Diaconie dans l’espace public

Si la diaconie est l’affaire de tous, y compris de ceux et celles qui ne sont pas (forcément) engagé.e.s dans une Église, alors elle doit être présente et visible dans l’espace public. Rassurez-vous, elle l’est. Elle a aussi vocation de répondre à aux besoins et attentes du plus grand nombre. Ces besoins, même s’ils sont aussi concrets et matériels (surtout en cette période de crise sanitaire), sont aussi d’un autre ordre.

Une réponse à la précarité

Les épiceries Caritas sont assez bien connues dans le paysage local. Caritas est issue de l’Église catholique romaine et a développé un réseau de magasins ouverts et accessibles aux personnes aux ressources limitées. Le choix est vaste. Des cartes permettent l’achat de produits alimentaires et non alimentaires à des conditions préférentielles.

Les boutiques du Centre social protestant (CSP), issu des Églises réformées, offrent des produits de seconde main et en bon état, issus de déménagement ou de débarras. On y trouve vaisselle, habits, meubles, appareils ménagers, livres, jouets … à des prix abordables.

Les communautés Emmaüs qu’on doit à l’Abbé Pierre sont assez semblables aux boutiques du CSP.

Ces lieux sont également des moyens de réinsertion professionnelle pour des personnes en recherche d’emploi ou en rupture sociale.

Ces organisations n’ont pas pour vocation d’être des « oreillers de paresse » des paroisses qui pourraient déplacer leur mission diaconale vers ces associations. Elles sont là pour être des partenaires des paroisses, des lieux-relais qui ne dédouanent pas les communautés locales d’une dimension diaconale évidente et active.

Une aide et des conseils

Caritas et le CSP sont aussi actifs dans l’aide au désendettement, l’établissement d’un budget, des mesures d’accompagnement et d’aide financières. Des conseils juridiques et un accompagnement social sont aussi proposés par des professionnels, le plus souvent pour des émoluments modestes.

Tant les magasins que les conseils sont ouverts à toute personne, indépendamment de ses convictions, de son appartenance ou non à une Église ou paroisse.

Être là où ils.elles sont

Une autre présence des Églises dans l’espace public, ce sont les nombreuses aumôneries. Des lieux et des personnes qui accueillent, rencontrent, écoutent, accompagnent, soutiennent les personnes qui s’en approchent et les fréquentent. La plupart de ces lieux ont une vocation œcuménique, ce qui signifie qu’ils sont soutenus et financés par les Églises institutionnelles reconnues.

On pensera sans doute d’abord aux établissements de soins (hôpitaux et EMS), aux prisons, mais il y en a bien d’autres : une aumônerie à l’aéroport de Genève, une aumônerie dans un camping-car itinérant, une pasteure en chemin avec un âne. Sans oublier les lieux d’accueil dans la rue, l’aide et le soutien aux migrants, notamment par des lieux de rencontre et d’aide au français ou à des démarches administratives. La liste n’est pas exhaustive.

La plupart de ces lieux, s’ils sont sous la responsabilité de professionnel.les, sont aussi animés par des bénévoles. Et c’est aussi l’un des rôles de la diaconie que d’engager des hommes et des femmes au service des autres et du prochain.

Des lieux connotés

D’autres formes de présence et d’accueil sont plus connotés « Églises » parce qu’ils émanent historiquement d’un projet ecclésial ou parce qu’ils font partie d’une paroisse ou d’une région. Ces lieux ont pour vocation d’accueillir, d’écouter et d’accompagner les bénéficiaires dans des étapes-clés de leur vie, mais aussi dans une recherche spirituelle. Je pense ici à La Margelle ou à La Cascade.

Des manifestations, des événements, des rencontres

La diaconie peut encore être manifestée dans des manifestations ou des événements ponctuels ou réguliers organisés par des Églises ou paroisses, ou se greffer à d’autres manifestations. Il y a, par exemple, la Journée d’Église de l’Église réformée du Canton de Vaud.

