Réflexions de que veut dire exister et faire partie et autour des rites et rituels, signes et symboles, cercles et groupes, inclusions et exclusions.
Je reprends ces réflexions initiées voici une année dans l’optique de la thématique d’un programme de catérchisme (11-14 ans). La thématique a changé entretemps, mais la réflexion reste. D’autant que la lecture de Exister. Le plus intime et le plus fragile des sentiments de Roger Neuburger, psychiatre, vient raviver mes réflexions. Plutôt que de les laisser dormir au fond de mon ordinateur, je vous en fais profiter en plusieurs billets.
Sentiment d’exister
Neuburger explique dans l’introduction de son livre que
Le sentiment d’exister n’a rien de naturel. C’est d’une construction destinée à échapper à l’angoisse fondamentale que suscite la conscience de notre mort inéluctable. Et c’est dès la naissance que nous sont enseignés les matériaux qui nous permettront plus tard de nous faire exister1.
- La relation à la mère ou à une personne stable (j’y reviens plus bas)
- Le sentiment d’appartenance que je développe ci-après)
Chaque être humain a besoin de ces deux dimensions pour se sentir exister. L’absence de l’une ou de l’autre pourra créer des troubles identitaires ou amplifier le besoin de reconnaissance.
Par exemple, une personne ayant été délaissée ou abandonnée par sa mère ou sa famille pourra tenter d’acquérir une nouvelle reconnaissance dans le domaine professionnel.
Sentiment d’appartenance
L’homme est un animal grégaire. C’est une banalité que de le dire. Ce qui est essentiel, c’est que cet instinct primitif existe toujours et depuis toujours, sous la forme d’un besoin à combler : le besoin d’appartenance ou d’intégration sociale. Dès sa naissance, l’être humain a ce besoin d’être reconnu comme faisant partie d’un groupe : la famille d’abord, puis les pairs (camarades, amis, collègues…), la maison-couple (pour reprendre une image de Neuenburger) et/ou d’un idéal qui peut prendre la forme d’une association, d’un syndicat, d’une église, d’un groupe qui partage une vision commune.
Neuburger distingue quatre types de relations entre les individus :
- La relation nourricière (plutôt que maternelle) : il s’agit de la relation primaire à la « mère » ou à un·e référent·e qui permet au nouveau-né d’exister comme être vivant2. Cette relation fusionnelle implique une reconnaissance mutuelle mère/enfant.
- La relation d’autorité (plutôt que paternelle) : c’est la relation de celui ou celle qui détient une responsabilité éducatrice qu’il·elle doit exercer. L’enfant lui doit respect et obéissance 3.
- La relation fraternelle : c’est ce que l’enfant apprend au contact de ses camarades ou « frères », notamment à la crèche, en jouant, à la récréation 4.
- La relation amoureuse : qualifiée de dévorante par Neuburger. Elle fait privilégier de manière irrationnelle une relation individuelle exclusive avec un être élu5.
Donc exister passe par l’intermédiaire du regard de l’autre qui nous identifie et nous reconnaît comme un pair, un égal digne d’être accepté, respecté voire aimé.
Ce qui fait du besoin d’appartenance un besoin aussi fondamental (et complémentaire) que le besoin d’amour, d’affection de reconnaissance6 et les deux se nourrissent mutuellement.
