La Lanterne : tables décorées pour les 20 ans

Une rencontre internationale

Vendredi 31 janvier, j’ai eu le privilège de présenter la Lanterne lors de la soirée mise sur pied par l’Entraide protestante suisse (EPER). Eva Balcarová, Sebouh Terzian et moi-même avons parlé de nos réalités autour d’une même mission qui était d’ailleurs le thème de la soirée : « Les Églises s’engagent pour la société ». Je reproduis ci-dessous le texte de ma présentation. J’ai déjà parlé de ce rendez-vous dans ce billet.

Lorsqu’Yvena Garraud-Thomas, animatrice cantonale Terre Nouvelle de l’EREN m’a proposé de vous rejoindre pour cette soirée autour de la thématique : «Les Églises dans la société », cela m’a semblé être une évidence. Et puis, j’ai lu le descriptif des autres intervenants et je me suis alors demandé si ce que j’avais à partager serait suffisamment pertinent. Parce que la réalité de la République tchèque et du Liban secoué par la guerre n’a sans doute pas grand-chose à voir avec celle vécue ici à Neuchâtel, dans cette petite ville paisible de Suisse romande.

En préparant le contenu de la soirée, je me suis alors rendu compte que, au-delà de mes premières impressions, il y avait bien quelques parallèles à tisser entre nos trois réalités.

Intervenants de la soirée de l'EPER à Neuchâtel
Sebouh Terzian, Anne-Cé Biron (traductrice) et Eva Balcarová.

Des réalités proches malgré la distance

Pour commencer, j’aimerais vous parler de ma réalité, celle de la Lanterne. C’est le lieu d’accueil de l’aumônerie œcuménique de rue en Ville de Neuchâtel. Une aumônerie, c’est une présence des Églises hors-les-murs, auprès de personnes en situations particulières : patients d’un hôpital, résidents d’une maison de retraite, requérants d’asile, détenus, étudiants… Œcuménique veut dire que c’est une volonté commune des Églises chrétiennes de soutenir cette présence. De rue pour dire que c’est une présence des Églises qui, au travers de ses animateurs est là où sont des gens en situation de précarité. En d’autres mots, une aumônerie – ou une pastorale – c’est une église qui se met en route pour aller à la rencontre de l’autre et du prochain, là où il est.

Un lieu au cœur de la ville

La Lanterne existe depuis 21 ans maintenant. Nous avons fêté ses 20 ans en septembre 2023. Née de la volonté d’un petit groupe de convaincus qu’il fallait, en Ville, un lieu pour accueillir, écouter et servir les personnes des marges, le lieu est devenu, au fil des années, bien connu des Amis des rues et reconnu également par les autorités politiques de la Ville. La Lanterne s’insère aussi dans un travail aux côtés d’autres associations qui apportent des aides variées à celles et ceux qui en éprouvent le besoin. Si la Lanterne accueille, elle est aussi un lieu d’engagement de bénévoles – ils et elles sont une douzaine – à se relayer pour m’accompagner dans l’accueil et l’écoute de nos visiteuses et visiteurs. Ouverte trois fois par semaine, lundi matin, mercredi après-midi et vendredi soir, la Lanterne offre un lieu où s’arrêter, boire et manger quelque chose, partager ses soucis, ses peines et ses joies, prier et reprendre un peu de courage.

Plaque commémorative près de la Lanterne
Plaque commémorative en mémoire de Frère Léo

Un lieu presque comme les autres

Notre lieu d’accueil ressemble à d’autres lieux dans le Canton et en Suisse romande. A commencer par celui de La Chaux-de-Fonds, l’autre grande ville du Canton de Neuchâtel, La Cascatelle qui ouvre ses portes à celles et ceux qui recherchent un peu de chaleur humaine. Dans les autres cantons romands, des lieux répondent à des besoins similaires, mais chacun avec sa propre réalité. J’en cite quelques-uns à titre d’exemple : Agora à Genève, La Pastorale de rue et les Jardins Divers à Lausanne, La Maison de la Diaconie à Martigny et la Maison de la Diaconie, Verso Alto à Sion (Valais). Et d’autres encore.

Petite, mais tellement essentielle

Je reviens sur un autre parallèle que je peux tisser avec les réalités des invités de ce soir. La Lanterne, comme d’autres, est une petite structure par rapport à d’autres : nous pouvons offrir une dizaine de place, 15 si on rajoute des sièges.

Mais, pour certaines personnes, elle a un rôle essentiel : un endroit pour parler et être écouté, pour prier, pour se reposer et reprendre un peu de courage et de forces. Je l’ai déjà mentionné, une structure qui peut compter sur le soutien des autorités dans une politique plus globale de réduction des risques et de prise en charge de la précarité. Et cela avec nos moyens. Cela me permet de souligner que si nous pouvons aider, c’est parce qu’il y a des donateurs qui soutiennent notre action tout au long de l’année. Et nous pouvons compter sur leur fidélité.

