Une comparaison entre croyants et gardes forestiers au temple de Bevaix le dimanche 29 juin 2025.
📖 Livre de la Genèse 2, 4-9 et Evangile selon Luc 18, 1-8
Alain Rouvinez à l’orgue
Chers Amis,
S’il y a un métier pour lequel j’ai beaucoup d’admiration, c’est celui de gardes forestiers. Ils ont quelque chose du médecin, veillant sur un système vivant, à l’écoute de sa santé, de son évolution, de ses maux, prodiguant les bons soins et préservant la vie.
Un pari sur l’avenir
Mais la raison qui me fait avoir de l’admiration est celle-ci : le garde forestier prend des décisions aujourd’hui pour demain et souvent, il ne verra pas s’il a eu raison. Parce qu’un arbre, une forêt, demandent du temps pour croître : 50, 100, 200 ans, plus encore. Ainsi, le garde forestier fait un pari sur l’avenir. Il passe en quelque sorte le relai à la génération suivante. Et les gardes forestiers d’aujourd’hui s’occupent et prennent soin des arbres plantés par ceux des générations précédentes.
Dieu lui aussi, au commencement du monde, fait un pari sur l’avenir : il plante un jardin, met en place tout un écosystème pour que l’humain puisse y vivre, mais se retire, laissant la liberté à cet humain. Ainsi, Dieu place sa confiance en sa Création et en l’humain, faisant de lui un gérant.
Nous voici, au fil des siècles, les « gardes forestiers » de la Création. Optant aujourd’hui pour des choix dont nous ne verrons peut-être ni les effets, ni les conséquences, ni les résultats. Mais nous faisons un pari sur l’avenir.
Ce que je dis là est aussi pertinent pour notre vie d’église, pour nos communautés et nos paroisses. Nous héritons de choix – parfois discutables – que d’autres ont pris avant nous, devant faire avec et nos décisions – parfois discutables elles aussi – ne déploieront tous leurs effets qu’après nous et d’autres que nous devrons faire avec.
C’est encore ce que nous vivons aux côtés des jeunes du Passeport KT et du KT. Notre manière de faire nous vient d’autres pasteurs et nous posons aujourd’hui les bases d’une nouvelle organisation – le SIAJ [Service interparoissial de l’accompagnement de la Jeunesse] – dont nous ne voyons pas encore tous ses effets à long terme. Faisons-nous aujourd’hui les bons choix pour demain ? Nous faisons un pari sur l’avenir.
L’invisible nous échappe
A l’image de Saint-Exupéry, croyant en l’amour de Dieu, nous qui sommes corps du Vivant, nous sommes convaincus que l’essentiel est invisible pour les yeux et donc qu’il nous échappe. Que nos limites ne sont pas les limites de Dieu. La vie, la mort… Qu’en savons-nous vraiment ? Pas grand-chose, avouons-le ! Et ne parlons pas de l’après !
Que savons-nous des projets de Dieu pour nous ? Ne projetons-nous pas nos propres désirs sur ce que nous appelons la volonté de Dieu ?
Nous avançons malgré nos doutes et nos interrogations sur un chemin de vie qui nous est donné par Dieu, balisé par nos parents, accompagnés que nous sommes par le Vivant, le Ressuscité. Un chemin pavé de rencontres qui feront que ce chemin sera unique pour chacun·e d’entre nous.
Un chemin parfois sinueux, parfois semé d’embûches et de questions, à l’image des disciples d’Emmaüs. Mais, nous avançons un pas après l’autre, hésitant ou assuré, c’est selon.
Notre foi en Dieu nous fait faire, à notre tour, un pari sur le prochain petit pas, sur l’À-venir. Notre foi nous fait résister au désespoir et à la résignation. Voilà ce que nous enseigne l’histoire de cette veuve, tenace, insistante, convaincue de son bon droit et qui, à la fin, obtient gain de cause.
Une foi persévérante
La veuve de l’histoire a confiance en son bon droit, confiance au temps qui passe, confiance en la justice, celle de Dieu, le texte n’en dit rien, mais… Elle croit qu’aujourd’hui peut être différent d’hier. Elle ne renonce pas, prétextant qu’elle a déjà maintes et maintes fois essayé, sans résultat. Elle persévère.
La persévérance est une autre qualité des gardes-forestiers, luttant contre des parasites ou des maladies, les éléments. Soyons nous aussi persévérants dans la sauvegarde de notre environnement, de notre terre, de notre climat ; dans les bons soins de nos relations, de notre vie, de notre foi. Redécouvrons le temps qui passe comme un allié. Donnons-lui du temps. Croyons à un avenir qui commence aujourd’hui.
Un proverbe affirme avec raison « qu’il est inutile de tirer sur les tiges pour faire pousser des légumes. »
Mais que cela ne justifie pas non plus notre passivité ni notre résignation. Ne nous berçons pas d’insouciance : nous avons dans nos mains la possibilité de construire un monde meilleur aujourd’hui déjà : dans nos rencontres, dans notre travail, dans nos engagements, au sein de nos familles, de notre communauté. A chacun de découvrir ce qu’il et elle peut faire pour préserver et soigner la Vie qui est là à portée de main, une Vie voulue par Dieu dès les commencements ne demandant qu’à croître à l’image d’une jeune pousse qui sort de terre.
Plantons des pommiers
Martin Luther, le réformateur allemand, a déclaré : « Si on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier ! » Une confession de foi, une confiance au-delà des apparences, un regard tourné vers aujourd’hui et vers demain, tout à la fois.
Pendant ce temps d’été qui s’ouvre, j’aimerais vous inviter à planter des pommiers – je sais, ce n’est pas la bonne saison – mais je vous propose d’autres pommiers de solidarité, de fraternité, d’entraide, des arbres de Vie autour desquels nous célébrerons la joie, comme une réponse, un pied-de-nez au chaos du monde. Il ne s’agit pas de faire comme si tout allait bien, mais rendre visible que la Vie, rien ne peut l’arrêter.
Nous pouvons nous engager, peu ou beaucoup, pour plus de justice sociale, économique, climatique ; pour prendre soin des uns et des autres, pour entretenir et veiller sur nos communautés.
Nous pouvons prendre aujourd’hui déjà des décisions pour offrir un monde un peu meilleur aux générations d’aujourd’hui et de demain.
Je terminerai par une autre citation de Saint-Exupéry, le père du Petit Prince : « Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants ».
Essayons de leur offrir un monde où la vie aura su résister au désespoir, pour qu’au retour du Fils de l’Homme, il trouve, oui, il trouve la foi sur la terre.
Amen.