En quête d’équilibre

Avant de lire plus avant ce billet, je vous invite à écouter ce petit message et à faire un peu d’exercice, parce que c’est important de bouger.

Les choses bougent, gardons le cap !

Dès ce lundi 11 mai, nous allons devenir des équilibristes, avançant un pas après l’autre vers un peu plus de normalité. Mais, cette marche sera à l’image de celle des funambules, penchant tantôt du côté de la joie retrouvée et l’envie de « se lâcher », tantôt du côté de la peur d’une seconde vague aux conséquences incertaines. L’important, pour nous comme pour le funambule, est de regarder loin devant; de fixer l’horizon. Car, si on se focalise sur la pointe de ses pieds, c’est la chute assurée.

Il s’agit donc d’avancer aussi rapidement que possible, mais aussi lentement que nécessaire.

Trouver un nouvel équilibre, mais pas celui d’avant

Avec la réouverture des magasins, des restaurants, des écoles, des musées et des bibliothèques, nous allons goûter à un vent de liberté retrouvée. Mais, en même temps, ce ne sera pas le temps d’avant. Tant mieux, peut-être. Il nous faudra garder nos distances, nos habitudes du lavage des mains, faire plus attention à soi et aux autres. Même si pour certains, tout cela ne relève que du complot.

Depuis deux mois, nous nous sommes habitués à vivre, à travailler et à étudier autrement. Nous avons plus ou moins trouvé notre équilibre entre travail à distance, école à la maison, vie familiale et loisirs tous ensemble à l’intérieur ou dans le jardin. Nous avons appris à nous parler par Skype, Zoom ou Whatsapp. Ça a été un vrai apprentissage, pour les profs comme pour les élèves, les patrons comme les employés, les parents comme les enfants. Pour les aînés aussi. Qu’en garderons-nous ?

Maintenant, il nous est demandé de reprendre le chemin du travail, de l’école. On n’en a peut-être pas forcément envie. On était bien. Donc, là encore, il nous faut trouver une motivation renouvelée, un nouvel élan, se bouger.  Dans ces prochaines semaines, ce ne sera pas la vie d’avant. Ce sera le début de notre nouvelle vie, celle d’après. Sera-t-elle plus écologique, plus solidaire, plus tournée vers l’essentiel et l’humain ? L’avenir nous le dira. Mais le présent a mis en lumière ce qu’on avait oublié.

Des réalités se font jour

Ces derniers jours, nous avons été nombreux à être scandalisés en voyant ces files d’attentes d’hommes et de femmes qui venaient chercher un cabas de denrées alimentaires. On avait oublié que, dans notre pays dit riche, il y a des travailleuses et des travailleurs de l’ombre, des sans-papiers qu’on ne voulait pas voir. Le chômage les a fait sortir. La crise a révélé une précarité criante.  Et d’autres, bien mieux lotis, faisaient eux aussi la queue pour s’acheter leur premier… Big Mac après deux mois de confinement.

On s’est aussi félicité de la solidarité qui s’est manifestée pour venir en aide aux aînés d’abord. On les disait les plus à risque, les plus isolés. On a affirmé qu’on ne les oubliait pas. Mais maintenant, ces mêmes aînés en ont assez d’avoir une étiquette de « personnes à risques » (j’ai entendu « pestiférés »). Ils aimeraient qu’on leur fiche la paix. Car beaucoup, à 65 ans et plus, sont actifs, sportifs, conduisent leur voiture et voudraient aider, aimeraient sortir sans qu’on les regarde de travers. Ils aimeraient et pourraient soulager les parents qui iront travailler en gardant leurs petits-enfants, mais ils peuvent que les embrasser, pas beaucoup plus.

Il y a un ras-le-bol et ce slam pour le crier haut et fort :

https://twitter.com/i/status/1257014561011466240

Le téléjournal ne nous montre plus d’échos des applaudissements aux balcons à 20:00 pour soutenir le personnel soignant. Il s’agit maintenant de ne pas les oublier, de former plus d’infirmières et infirmiers en Suisse et de revaloriser leur statut et leurs conditions salariales. Il s’agit de ne pas oublier non plus tous ceux qui ont été mis en avant au plus fort de la crise. Ils restent encore au front.

Une marche sur un fil trop lente, trop rapide ?

Notre marche, dès le 11 mai, ressemblera certainement à celle des funambules plus ou moins aguerris. Nous tenterons de trouver et de tenir l’équilibre. Les risques de faire faux tout comme les tentatives de se rattraper seront nombreuses, à commencer par le bon usage du masque. Là où il est indispensable, là où il est superflu.

