Syméon et Anne: Mission accomplie

Texte du jour : Évangile selon Luc 2, 21-39

🎙Il est aussi possible d’écouter cette méditation sur le podcast.

Me voilà rassuré. Je commençais à désespérer des humains. Après avoir rendu visite à Marie, je me disais : Gabriel, décidément, ton métier de messager n’est pas de tout repos. Les humains, ils veulent tout comprendre, jusque dans les moindres détails : « Comment ? », « Pourquoi ? » C’est leur ritournelle. Mais qu’ils laissent un peu de place au mystère du Créateur, qu’il lui fasse confiance… au moins un peu.

Vous vous souvenez, on s’est déjà rencontré il y a quelques semaines, lorsque j’étais en route pour annoncer une bonne nouvelle à un vieux prêtre et à une jeune fille. Ça n’a pas été de tout repos. Après, j’ai laissé la place à mes collègues les chanteurs qui sont allés annoncer la naissance du Sauveur à des bergers : « Gloire à Dieu », « Paix sur la terre » qu’ils ont dit. Eux, les bergers, ils n’ont pas hésité. Ils n’ont pas posé de question. Ni une ni deux, ils ont levé le camp et sont partis à « La Maison du pain », à Bethléem.

Ensuite, les choses se sont précipitées et je dois avouer que je n’ai pas tout suivi, mais aujourd’hui, je suis rassuré.

Assis sur la corniche du Saint Temple, je regarde d’abord Myriam et Yosef, les parents. Comme ils sont attendrissants. Ils font tout bien comme il faut, ils respectent les traditions : au moment de la circoncision, ils ont donné un nom à leur enfant : Yeshoua, « Dieu sauve », comme je l’ai annoncé. Ouf, j’avais peur qu’ils oublient, dans la précipitation et l’émotion. On ne sait jamais…

Ça arrive parfois, vous savez. Alors, il aurait fallu réécrire toute l’histoire du salut. Mais non, ils se sont souvenus.

Je regarde aussi ces deux vieillards : Syméon et Anne, entourant ces jeunes parents et au milieu, le petit.

Tiens, il m’a souri. Il m’a vu. Il m’a reconnu. Il sait bien, lui, qui je suis. Non, non, ne dis rien. C’est notre secret.

Syméon et Anne. Des « justes », comme on les appelle, parce qu’ils ont cru à la promesse du Créateur. Malgré l’attente, ils n’ont pas douté. Malgré les années qui passaient, ils ont gardé toute leur confiance dans le message du Créateur annoncé par les prophètes.

Des fidèles parmi les fidèles, à attendre sa réalisation.

C’est au crépuscule de leur vie qu’ils sont alors témoins de son accomplissement. Le Créateur, qui voit dans les cœurs, a fait confiance à leur sagesse. Il doit se dire, le Créateur, qu’avec le temps, l’impossible recule un peu plus dans les esprits. Et qu’il pourrait bien reculer aussi dans le monde, si les humains croyaient un peu plus à ce qu’ils ne voient pas. Quoique ce n’est pas toujours évidemment, parce que les humains sont… humains.

Je ne me lasse pas de regarder ce tableau qui m’est offert : cette famille, avec un grand-papa et une grand-maman improvisés. Quelle joie pour eux de voir ça : le Sauveur du monde, là devant leurs yeux, à portée de mains. Alors, ils disent merci au Créateur de leur avoir permis d’être là, avec ces jeunes parents.

Quand je vous dis qu’il n’est jamais trop tard… Que le temps de Dieu n’est pas le temps des hommes.

D’habitude, et c’est ce que j’ai appris en écoutant les habitants de ce monde, à l’occasion d’une naissance, on souhaite des vœux de bonheur, de longue vie, d’avenir radieux.

Mais Syméon, lui, écoute ce que le Souffle lui murmure et il dit les choses en vérité. Éclairé par un trait de génie venu des cieux, il annonce une lumière pour les nations, toutes les nations et bien sûr d’abord pour le peuple choisi du Créateur.

Attends, Syméon, attends. N’en dis pas trop. Pas maintenant. Laisse-les rêver encore un peu… Ils sont si jeunes, si heureux. Laisse-les se réjouir. Tu ne vas pas tout gâcher.

Trop tard, il parle de chute, de glaive.

Tu leur fais mal aux oreilles. Tais-toi.

Tu es prophète. La langue de bois, tu ne connais pas. Le destin de Yeshoua qui l’a fait naître dans le bois d’une mangeoire le conduira vers un autre en forme de croix.

Voilà tout est dit. À peine né, l’enfant voit déjà son sort scellé.

Les parents, eux, ne comprennent pas, c’est normal. Et tant mieux peut-être. Ils ne sont pas prêts à entendre cela, pas maintenant. Mais moi, je sais.

Salut, amies tourterelles, envolez-vous dans le ciel et allez roucouler en paix, dans votre insouciance de volatile.

Et voilà la vieille Anne. Je l’aime bien. Elle me rappelle une autre Anne, mère d’un autre prophète, Samuel. Toutes les deux ont fait confiance au Créateur. Elles ont cru à l’impossible. Elles ont prié avec ferveur. Elles ont été entendues.

Et ne me dites pas que c’est du hasard. Non, le hasard, c’est un des noms que le Créateur choisit, pour ne pas être reconnu, ou quand les humains ne veulent pas croire à son action.

Elle se met à parler au petit, la vieille. Il l’écoute. Les parents et moi aussi. Approchez et écoutez vous aussi.

Comme elle est vieille, elle parle doucement, parce qu’elle n’a plus de voix, mais aussi pour ne pas effrayer ce petit d’homme.

Elle dit les paroles qui font du bien, comme savent si bien le faire les grands-mères. Les mots ne sont pas importants, ce qui importent, c’est ce qu’ils disent au fond du cœur.

Voilà. Mission accomplie.

L’histoire est finie. Mon histoire à moi est terminée. Je laisse cette petite famille s’en aller vers son destin, qui sera un village du nom de Nazareth. Mais, en tendant l’oreille, vous percevez vous aussi l’écho de ces menaces contre les petits enfants. Un enfant si petit, si fragile, peut-il représenter un danger pour le monde ?

Un dernier coup d’œil sur cet âne qui emmène une mère et son fils sur son dos, un père à son licol. Et je me dis que le Créateur fait bien les choses.

Vous me direz, c’est normal, il est la perfection.

Allez, bonne route à vous aussi, vous qui m’avez écouté. Et maintenant, c’est à vous d’être messagers, d’annoncer l’amour et la justice du Créateur.

Parce que, si ma mission est accomplie, la vôtre ne fait que commencer. C’est à vous de jouer maintenant.

Le Créateur vous fait confiance. Allez…

N’hésitez pas de temps en temps à jeter un coup d’œil vers les étoiles. Il y en aura une, un peu plus brillante que les autres, qui vous guidera sur votre chemin. Elle vous montrera une Présence aimante et accueillante, celle de l’amour du Créateur.

Seigneur, tu me permets de m’en aller en paix.

L’intégralité du culte est sur cette page.

En savoir plus sur Jean-Marc Leresche

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading