Le temps des fables

Il y a 400 ans naissait Jean de La Fontaine, célèbre pour ses fables qui mettaient en scène un bestiaire varié, allant de la fourmi au bœuf. Pour lui rendre hommage, l’artiste Daniel Richard a mis sur pied une exposition le long du sentier Torby, au cœur des tourbières des Ponts-de-Martel (NE).  Je ne vais pas tout dévoiler, mais j’ai envie de vous donner envie, de prendre du temps, et du bon, pour flâner et méditer au gré des mots d’un autre temps.

Depuis la fin du mois de mai, le sentier Torby dans la tourbière des Ponts-de-Martel accueille une exposition originale : des fables de Jean de La Fontaine, né le 8 juillet 1621. Élégamment mises en scène dans cet écrin de verdure par l’artiste local Daniel Richard, elles m’ont rappelé des leçons de récitations à l’école. Vous savez bien : « La cigale, ayant chanté tout l’été… » Daniel et son épouse Jacqueline se sont associés aux classes de l’école primaire pour donner vie à ces textes d’autrefois. La météo, devenue enfin clémente, nous a permis de parcourir cet sentier que nous connaissons bien pour y dénicher ces fables à regarder, à lire et à admirer.

Daniel est coutumier des expositions dans le marais. Ses vitraux y ont une place de choix. Le 12:45 de la RTS y avait consacré un reportage en 2014 déjà.

 

Des maximes intemporelles et universelles

À relire ces textes, on y découvre un « vieux » français, mais surtout des maximes qui sont toujours d’actualité. On se souvient de « Il ne faut pas avoir les yeux plus gros que le ventre », « Rien ne sert de courir, il faut partir à temps », « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » et tant d’autres. Chacune a sa part d’universel, dit quelque chose à nos oreilles contemporaines, nous fait réfléchir à la réalité du temps qui passe. Cette expo est composée de Morbiers en marche, signes du temps qui passe, et le premier nous invite à prendre le temps.

Pendule Prendre le temps
Le temps passe. N’oubliez pas de le prendre

Par ici la visite

Comme je l’ai dit, je ne vais pas tout dire, tout montrer, tout dévoiler. Je voudrais juste vous inviter à venir, à marcher au rythme de vos pas et des textes, à vous laisser inspirer par ce que vous verrez et entendrez. Je suis certain que vous ne verrez pas le temps passer. Je crois d’ailleurs que c’est bien là le but de cette exposition : nous faire voyager entre passé, présent et futur.

Connaissez-vous Dame Belette ?

Pendule Dame Belette

Damoiselle Belette, au corps long et fluet,
Entra dans un grenier par un trou fort étroit :
Elle sortait de maladie.
Là, vivant à discrétion,
La galante fit chère lie,
Mangea, rongea : Dieu sait la vie,
Et le lard qui périt en cette occasion !
La voilà, pour conclusion,
Grasse, mafflue et rebondie.
Au bout de la semaine, ayant dîné son soû,
Elle entend quelque bruit, veut sortir par le trou,
Ne peut plus repasser, et croit s’être méprise
Après avoir fait quelques tours,
« C’est, dit-elle, l’endroit : me voilà bien surprise ;
J’ai passé par ici depuis cinq ou six jours. »
Un Rat, qui la voyait en peine,
Lui dit : « Vous aviez lors la panse un peu moins pleine.
Vous êtes maigre entrée, il faut maigre sortir.
Ce que je vous dis là, l’on le dit à bien d’autres ;
Mais ne confondons point, par trop approfondir,
Leurs affaires avec les vôtres. »

Celle-ci est évidente

Pendule Le corbeau et le renard
Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute

Maître corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
« Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois. »
À ces mots, le corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le renard s’en saisit, et dit : « Mon bon monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. »
Le corbeau honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

En route…

Lignaigrettes
Le coton de chez nous : les linaigrettes
Dessin dans les arbres
Ouvrez l’œil
Végétation des Tourbières
Des airs de Toundra
Une fourmi
Un indice vers la prochaine fable
Cigale et fourmi
Là, ça devient évident
Pendule La cigale et la fourmi
Vous chantiez, j’en suis forte aise…

La Cigale, ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’août, foi d’animal,
Intérêt et principal. »
La Fourmi n’est pas prêteuse :
C’est là son moindre défaut.
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
— Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
— Vous chantiez ? J’en suis fort aise.
Eh bien ! Dansez maintenant. »

Et celle-ci, la devinez-vous ?

Pendule le paon se plaignant à Junon
Le paon se plaignait…

Le Paon se plaignait à Junon.
 » Déesse, disait-il, ce n’est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure :
Le chant dont vous m’avez fait don
Déplaît à toute la nature ;
Au lieu qu’un Rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu’éclatants,
Est lui seul l’honneur du printemps.  »
Junon répondit en colère :
 » Oiseau jaloux, et qui devrais te taire,
Est-ce à toi d’envier la voix du Rossignol,
Toi que l’on voit porter à l’entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies ;
Qui te panades, qui déploies
Une si riche queue, et qui semble à nos yeux
La boutique d’un lapidaire ?
Est-il quelque oiseau sous les cieux
Plus que toi capable de plaire ?
Tout animal n’a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diverses qualités :
Les uns ont la grandeur et la force en partage :
Le Faucon est léger, l’Aigle plein de courage;
Le Corbeau sert pour le présage ;
La Corneille avertit des malheurs à venir ;
Tous sont contents de leur ramage.
Cesse donc de te plaindre, ou bien pour te punir
Je t’ôterai ton plumage.

La balade se termine

Revenus à notre point de départ, nous passons devant la cabane du Tourbier qui reproduit ce qu’était cette maisonnette des ouvriers de la tourbe.

La cabane du Tourbier
Une cabane accueillante

Et pour terminer un reportage sur ce qu’était l’exploitation de la tourbe aux Ponts-de-Martel.

Au moment de quitter le bas du village, j’entends une voix indignée : eh oui, on a oublié la fable des deux chèvres. Et ça en a vexé au moins une :

Chèvre
Et moi, on m’a oubliée

Au plaisir de lire vos commentaires, peut-être après la visite de cette exposition.

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