Nous marcherons malgré tout sur nos deux pieds à des rythmes différents, trop lents pour les milieux économiques, trop rapides pour des parents. Symboliquement, nous serons en marche sur nos deux pieds. l’un sera celui de la lucidité, parce que nous sommes dotés d’une intelligence et l’autre celui de l’espoir, parce que nous pouvons craindre le meilleur (!) L’un entraînant l’autre.

Bonne marche.

Image par Tumisu de Pixabay

 

Diacre ou pasteur, faudrait-il choisir ?

À un moment, la question du choix entre pasteur ou diacre s’est naturellement posée. C’était à quelques mois de la fin du parcours des Explos théologiques. Quelle orientation prendre ? Quelle filière suivre ? Parmi les formateurs et mes compagnons, certains me voyaient devenir pasteur. Moi, je ne savais pas. Alors, pourquoi avoir finalement choisi d’être diacre ?

Une question essentielle

La réponse à la question de ma formation future allait influencer les prochaines années de ma vie professionnelle et personnelle. Je me suis d’abord renseigné sur le pastorat, sur les conditions d’admission à l’université, les facultés, les frais, les possibilités. Évidemment que ces aspects sont différents si on les considère à 18 ans ou à près de 40, comme c’était mon cas. Ou si ces questions se posent dans la continuité d’une formation ou dans une formation d’adultes, après une longue période loin des écoles. J’avais un engagement professionnel et ne pouvais pas compter sur des parents qui m’auraient sans doute aidé à assumer.

Aspects pratiques

Je me souviens d’un entretien avec le professeur et ami Felix Moser qui envisageait déjà des équivalences entre ce que j’avais acquis en formation et les exigences universitaires. Les premiers éléments de réponse m’ont aussi montré que les facultés se trouvaient dorénavant à Lausanne ou Genève. J’aurais eu encore à « rattraper » l’hébreu et me remettre au grec que j’avais commencé d’étudier à l’école secondaire. Une possibilité pouvait être aussi de suivre les cours à distance dispensés par la faculté de théologie de l’Uni de Genève. Comment concilier études exigeantes et travail au quotidien ? Sans doute possible, d’autres l’ont fait. Allais-je tenir dans la durée ? Autant de questions qui tournaient dans ma tête. Conclusion du moment : la porte n’était ni complètement fermée ni grande ouverte, elle restait entrebâillée.

Oui, certainement que j’aurais pu rejoindre les bancs d’une faculté, mais je ne m’en sentais pas à la hauteur. Je l’écris en toute franchise. Je voyais ces études comme une montagne quasi infranchissable. Même si j’étais persuadé que la foi peut déplacer des montagnes.

Je me suis alors intéressé à la formation diaconale.

Pas un choix de seconde main

N’allez pas croire que c’était un choix au rabais, le premier m’étant peu accessible. Non, je l’ai envisagé avec autant de sérieux que la filière universitaire. Les descriptions que j’ai lues de la diversité de ce ministère sur le site de l’OPF m’ont motivé. Aujourd’hui, même si ce profil a évolué, il reste dans les grandes lignes ce à quoi j’avais été sensible à l’époque et qui figure encore sur le site d’orientation.ch : l’accompagnement, la célébration, l’animation, la communication. La diversité des possibles me correspondait et me motivait. Plus je me documentais, plus j’étais persuadé que le diaconat était fait pour moi et moi pour lui. D’autant plus que j’étais déjà engagé à un petit pourcentage comme aumônier laïc dans deux homes pour personnes âgées où je m’exerçais déjà à ces aspects pratiques.

La décision est prise

Je me suis donc décidé pour la formation diaconale. Revenons brièvement sur les modalités de cette formation : elle se déroulait sur des week-ends, le plus souvent à Neuchâtel, et durait trois ans. Le contenu des différentes sessions m’a convaincu que j’avais fait le bon choix. Mon engagement d’aumônier m’a donné une longueur d’avance sur mes camarades de formation qui, eux, devaient encore chercher des possibilités de stage dans leur Église.

Durant ces trois années, j’ai retrouvé aussi le plaisir de l’étude, de la rédaction de travaux, la lecture et le travail exigeant de la réflexion, sans oublier le partage et la discussion entre collègues, venant d’horizons différents.

J’ai été encouragé dans cette voie. Certains amis et collègues m’affirmaient que j’étais fait pour cela. D’autres, peu nombreux, exprimaient leurs regrets : je gâchais une belle opportunité. Comme si, pour eux, le diaconat était un deuxième choix.