Ce sentiment d’appartenance participe de la dimension sociale de notre identité et reste en mouvement tout au long de notre vie, de nos affiliations, de nos passages d’un groupe à un autre, avec toutes les influences que celui-ci peut exercer (ou cesser d’exercer). Il est à la fois le reflet et l’expression de cette identité sociale et est nécessaire à l’équilibre psychologique. Dans une société qui pousse à l’individualisme et brouille les repères par l’accélération des changements, certains peuvent avoir du mal à combler leur besoin d’intégration sociale et vivent davantage de solitude qu’ils ne le souhaiteraient. Inversement, lorsqu’il est comblé, ce besoin d’appartenance sociale participe à la satisfaction d’autres besoins: reconnaissance, amour et affection etc., ainsi qu’au renforcement de l’estime de soi(…) Si le besoin d’appartenance est universel, la façon dont il s’exprime pour chacun (en désirs) est individuelle et nécessite d’être déterminée avec précision pour s’inscrire dans les groupes qui nous importent d’une manière qui nous satisfait.7
Synonymes de ‘GROUPE’
Famille, cercle, équipe, club, clan, tribu, horde, association, classe, société, bande, communauté, peuple, paroisse, Église … Pour les animaux, on peut parler de espèce, troupeau, essaim, banc, harde…
Groupes ouverts ou fermés
Un groupe « ouvert » permet à toute personne de le rejoindre, à condition d’en partager les valeurs et les buts. Ex : associations, clubs sportifs, partis politiques… Il n’est pas limité quant au nombre de ses membres.
Un groupe « fermé » ne permet l’adhésion de nouveaux membres que sous certaines conditions, ou en cas de départ d’un des membres. Ex : commissions, groupes de travail, parlement… Le nombre des membres est limité par un règlement, des statuts, une loi.
Les réseaux sociaux offrent des exemples pertinents de groupes ouverts ou fermés. Certains offrent un libre accès : il suffit de cliquer sur « Rejoindre » pour en faire partie. D’autres exigent une présentation et une raison d’adhérer. La demande est alors examinée puis validée (ou non) par le modérateur du groupe.
Questions à (se) poser :
- À quels groupes est-ce que j’appartiens ?
- Quels sont les groupes ouverts ou fermés, quelles ont été les modalités pour les rejoindre ?
- Est-ce que je l’ai choisi délibérément ou est-ce que cela m’a été imposé ?
- À quoi ce(s) groupe(s) sont-ils reconnaissable(s) : signes distinctifs, habillement, cartes de membre, langage… ?
- Existe-t-il des groupes qui me sont encore inaccessibles et auxquels j’aimerais appartenir ? Lesquels et pourquoi ?
- Est-ce que j’appartiens à des groupes que j’aimerais quitter ? Qu’est-ce qui m’empêche de le faire ?
- Que m’apporte le fait d’appartenir à tel ou tel groupe ?
- Neuburger Robert. Exister, p. 19 ↩
- Exister, p.24 ↩
- Exister, p. 26 ↩
- Exister, p. 27 ↩
- Exister, p. 28 ↩
- Le besoin d’appartenance est le 3e étage de la pyramide des besoins selon Maslow, après les besoins physiologiques et sécuritaires, mais avant le besoin d’estime. ↩
- https://www.ithaquecoaching.com/articles/repondre-a-son-besoin-dappartenance-sociale-1028.html ↩
Merci beaucoup pour cet excellent article ! Il offre en quelques lignes des éléments clefs pour discerner sur sa propre situation. J’aime beaucoup !
Réflexion parallèle :
– Il y aurait des liens à tirer entre les quatre types de relations identifiées par Neuburger et la diversité de formes que prend la relation à Dieu – tant dans le texte biblique que dans l’expérience personnelle. Peut-être des pistes à explorer pour la constitution d’animations ?
– Je me dis que tu pourrais être intéressé à lire les articles suivants – c’est plus en lien avec le développement communautaire, mais je pense que ça consonne avec ce que tu écris ici, notamment par rapport au « sentiment d’appartenance ».
https://svth.ch/groupes-de-maison/ ; http://wp.unil.ch/lescahiersiltp/2017/03/comment-et-a-quelles-conditions-les-groupes-de-maison-peuvent-ils-etre-source-de-renouveau-pour-leglise/
Merci de nous partager ton travail !
À bientôt,
Elio
Merci, Elio, de ton commentaire et des liens.
En effet, et je pensais m’y atteler aussi, la réflexion de la relation avec Dieu, notamment la question de la reconnaissance de chacun·e par Dieu et de manière inconditionnelle. En fait, ma réflexion a encore un peu de contenu déjà existant et un potentiel de nouveauté à développer.
Merci de m’accompagner dans cette démarche.
Amitiés et à bientôt.
Jean-Marc