valeurs, nos rencontres, notre vie qui orienteront la réponse, les réponses, que nous donnerons à ces pourquoi.

Mais si ce texte ne répond pas à ces grandes questions existentielles, il donne une attitude possible : oser agir. Risquer le geste qui aide, qui prend soin, se montrer solidaire. Mettre à disposition un peu de ce que nous avons pour faire du bien là où c’est à notre portée. Plutôt que d’affirmer que je ne peux pas sauver le monde – et c’est vrai – je peux faire un geste pour mon voisin, pour mon collègue, pour cet étranger, pour ce marginal, pour ce blessé de la vie. Juste ce qui est à ma portée. Pour le reste, je fais confiance à la solidarité humaine, à plus grand que soi. C’est peut-être naïf, mais je suis persuadé, je crois, que nous pouvons compter, non seulement les uns sur les autres, mais aussi sur plus que nos propres forces.

Et aujourd’hui en particulier, nous sommes confrontés à des questions dont la réponse n’est évidente pour personne : la vie, la maladie, la souffrance, la mort et après…

La vraie question à se poser est certainement celle-ci : plutôt que de se demander s’il y a une vie après la mort, demandons-nous comment nous vivons avant la mort.

Image : Falco sur Pixabay.com

En marche

Quelques textes et extraits du culte du dimanche 11 juillet que j’ai célébré à La Neuveveville.  Partant du psaume 8 et de cette question « Qu’est-ce que l’homme pour que tu prennes soin de lui ? », je mets mon expérience à La Lanterne, l’aumônerie œcuménique de rue en Ville de Neuchâtel en lien avec la rencontre avec l’aveugle Bartimée.

Accueil

 « En marche, les humiliés du souffle ! Oui, le royaume des ciels est à eux !
En marche, les endeuillés !
Oui, ils seront réconfortés !
En marche, les humbles !
Oui, ils hériteront la terre !
En marche, les affamés et les assoiffés de justice !
Oui, ils seront rassasiés ! (…) »

C’est avec ces mots qui nous mettent en mouvement, en marche, que nous sommes accueillis et que nous nous accueillons ce matin.

Vous aurez certainement reconnu les premiers mots des Béatitudes de l’Évangile de Matthieu, le célèbre Sermon sur la montagne.

C’est à l’écrivain et penseur israélien André Chouraqui que nous devons cette interprétation où les Heureux sont En marche.

Ce matin, nous nous sommes mis en marche pour venir jusqu’ici, pour nous placer sous le regard accueillant et bienveillant de Dieu. Et nous pensons à toutes celles et tous ceux qui ne se sont pas mis en route, les accueillant aussi au milieu de nous.

La grâce et la paix vous sont données de la part de Dieu notre Père, de son Fils Jésus-Christ notre frère, dans l’unité et le souffle du Saint-Esprit.

Mère, Enfant, À Pied, Marche, Se Promener
Photo Pixabay – josealbafotos

Prière d’humilité et annonce de la grâce

Présentons-nous devant Dieu dans la confiance qu’il nous accueille tels que nous sommes.

Seigneur,
Pour toutes ces fois où mes propres certitudes ont entravé ma marche à ta suite…
Pardonne-moi.

Pour tous les détours que j’ai pris, au lieu de répondre à ton appel de chaque jour…
Pardonne-moi.

Pour toutes les routes que j’ai empruntées et qui m’ont éloigné de toi…
Pardonne-moi.

Amen.

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Photo : Pixabay – MichaelGaida

 

Jésus le Christ a dit :

« Je suis le chemin, la vérité et la vie. » (Jn 14,6)

Et aussi :

« En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie. » (Jn 5,24)

Allez dans la confiance que vous êtes passés de la mort à la vie et que la grâce de Dieu vous est donnée. Amen.

Lectures bibliques :

Psaume 8

Eternel, notre Seigneur, que ton nom est magnifique sur toute la terre! Ta majesté domine le ciel.

Par la bouche des enfants et des nourrissons, tu as fondé ta gloire pour confondre tes adversaires, pour réduire au silence l’ennemi, l’homme avide de vengeance.

Quand je contemple le ciel, œuvre de tes mains, la lune et les étoiles que tu y as placées, je dis: «Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui, et le fils de l’homme, pour que tu prennes soin de lui?»

Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu et tu l’as couronné de gloire et d’honneur. Tu lui as donné la domination sur ce que tes mains ont fait, tu as tout mis sous ses pieds, les brebis comme les bœufs, et même les animaux sauvages, les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, tout ce qui parcourt les sentiers des mers.

Eternel, notre Seigneur, que ton nom est magnifique sur toute la terre!

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Photo : Pixabay – Free-Photos

Évangile de Marc 10, 46-52

Ce jour-là, c’est l’effervescence dans la ville de Jéricho. Le prophète, accompagné de ses disciples et d’une grande foule traverse les rues. On prend garde à ce qu’aucun gêneur n’interrompent le cortège. Tout se passe bien… Jusqu’à ce moment.