La Lanterne lieu d'accueil de l'aumônerie œcuménique de rue

20 ans et toujours là

Une structure ouverte au plus grand nombre, quelles que soient leurs origines, confessions et orientations. Et certainement, une structure qui a encore tout son sens, plus de 20 ans après son inauguration, parce qu’elle répond à des enjeux qui ne cessent de croître aujourd’hui : phénomène d’isolement et de solitude, évolution croissante de la précarité, recherche spirituelle. Et ce qui est vrai pour la Ville de Neuchâtel l’est tout autant dans les autres villes de Suisse et sans doute aussi au Liban et en République tchèque.

Un café et une chapelle

Poussons la porte de La Lanterne. C’est d’abord un petit « Café », où on peut manger, boire et discuter, avec la certitude d’y être accueilli, respecté et écouté. C’est aussi une chapelle où l’on peut se confier à une oreille attentive et bienveillante. Un temps de prières et de méditation termine chaque ouverture. Car, c’est important de remettre à Dieu ceux et celles qu’il nous est donné de rencontrer.

Un travail de personnes engagées

L’aumônerie de rue, c’est aussi une présence dans les rues et les cafés de la Ville par un animateur bénévole qui va à la rencontre, qui prend et passe du temps à écouter, qui fait le lien avec le lieu d’accueil.

Ce sont encore ces femmes et ces hommes qui donnent de leur temps et de leur personne pour donner vie à la Lanterne, pour accompagner et écouter les personnes qui passent le seuil et un comité qui assume les tâches plus administratives et les trois Églises, réformée, catholique romaine et catholique chrétienne qui prennent en charge le salaire du responsable.

Les richesses intérieures de la rencontre

Ce que j’ai appris depuis 4 ans que je suis responsable de ce lieu, c’est qu’il n’y a pas d’un côté des « pauvres » qu’il faut aider et des « privilégiés » que nous sommes qui ont les moyens d’aider. Il y a une vraie communauté humaine, sans hiérarchie, où chacune et chacun donne et reçoit et pas seulement du matériel. Les différences s’estompent : on tisse de la confiance, on entretient des amitiés, on se soutient. Et c’est cela qui est beau.

Ce que j’ai encore appris, c’est qu’il y a des étiquettes qui réduisent la personne à une maladie, à une situation, mais que chacune et chacun est toujours bien plus que ce que l’étiquette peut en dire. J’ai découvert de belles et riches personnes. Et cela est beau aussi. C’est ce qui me fait dire que la Lanterne est ce lieu où se croisent des chemins de vie avec toutes les nuances de l’existence. Il y a, et heureusement, des raisons de se réjouir. Par exemple, un jeune couple, habitué de notre lieu, nous a annoncé la naissance de leur fille et nous l’ont présentée. Ou encore, cette personne qui a vu son attente d’une décision d’assurance sociale débloquée avec l’octroi d’une rente.

• Un article du portail de Diaconie Suisse : À Neuchâtel, la Lanterne éclaire la vie des plus fragiles – Diaconie Suisse

Et maintenant ? Et demain ?

Quels défis attendent la Lanterne aujourd’hui, 20 ans après son ouverture ? Celui qui me tient à cœur, c’est que la Lanterne rayonne un peu plus encore : qu’elle puisse devenir, malgré sa petite taille, un lieu où se rencontrent les diverses catégories de la population du centre-ville, ce que sont certains autres lieux d’accueil en Suisse romande. Essayer de sortir de « l’entre-soi » pour s’ouvrir à un plus grand nombre.

Un autre défi est de pouvoir engager une animatrice de rue bénévole, secondant l’animateur actuel, parce qu’on est conscient qu’une écoute féminine sera plus adéquate auprès d’autres femmes, notamment. Cela impliquera de trouver de nouvelles sources de financement pour notre association.

Un troisième défi, un peu plus large que la Lanterne, et parce que je m’y engage, c’est de continuer à tisser des liens entre lieux d’accueil.

Une première rencontre en février 2024 à Lausanne nous a permis de mettre des visages sur les noms des lieux et de faire connaissance. Nous avons ainsi constaté que, malgré des réalités différentes, nous avons toutes et tous la même mission : accueillir, écouter et servir, même si cette devise peut être exprimée avec d’autres mots. C’est pour moi un moyen de me nourrir des expériences des autres, de retrouver une motivation et de continuer la mission.

• Un écho de la journée diaconale romande 2024 : Vers un printemps de la diaconie ? – Diaconie Suisse.

En préparant les festivités des 20 ans, on se disait : « Déjà 20 ans ! Et on est toujours là ! » D’un côté, c’est beau de durer dans le temps et d’un autre côté, cela signifie qu’il y a toujours des personnes qui vivent dans les marges et pour qui le quotidien n’est pas facile.

• Un article de l’Écho-magazine de décembre 2024.

Et on se disait aussi : « Même si tous les problèmes de précarité étaient résolus – on rêve un peu ou beaucoup – si la Lanterne restait un lieu d’humanité tout simplement, elle ne faillirait pas à sa mission ! »

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