Une difficulté à me situer

Cependant, tout au long de la formation, je ressens une difficulté à définir mon profil de diacre. Encore aujourd’hui, ce n’est pas évident. Il y a toujours et encore cette tentation d’une définition par la négative : je suis comme un pasteur, mais… Non, je suis diacre, pas pasteur…

À part un parcours de formation différent et peut-être une orientation tournée vers le lien entre Église et société, je ne voyais pas de grandes différences entre pasteurs et diacres. Surtout que les échos de mes compagnons de formation montraient le flou entre les deux ministères.

La formation ne m’a pas permis d’ailleurs de résoudre cette question. Elle reste toujours délicate pour moi et j’éprouve un malaise quand on me demande : c’est quoi un diacre ?

J’ai aussi rencontré des pasteurs qui avaient une fibre diaconale très marquée et des diacres qui étaient des pasteurs nés.

Dans mon ministère d’aumônerie auprès des aînés, le personnel ne s’embarrassait pas de cette nuance. Pour beaucoup, j’étais Monsieur le pasteur, voire Monsieur le curé… qui était marié. Les résidents eux non plus ne faisaient pas de différence. Sans doute, avaient-ils raison.

C’est un livre de Laurent Schlumberger, Sur le seuil, les protestants au défi du témoignage, qui m’a donné une première ébauche de réponse : être sur le seuil de l’Église, un pied dedans et un pied dehors. D’ailleurs les aumôneries portent bien cette dimension en allant à la rencontre de ceux qui ne viennent pas (ou plus ou pas encore) à l’église.

Une part en soi ou comment tu choisis la bonne part

C’est une collègue qui a eu les mots libérateurs. Elle me répondit, alors que je partageais ma difficulté : chacun de nous porte une part de féminin et de masculin en soi. C’est pareil, nous les diacres avons une part du pasteur, comme nos collègues pasteurs portent une part diaconale.

Ainsi, il n’y a plus à choisir ni à tenter une définition qui exclurait l’un des ministères au profit de l’autre. Je suis diacre et pasteur. À différents moments, je me sens plutôt diacre dans l’accompagnement, la mise en route de projet. À d’autres moments, je prends un rôle de pasteur en célébrant un culte ou en présidant un service funèbre, par exemple. Ce dernier étant, et quoi qu’on en dise, un acte diaconal : il s’agit de s’adresser à une assemblée aux croyances diverses, à donner un message à la fois clair et ancré dans le quotidien de la vie, à accompagner des émotions, à collaborer avec des acteurs civils…

Mon rôle de responsable à La Margelle, lieu d’écoute et d’accompagnement en Ville de Neuchâtel allie également ces deux facettes de ma personne. J’y vis des aspects très pratiques liés à la bonne marche du lieu et au bien-être de l’équipe et j’accompagne spirituellement les bénéficiaires, faisant parfois du catéchisme d’adulte et de la théologie pratique.

Il ne me faut plus choisir

Arrivé à La Neuveville, j’imaginais être à nouveau confronté à la question : et un diacre, c’est quoi ? Mais non, cela ne s’est pas produit. Les paroissiens, pour la plupart, me saluent et me reconnaissent comme diacre.

La mission et notamment la célébration de services funèbres ont révélé que, pour l’Église cantonale bernoise, il y a une stricte séparation entre pasteurs et diacres. Cela tient à une compréhension différente entre alémanique et francophones. Du côté alémanique, c’est l’engagement social qui est mis en avant. Du côté romand, on privilégie une définition à géométrie plus variable. Mais, les choses évoluent et bougent. Depuis peu, la pandémie aidant, les diacres francophones bernois sont reconnus et autorisés à célébrer des services funèbres.

Il n’y a plus de question à avoir

J’ai un peu hésité quant au titre de cet article. Finalement, je retiens celui-ci : faudrait-il choisir ?

Et je peux conclure en répondant que je n’ai plus à choisir entre pasteur et diacre, puisque je suis les deux. Cela me rappelle une remarque de la commission de consécration de l’EREN : « Tu es un diacre atypique avec une forte couleur pastorale. » Ça me va bien.

Finalement, ce qui est essentiel, ce n’est pas tant de me battre pour savoir ou faire savoir que je suis diacre, mais bien ma manière d’être au service du Christ et de mes prochains. Si j’ai une fibre pastorale, eh bien tant mieux. Un ami et collègue, dans un commentaire Facebook, parle de sa manière de porter l’habit de la fonction et de la foi plutôt que d’être lui-même l’habit. J’aime beaucoup cette image : ce n’est pas l’habit qui fait le diacre, mais le serviteur porte bien l’habit. Qu’il soit pastoral ou diaconal, d’ailleurs.

Je partage Itinéraire diaconal par Maurice Gadriol. Ce texte de 1994 (!) garde toute son actualité, voire inspire une manière de considérer les divers ministères et engagements non comme des concurrences ou des « chasses gardées », mais comme une diversité bienvenue pour la communauté. C’est d’ailleurs cette diversité qui donne vie à la communauté.