Ils arrivèrent à Jéricho. Lorsque Jésus sortit de la ville avec ses disciples et une assez grande foule, Bartimée, le fils aveugle de Timée, était assis en train de mendier au bord du chemin. Il entendit que c’était Jésus de Nazareth et se mit à crier: «Fils de David, Jésus, aie pitié de moi!» Beaucoup le reprenaient pour le faire taire, mais il criait beaucoup plus fort: «Fils de David, aie pitié de moi!» Jésus s’arrêta et dit: «Appelez-le.» Ils appelèrent l’aveugle en lui disant: «Prends courage, lève-toi, il t’appelle.» L’aveugle jeta son manteau et, se levant d’un bond, vint vers Jésus. Jésus prit la parole et lui dit: «Que veux-tu que je fasse pour toi?» «Mon maître, lui répondit l’aveugle, que je retrouve la vue.» Jésus lui dit: «Vas-y, ta foi t’a sauvé.» Aussitôt il retrouva la vue et il suivit Jésus sur le chemin.

Prédication

Chers Amis, chères Sœurs, chers Frères,

Aujourd’hui, j’ai envie de vous faire marcher ! Rassurez-vous, pas au sens où on l’entend habituellement. Non, je ne vais pas vous raconter des histoires et vous entraîner ainsi sur des chemins de traverse. Ça, non !

Non, aujourd’hui, j’ai envie de vous faire marcher sur les chemins qu’ouvrent les textes que nous venons d’entendre. J’aimerais vous entraîner à parcourir ces textes, comme on fait une balade dans un coin de pays qu’on connaît bien, ici tout près, où là-bas, un peu plus loin. Parce que ces textes, on les connaît bien justement.

Mais, avant de nous lancer, permettez-moi un petit échauffement à propos des bienfaits de la marche. C’est une activité qui libère la tête et l’esprit, qui active le cœur et le corps. Elle est recommandée par les médecins.

Comment bien marcher, au fait ? En profitant simplement, oui tout simplement, de ce qui s’offre à nos sens : regarder, sentir, écouter, toucher, goûter. C’est si simple de marcher. J’ai lu quelque part ce conseil d’un marcheur :

« Quand on marche, il ne faut pas ressasser ses soucis, ses préoccupations. Ce n’est pas comme cela que viendra la solution. Non, quand on marche, il faut se laisser toucher par ce que la nature nous offre, lâcher-prise sur tout ce qui occupe et encombre notre cerveau pour faire le vide et jouir de la nature, tout simplement. Libéré et ressourcé par la marche, alors certainement que la solution apparaîtra d’elle-même. »

Voilà une leçon que je vais essayer d’appliquer à moi-même d’abord avant de la conseiller à d’autres. Alors, mettons-la en pratique dès maintenant et laissons nos soucis sur le bord du chemin.

Pour moi, la marche est ce temps privilégié de la méditation de la Parole. Un temps où je laisse un texte, des mots, me parler, dialoguer avec le paysage que je traverse, s’adapter au rythme de mes pas et de mon souffle. Où je laisse une prière faire chemin avec moi.

Le psaume 8 est justement une invitation à regarder, à admirer la nature et à y discerner la main du Créateur. Un poème que je relis souvent, en laissant mon regard se perdre dans le ciel étoilé, ou à l’horizon d’un lac, ou vers les sommets de montagnes. Et j’entends l’écho de cette question : « Qu’est-ce que l’homme, pour que tu prennes soin de lui ? »

Oui, qu’est-ce que l’homme ? Une poussière d’étoile tombée sur terre ? Un pas grand-chose devant l’immensité d’un univers dont on n’a qu’une infime perception ?

Et pourtant, et sans détour, le poète répond à la question : « [Seigneur], Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu, cet homme ! » Rien que cela ! Aux yeux de Dieu, l’humain, le terreux, le glébeux n’est pas insignifiant. Bien au contraire, chaque vie est voulue, précieuse ; chaque être a une valeur inestimable. Il vaut la peine de le répéter, surtout à l’heure où des vies sont oubliées, menacées, sacrifiées.

L’humain a tellement d’importance aux yeux de Dieu qu’il a voulu, lui le premier, le rejoindre dans sa création.

Il a fait le choix de parcourir les chemins d’humanité, devenant humain à son tour, pour ainsi nous conduire à regarder à son Royaume comme on scrute l’horizon. Il a voulu nous en ouvrir les portes dès aujourd’hui par Jésus son Fils.

En Jésus, Dieu le premier fait le chemin vers nous, il devient notre frère, notre prochain, notre compagnon de route, se souvenant de chacun, quoi que nous vivions.