Plus localement, des rencontres conviviales autour d’un repas, de jeux, de conférences ou de courses ont une évidente portée diaconale. Ces rencontres sont porteuses de vie et animées au propre comme au figuré. Elles sont aussi l’occasion d’approfondir des questions existentielles, d’aborder des enjeux de société, de trouver du sens, de confronter des opinions, de s’exprimer, en un mot : d’être vivant et animé.

C’est ouvert, c’est gratuit

La diaconie porte encore une dimension de gratuité. Même si certaines activités sont payantes pour couvrir des frais de fonctionnement et d’organisation, elles ne sont pas des moyens de pression ni de récupération de ceux et celles qui y participent. Une paroisse n’organise pas un pique-nique géant pour augmenter le nombre de participants au culte dominical. Un lieu d’écoute n’imposera pas la conversion de ses bénéficiaires. Enfin, j’espère. Je suis convaincu que non.

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Diaconie, y es-tu ?

Une question de vocabulaire

Pensez à la diaconie. Quels mots vous viennent d’abord à l’esprit ?

Peut-être rien, parce que ce mot, dans le langage courant et hors des milieux d’Église, a perdu de son sens. On m’a souvent dit : « Ah, vous êtes diacre, c’est quoi ? »

Une recherche dans le dictionnaire
Si ce mot vous évoque quelque chose, cela doit s’apparenter à quelque dimension sociale. C’est souvent sous cet angle que les Églises parlent de la diaconie : le service social de l’Église ou l’aide aux pauvres.

C’est d’abord à l’étymologie du mot diakonos que nous devons la notion de service, de serviteur.

On rapprochera la diaconie, donc le fait de servir, de la position de serviteur du Christ (Matthieu 20, 28) :

C’est ainsi que le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de plusieurs.

Ou encore le lavement des pieds relaté par Jean qui est de la même veine (Jean 13, 1-17, les versets 3-5 ici) :

Jésus, qui savait que le Père avait remis toutes choses entre ses mains, qu’il était venu de Dieu, et qu’il s’en allait à Dieu, se leva de table, ôta ses vêtements, et prit un linge, dont il se ceignit.
Ensuite il versa de l’eau dans un bassin, et il se mit à laver les pieds des disciples, et à les essuyer avec le linge dont il était ceint.

L’Église (catholique d’abord) a donné à la diaconie le sens de prendre soin des pauvres, se référant à la lecture du livre des Actes des Apôtres (6, 1-4) :

À ce moment-là, le nombre des disciples devient de plus en plus grand, et les Juifs qui parlent grec se plaignent des Juifs du pays. Ils disent : « Chaque jour, au moment où on distribue la nourriture, on oublie les veuves de notre groupe. »
Alors les douze apôtres réunissent l’ensemble des autres disciples, et ils leur disent : « Nous ne devons pas cesser d’annoncer la parole de Dieu pour nous occuper des repas.
C’est pourquoi, frères, choisissez parmi vous sept hommes que tout le monde respecte, remplis d’Esprit Saint et de sagesse. Nous leur confierons le service des repas et nous, nous continuerons fidèlement à prier et à annoncer la parole de Dieu. »

Ainsi, ces sept hommes auront à nourrir concrètement ceux et celles qui ont faim, notamment les veuves, pendant que les apôtres nourriront spirituellement la communauté (!).

Si cette approche n’est pas historiquement fausse, elle est trop réductrice aujourd’hui. La diaconie, c’est plus qu’un service social ou une aide destinée aux plus précarisés.

La diaconie comme une bouée de sauvetage
 

Mal-aise

Je ne me sens pas à l’aise avec cette frontière, parce que, je crois d’abord que la prédication sans le service n’est pas crédible et que le service, s’il n’est pas porté par une parole annoncée et proclamée ne l’est pas plus.

L’Église a aussi, et trop souvent, confié la tâche (ou la mission) du service aux pauvres à des spécialistes, ou à tout le moins à des personnes formées. C’est très bien et gage de sérieux, mais l’Église ne doit pas oublier que la diaconie fait partie de sa mission, tout autant que la proclamation de l’Évangile.

