Prédication du culte du 3e dimanche du temps de l’Avent, 15 décembre 2024, au temple de Corcelles (NE). Organiste du jour : Maryclaude Huguenin
Textes bibliques : Lettre aux Galates 3, 21-26 et Évangile selon Luc 3, 10-18.
Image de couverture : Crèche de Noël confectionnée par V. Widmer et une équipe de la paroisse.
Un enregistrement vidéo est disponible pendant quelques semaines sur la page Facebook de la paroisse de la Côte : Paroisse de la Côte – EREN | Facebook
Chers Amis,
Nous avons tous expérimenté cette situation un brin gênante, que ce soit dans une salle d’attente, à l’église ou dans la file du cinéma. Nous sommes accompagnés d’enfants – parfois un seul suffit – et nous attendons que le temps passe, que l’orgue se mette à jouer ou qu’arrive notre tour. On a bien prévu des feuilles et des crayons, un petit jeu silencieux, le défi de compter les punaises sur le mur, les poissons dans le filet de l’image du vitrail, les voitures rouges, rien n’y fait, arrive ce moment tant redouté où le bambin s’adresse à nous d’un air plaintif et à grands cris : « On fait quoi, maintenant, c’est trop long ! » « Eh bien, mon chéri, on attend… Et sagement s’il te plaît. » Bon, ça marche moyennement… Mais ça dit bien qu’il y a des attentes qui durent et que la perception du temps n’est pas la même selon la taille et l’âge de celui qui attend.
L’attente au cœur
L’attente est au cœur des foules venues trouver Jean-Baptiste. L’attente, oui, mais surtout la fin de l’attente, l’accomplissement des prophéties : la venue du messie qui libérera enfin le peuple de Dieu du joug romain. Cette attente devait sembler longue à ces foules, à tel point qu’on se demandait si Jean, lui le Baptiste, n’était pas le messie promis et attendu. Alors, on vient l’écouter. Voilà une première démarche de foi : se mettre à l’écoute. Mais lui dissipe tout doute : il n’est pas celui qu’on attend ! Celui-là doit encore venir et il sera d’un tout autre ordre. Il donne quelques indices : il ne baptisera plus d’eau mais du Saint-Esprit et de feu, il tient la pelle à vanner pour séparer le blé et la paille ! Autant d’allusions pour évoquer son jugement.
Et devant lui, Jean, que tous respectent et redoutent tant ses paroles peuvent être directes, lui, ne se sent pas même digne d’en être l’esclave déliant la courroie de ses sandales.
La réalisation de la promesse annoncée par les prophètes de l’Alliance entre Dieu et l’humanité, voilà ce qu’attendent les foules. La fin de l’occupation, un renversement, la révolution, voilà sans doute ce qu’espèrent certains. De nouveaux cieux et une nouvelle terre d’où toute injustice et toute larme auront disparu, voilà ce à quoi aspirent d’autres encore. Et la question surgit alors : que devons-nous faire jusqu’à cette venue ? Que devons-nous faire pour hâter ces événements ou pour occuper ce temps d’attente ? Faisons un petit détour par Jean le Baptiste, avant d’aborder cette question.
Une question centrale
Le personnage de Jean le Baptiste est central dans ce temps de l’attente, car il est à la fois prophète, à l’image d’Esaïe, de Sophonie ou de Zacharie (pour ne citer qu’eux) et le témoin oculaire de la réalisation des promesses de Dieu, puisqu’il verra – et baptisera lui-même – le messie qu’il n’a eu de cesse d’annoncer.
Prophète, il annonce ce qui vient, se faisant la voix de Dieu qui crie dans le désert. L’écoutant, craignant le jugement, les foules qui ont bien compris que le messie, ce n’est pas lui, lui posent l’évidente question : que devons-nous faire ? Comme s’il fallait cocher les préceptes d’une loi : « Faites ceci pour bien faire ou pour échapper au jugement ! » Parmi ces foules, il y a des collecteurs d’impôts et des soldats qui étaient mal considérés par les juifs, parce que s’accoquinant avec le gouvernement romain. Les premiers prélevaient des taxes, se payant au passage, les seconds pouvaient user de leur statut pour se livrer à des délits.
Devant la diversité de son public, Jean devra faire preuve de diplomatie, comprenant certainement qu’il y a un vivre-ensemble à préserver ou les prémices d’une révolution à étouffer. Sa réponse, ou plutôt ses réponses, sans exclure, viseront au contraire à inclure ceux que les juifs regardaient avec méfiance.
Loin de se contenter de grands principes passe-partout ou fourre-tout, Jean adapte sa réponse à ces trois catégories de ses auditeurs. Il appelle la foule d’abord à la solidarité et au partage avec ceux qui n’ont rien. Il appelle ensuite les collecteurs d’impôts à prélever les taxes avec honnêteté et les soldats enfin à servir sans profiter de leur statut aux détriments des autres.
Le bon sens
En y regardant de plus près, « il n’y a rien de nouveau sous le soleil », n’est-ce pas ? Mais, les réponses font faire un pas de côté avec la Loi. S’il a la Loi, il y a aussi l’esprit de la Loi, son essence. Jean fait juste preuve de bon sens, tout simplement. Ne pourrait-on résumer ces propos par cette parole du Christ prononcée plus tard : « Tout ce que vous voulez que les gens fassent pour vous, vous aussi faites-le de même pour eux. » (Mt 7,12) ? Ce que Jean rappelle, c’est que devant Dieu, nos actes et nos gestes ont du poids et sont d’une manière ou d’une autre le prolongement de notre cœur. Si nous aimons notre prochain, alors aimons en vérité, avec générosité et droiture. Et n’avons-nous pas besoin du feu purifiant apporté par le Christ dans nos cœurs pour brûler tout ce qui pourrait polluer cet amour pour Dieu et pour l’autre, afin de ne garder que ce qui est porteur de vie ?
Et nous aujourd’hui, que devons-nous faire ?
Maintenant, c’est à nous d’agir. Un premier pas pourrait être de nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu.
Et après avoir écouté le Baptiste, en nous inspirant de lui, ayons une parole vraie et sincère, qui a du poids, qui porte la vie, qui dit du bien, nous laissant inspirer par le souffle de Dieu. En nous approchant des foules, des collecteurs d’impôts et des soldats, sachons trouver les gestes qui diront que nous sommes là pour servir et non pour être servi et permettre ainsi aux autres de grandir ? Sous le regard de Dieu, personne n’est trop petit ni trop grand pour ne pas être élevé. Et Jésus, notre frère, n’aura de cesse de remettre debout ceux et celles qui ployaient sous le poids des regards méprisants.
Que devons-nous faire ? Il s’agit de transformer l’attente passive et une attente active. L’évangile ne cesse de nous appeler à l’action au nom de l’amour de Dieu. A risquer des gestes, des gestes à notre portée, des gestes ordinaires, mais qui, s’ils sont portés au nom de l’amour de Dieu, seront porteurs de sens et de dignité, de droiture et de générosité. Ainsi, nous pourrons construire et entretenir des relations plus humaines et un monde plus juste, tout autour de nous, au-delà de toute peur, de tout préjugés et de toute ombre de désespoir et ce serait déjà un bon début.
A nous aujourd’hui d’annoncer avec nos voix, nos cœurs et nos mains le messie qui vient : il est signe d’amour de Dieu pour le monde et il vient révéler le meilleur en chacun.
Jésus le Christ, c’est Dieu qui se donne tout entier pour chacun et le monde.
Il est notre présent. Il est notre à-venir. Il est notre espérance.
Amen.