Avec Dieu, personne n’est trop petit, aucun n’est oublié. Pas même ceux qu’on a laissés au bord du chemin, pas même ceux qu’on ignore au bord du chemin. Lui, Jésus, s’est arrêté, il a tendu l’oreille, il a poussé les foules à s’arrêter et à tendre l’oreille à leur tour.

La rencontre avec Bartimée n’est pas une histoire d’autrefois. Elle garde toute son actualité, criante et triste à la fois. Il y en a encore de ces marginaux, de ces dépendants, de ces cas sociaux, de ces anonymes qu’on ne voit plus, qu’on voudrait faire taire, parce qu’ils nous dérangent. Il y en a encore. Malheureusement. Ou heureusement peut-être qu’ils sont là, qu’ils nous réveillent de notre trop-plein d’assurances, quand ils crient que le système est foutu et corrompu !

J’ai eu l’occasion et j’ai encore cette chance de côtoyer des Bartimée, notamment à Lanterne, l’aumônerie de rue en Ville de Neuchâtel. Et je peux vous assurer qu’ils m’ont mis en marche, ces gens-là. Au-delà des premières impressions, des premières peurs aussi, j’ai découvert de belles personnes attachantes, timides, blessées qui se cachent derrière une carapace, une voix forte, une grande gueule.

Des amitiés se sont alors nouées. Oh, pas toujours, soyons honnêtes. Certaines sont restées distantes ; j’ai aussi fait preuve de prudence, mais bon, c’est ainsi. Elles sont là. Je suis là. Peut-être qu’un jour, nous ferons un pas, puis deux, puis trois l’un vers l’autre, l’un avec l’autre. Dieu seul le sait. Je lui fais confiance. Je lui laisse le temps.

En rencontrant ces gens de la rue – comme on dit – je pense souvent à Bartimée qui, sur le bord du chemin, n’a pas hésité à crier. Il n’a pas laissé la foule le réduire au silence et le rendre invisible. Parmi ces gens que je rencontre, il y en a qui crient, qui gueulent contre cette société qui se bouche les oreilles et les yeux ; qui prétend que tout va bien au regard des statistiques. Ce que nous vivons depuis plus d’un an a été un révélateur de tous ces oubliés, cachés et ignorés.

Bartimée lui savait qu’au milieu de cette foule, il y avait des oreilles pour l’entendre, des yeux pour le voir, un cœur pour l’accueillir, lui le fils de…, lui l’anonyme. Lui le maudit.

Bien qu’aveugle, Bartimée a vu jour.

Et c’est la rencontre entre deux fils : le fils de Timée et le fils de David. La rencontre de deux marginaux aussi. Et cette rencontre a tout changé : elle a arrêté une foule qui aurait voulu passer son chemin. Elle a mis en route celui qui mendiait. Maintenant, tout est changé : le mendiant ne mendie plus, il loue Dieu. Il n’est plus assis, il marche. Il n’est plus aveugle, il voit.

L’Évangile de Jean dit : « La Parole s’est faite chair et a habité parmi nous ». Mais cette parole n’est pas restée immobile, bien protégée par les murailles d’un temple. Elle a parcouru les chemins du monde.

Elle n’a pas attendu qu’on vienne à elle, elle s’est mise en route pour rencontrer des hommes et des femmes. Elle a pris corps et nom en devenant Jésus le Christ.

Par lui, elle rejoint tous ceux et toutes celles qui crient au bord des chemins tortueux de notre monde et qu’on aimerait ne pas entendre. Aujourd’hui, elle continue de parcourir le monde au rythme de nos pas et annonce cette bonne nouvelle pour qui y prête attention : « Va, ta foi t’a sauvé ».

C’est cette parole, cette parole de Vie, qui me fait, qui nous fait marcher. Alors, en route !

Amen.

Confession de foi : un Dieu en marche

Prière d’intercession

A l’image de ceux qui accompagnaient ton Fils,
Nous voulons, à notre tour marcher auprès de ceux qui souffrent physiquement et moralement. Et te les confier.

Rayonne de ta présence aimante à leurs côtés et ouvre-leur un chemin lumineux. Et nous te les nommons dans le secret de notre cœur.

A l’image de ceux qui suivaient ton Fils sur les chemins du monde, nous voulons proclamer ta grâce toujours et à nouveau.

Seigneur, exauce-nous. Amen.

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Bénédiction

Dieu parmi les hommes
Dieu sur nos chemins
Proche est ton royaume
Viens ! viens !

Nous sommes en marche vers le Royaume de Dieu qui est déjà là où nous sommes. Nous sommes en route à la suite du Christ qui nous ouvre à la rencontre, vraie et sincère. Nous sommes en marche avec nos frères et nos sœurs sous la conduite du Dieu trois fois saint et trois fois béni.

Allez dans la joie et la paix.

Que le Seigneur, notre Dieu, vous bénisse et vous garde aujourd’hui et toujours. Lui le Père, le Fils. En Marche ! Amen !