De cette séparation est née la différence entre pastorat et diaconat. Même si la compréhension du diaconat entre catholiques et réformés est différente, elle l’est bien plus encore entre Églises réformées.

Une séparation
 

Un mot qui me parle

Le terme de service social me fait penser à un éventail de prestations qu’une paroisse proposerait à ceux qui y font appel et n’est pas très flatteur de la réalité du terrain. L’ajout aux pauvres ne fait qu’ajouter à mon malaise. J’y entend une aumône. Qui est pauvre ? Qui ne l’est pas ? Ou ne croit pas l’être ?

En fait, ce mot de diaconie est dépassé. Il est temps d’en trouver un autre plus vendable dira-t-on. Mais, est-ce que nous devons vendre notre souci et notre solidarité comme d’autres vendent la sécurité d’un système d’alarme ou d’un serveur informatique ?

On a tenté de donner une touche plus positive : service solidaire. C’est un peu mieux, mais pas encore satisfaisant pour moi.

Je suis de plus en plus convaincu par un autre mot qui, lui, correspond à ma réalité et donne un élan positif : animation. L’anima, c’est le souffle, l’élan de vie, l’esprit (appelez cela comme vous voudrez), c’est ce qui fait que je suis vivant, que je me sens vivant et que je suis un être animé.

La diaconie, aujourd’hui, comporte une part d’animation. Elle ne prend son sens que si elle (re)donne de la vie, du souffle, à nos communautés. Et cette vie, ce souffle, ne peuvent s’exprimer qu’en lien avec la société et le monde.

La crise liée au COVID-19 a secoué la vie de nos communautés, en particulier les rassemblements. Aujourd’hui, nos communautés cherchent à trouver un nouveau souffle, ou, à tout le moins, à retrouver leur vie d’avant. La crise et l’absence d’activités ont-elles changé quelque chose à notre manière de penser la communauté ? Pas si sûr…

Donner de la vie

Alors oui, bien sûr, on peut redonner de la vie à des pauvres par un service, par une prestation. Ce peut être un nécessaire, mais est-ce l’essentiel ? On donne de la vie d’abord par la rencontre, l’écoute et le souci qu’on porte aux autres.

C’est aussi ce même esprit de rencontre qui devrait souffler sur et dans nos paroisses et communautés. Cela pourra se concrétiser par des ouvertures au plus grand nombre, par de l’accueil, par la mobilisation de chacun et de tous, par un mouvement vers les autres. Et cela commence d’abord dans la tête, par son propre comportement.

partager une bière
 

Pas d’économies

La diaconie ne peut pas faire l’économie du dialogue et du travail en réseau avec la société civile. Ou alors, elle ne s’adresse qu’aux membres de la communauté et fonctionne en vase clos. En ce cas, nous ne parlons pas d’une Église ouverte, mais d’un club.

Aujourd’hui, et cela a été manifeste pendant le semi-confinement, l’aide matérielle et sociale est portée par d’autres acteurs que les Églises; ces dernières ne faisant plus partie du radar, ne sont plus des interlocuteurs vers lesquels se tourner. Ou alors pour des demandes « spirituelles » qui ne sont pas prises en charge par d’autres institutions. Je pense ici principalement aux obsèques.

En route

Si on parle d’un sacerdoce universel, c’est bien celui de la diaconie. Elle est l’affaire de chacun et de tous, dans et hors de l’Église. Cette diaconie se fonde sur le souci de l’autre. En Église, on parle d’amour du prochain. Et si, aujourd’hui, il y a des besoins qui sont en général couverts par des acteurs sociaux, il y en a d’autres, notamment la rencontre, l’écoute et l’accompagnement, qui exigent des engagements à court, moyen et long terme. Et là, ministres et bénévoles ont des choses à dire, à donner et à recevoir.

Un nouveau souffle
La mise en réseau n’en est que plus importante pour donner et redonner un nouveau souffle à la diaconie. Ainsi, elle s’inscrira dans une prise en charge globale de chacun, pas seulement les plus pauvres ni les plus précarisés, mais de chacun, reconnu pour ce qu’il est.

À lire et à relire sans modération : L’Église doit être là pour tous…

 

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