Jeter les fondations
Cette prédication se fonde sur le récit des Actes des Apôtres, chapitre 4. Après avoir guéri un mendiant boiteux au nom de Jésus, Pierre et Jean sont entourés par une foule nombreuse venue les écouter. L’enseignement sur la résurrection des morts agace les oreilles de certains religieux, au nombre desquels, il y a les sadducéens.
Excusez-moi, chers Amis ! Est-ce que quelqu’un connaît bien l’architecture de ce temple ? Parce que je cherche quelque chose de très important. Quelque chose sur quoi asseoir toute ma réflexion ce matin : la pierre de fondation de ce temple. Vous savez, la pierre d’angle. Est-ce que vous savez où elle se trouve ? A quel angle ? Celui-ci ? Celui-là ?
Le temple de Coffrane
Si j’en crois ce que j’ai lu sur la page internet de la paroisse de Val-de-Ruz, cette pierre devrait porter la date de 1092, correspondant aux premières fondations du temple de Coffrane qui n’était alors qu’une chapelle dépendante du Prieuré de Corcelles. Ou alors 1613, date à laquelle le gouverneur de la Principauté accorde un crédit à sa remise en état. Ou encore 1775 qui marque la reconstruction de ce qui est maintenant le temple. Ou enfin 1841 où un incendie faillit réduire à néant cette bâtisse qui fut reconstruite. Tout cela pour dire que les pierres de nos édifices ont traversé l’histoire et sont les témoins des heures glorieuses ou sombres de notre humanité.
Une pierre, la pierre, la première pierre
De nos jours, lorsqu’on pose la première pierre d’une construction publique, cela se fait lors d’une cérémonie officielle. Et dans cette pierre, on y place souvent un cylindre contenant des informations, des plans, parfois le journal du jour, les noms des constructeurs ou même une puce électronique… Histoire de ne pas oublier et de passer le témoin aux générations futures. On se souviendra…
Un jour peut-être, cette pierre parlera aux archéologues. Elle dira ce qui a été pensé et voulu par les bâtisseurs. En un sens, elle est la pierre la plus importante, la première des fondations. C’est elle qui a le plus de choses à dire ?
« Pierre de fondation ! Qu’as-tu à nous dire aujourd’hui ? » – Silence
Même si elles ne parlent pas avec des mots audibles, les pierres racontent une histoire. Certaines portent une date, un nom ou des initiales au fronton des portes. D’autres arborent des symboles à déchiffrer ou les marques d’attaques au ciseau ou à la masse, sans parler des rides du temps qui passe à jamais gravées. Elles traversent l’histoire ces pierres et résistent, mais pas toujours. Il arrive qu’elles soient broyées sous les coups du marteau piqueur ou du bulldozer…
Parler de pierres, c’est parler de l’histoire ou mieux d’histoires, au pluriel.
Retour au Temple
Nous venons d’entendre le texte de Luc dans les Actes des Apôtres, une page d’histoire, d’une histoire qui continue. Ce texte nous entraîne au milieu de pierres, de belles pierres, impressionnantes qui forcent l’admiration : celles du temple de Jérusalem. Là même où Jésus a enseigné. Là même où il a chassé les marchands venus faire du commerce. Mais, devant l’admiration des disciples, le Maître a annoncé la destruction. Mais, nous n’y sommes pas encore. Le Temple tient bon, pierre sur pierre.
Aujourd’hui, c’en est une autre. Ou plutôt un autre qui parle : Pierre le compagnon de Jésus. Il fait preuve d’assurance devant ses accusateurs.
On se souvient de lui comme du fougueux, celui se lance… Celui qui avait affirmé que même si ses compagnons abandonnaient Jésus, lui ne le laisserait jamais. Et on se souvient de la suite : alors que Jésus est arrêté, il affirme avec aplomb ne pas connaître le Nazaréen.
Ici, c’est le même Pierre qui parle.
Ce qui pose problème, ce qui est la pierre d’achoppement entre les religieux d’un côté, Jean et Pierre de l’autre, c’est la résurrection des morts d’abord. Parce que parmi les accusateurs, il y a les sadducéens.
Vous vous souvenez peut-être d’eux. [Ne considérant que la Loi, les cinq premiers livres de la première alliance], ces juifs remettent en question ou rejettent plusieurs doctrines, dont la résurrection des morts. Ils avaient déjà interpellé Jésus justement au sujet de la résurrection. Au terme de cette controverse, Jésus avait rappelé que le Dieu des ancêtres n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants. Cette famille sacerdotale tenait le contrôle du Temple, et veillaient au bon ordre qui devait y régner. Alors, pensez, lorsqu’ils ont entendu le discours de ces apôtres annonçant la résurrection des morts en la personne de Jésus, lui-même ressuscité.
Mais, ce qui a déclenché la colère des religieux, l’autre motif qui conduit maintenant les apôtres devant le tribunal religieux, c’est la guérison attribuée à Jésus de ce boiteux connu de tous et qui mendiait à l’une des entrées du Temple et l’effet que cela a produit sur la foule, plus de cinq mille crurent à ces paroles. Tout comme au temps du Maître, les signes, les miracles font leur effet. Alors se pose la question « Par quel pouvoir ? Au nom de qui ? »
Pierre qui parle…
Alors Pierre, avec l’assurance du Saint-Esprit, précise le texte, martèle le nom de Jésus Christ et jette le pavé dans la mare en rappelant qu’il n’y a pas d’autre salut qu’en Jésus condamné, mort et ressuscité !
Devant le boiteux qui ne l’est plus et qui a retrouvé sa place dans la construction de la communauté, devant le discours de Pierre, les religieux se taisent. Là me reviennent ces mots entendus à la fête des Rameaux, ce n’est pas si loin que cela, rappelez-vous : « si les disciples se taisent, ce sont les pierres qui crieront ! »
« Et toi, pierre de fondation, n’as-tu toujours rien à nous dire ? » – Silence
Rien ! Alors, si les pierres se taisent, c’est à nous de parler, à nous de crier, à nous de ressembler à Pierre.
Je trouve que la figure de Pierre est un beau reflet de notre humanité toute en nuances et en contradictions aussi. Il nous arrive d’être forts, limite arrogants et à d’autres moments, timides, voire complices. Mais qui nous jettera la première pierre ? Nous sommes faits de chair et de sang, nous sommes sensibles et traversés par des émotions qui nous dépassent parfois.
Si nous sommes faits de la même pâte d’humanité, nous sommes aussi, et c’est une autre belle image, des pierres vivantes appelées à former un saint édifice, un temple spirituel. Avec, comme pierre d’angle, de fondation, celle-là même qui a été rejetée en son temps : Jésus-Christ. Lui qui, en sa personne, unit le divin et l’humain. L’humain et le divin.
Ainsi, chacun et chacune de nous est une pierre de ce « temple spirituel », liés par le ciment de l’Esprit Saint qui vient de Dieu. Et c’est à nous qu’il revient de faire rayonner l’action de vie et d’amour de Dieu pour tous, sans distinction d’aucune sorte.
Histoires de pierres, Pierres de l’histoire
Il est de belles églises, de beaux temples qui nous accueillent et qui racontent une histoire, comme ici. Des pierres qui ont vu passé ceux qui nous ont précédés sur le chemin de la foi. Qui ont entendu des cris de joie, des mots de pardon. Qui ont absorbé des larmes ou des silences. Ces pierres étaient là et seront là encore pour rappeler à ceux et celles à venir qu’ils sont, qu’elles sont de la même histoire que nous.
Une histoire qui a commencé avec un homme Jésus-Christ, le Fils du Dieu vivant. Il a annoncé une Bonne Nouvelle : l’amour de Dieu est pour tous, sans condition. L’amour de Dieu est donné à tous, par pure grâce. Cette bonne nouvelle qui fonde notre foi, n’a cessé de nous construire et de faire de chacun de nous une belle pierre de son saint temple.
« Alors, pierre de fondation ? Qu’as-tu à ajouter ? » – Silence.
Amen.
Être Église autrement, Église et évangélisation à l’ère du numérique vous intéresseront aussi
Source de l’image d’en-tête : pixabay.com