Cet article a suscité des réaction sur Facebook. Ceux-ci se focalisant plutôt sur des questions de la formation, je les reproduirai en commentaires ci-dessous.

 

Image par Free-Photos de Pixabay

 

 

Retour vers le passé

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Billet un brin défaitiste ou réaliste

Depuis quelques jours, on entend parler de déconfinement.  On se réjouit de retrouver sa coiffeuse, son médecin, et même son dentiste. En même temps, on a vu apparaître le #retouràlanormale, alors qu’avant, en pleine crise, on espérait le retour à l’essentiel.

On avait dit que tout changerait

Que restera-t-il d’essentiel ? Que retiendrons-nous de ces semaines passées à la maison ? Auront-elles un impact sur notre vie d’après ?

Pas si sûr. J’espérais encore il y a peu qu’on changerait nos habitudes de consommation, mais je constate que ce sera plutôt un retour à la normale qui nous attend.

À la fin du mois d’avril, on a vu ces automobilistes faire la queue devant les Mc Do pour acheter des hamburgers. Certains ont attendu jusqu’à deux heures avant d’acheter enfin l’objet de leurs rêves, comme le relève la Tribune de Genève sur son site (consulté le 1er mai 2020).

On se promettait que la solidarité perdurerait, qu’on ferait attention à garder plus d’humanité désormais et que l’économie ne dicterait plus notre société. On avait dit… Et pourtant, dès que l’étau se desserre un peu, voilà qu’on court acheter ce qui est l’archétype de la société de consommation.

Acheter un burger n’a rien d’essentiel, enfin je crois, mais c’est le signe qu’on retrouve un rituel. Le burger est un signe que nous retournons à la normalité denos vies. C’est la même chose pour les jardineries et les magasins de bricolage. S’occuper enfin de son jardin laissé en friche ou s’attaquer à la peinture du corridor disent que nous retrouvons des activités normales. Enfin.

Aller chez sa coiffeuse chaque semaine, boire son café tous les matins au bistrot du coin, consulter son médecin une fois par mois pour être sûr que tout va bien n’est pas essentiel. Mais, cela me dit que ma vie est normale. Ce sont des repères. Et ils ont été bouleversés depuis plus d’un mois. On a un peu perdu pied. Il  s’agit de retrouver sa stabilité. Et même si beaucoup affirmaient qu’il y aurait un avant et un après, je constate qu’il n’est pas si facile de changer ses bonnes vieilles habitudes.

C’est peut-être cela l’essentiel : des repères qui me disent que ma vie est normale.

Mais alors, où sont passées nos bonnes résolutions du mois d’avril : moins de consommation, moins de superflu, plus d’essentiel ? Envolées !

http://https://youtu.be/V9Po8lSIKww

Qu’est-ce qu’on attend au fond ?

Ce qu’on attend, ce n’est pas tant un retour à l’essentiel qu’un retour à la normale, à la vie d’avant le 13 mars 2020. Là où il était possible de passer une soirée entre amis dans un bar, manger des hamburgers entre copains dans l’enseigne au clown jaune. On n’attend plus que ce moment de se prendre dans les bras et de trinquer à moins de deux mètres distance. On aimerait tellement se réveiller et pouvoir se dire : « Ouf, ce n’était qu’un mauvais rêve. Tout va bien ! »

Retour à la normale. Le slogan n’est pas nouveau. En préparant ce billet, j’ai trouvé cette affiche sur ce site.

Elle date de 1968. Elle est un appel après les événements de mai à revenir à la normale. L’image est éloquente : des moutons marchant tous dans la même direction, tête baissée.

Je me disais, il y a un mois, qu’on risquait bien de retomber dans nos travers. Aujourd’hui, je suis certain, à quelques exceptions près, que nous allons tout droit les retrouver, nos travers, nos habitudes, nos esclavages de toutes sortes qui nous faisaient nous plaindre : pas le temps, pas les moyens. Si seulement je pouvais souffler… J’espère me tromper. Vraiment. Mais…

Christ nous a rendus libres pour que nous connaissions la vraie liberté. C’est pourquoi tenez bon et ne vous mettez pas à nouveau sous le joug de l’esclavage.  – Galates 5,1.

Qu’est-ce qui restera ?

Je ne peux pas le dire. Mais, j’imagine que des commerces ne rouvriront peut-être pas. Une vigilance quant aux distances sanitaires, à la désinfection des mains et des files d’attente deviendront certainement de nouvelles normes. Mais, sur le fond, je crois que nous allons retourner vers le passé. Nostalgie, quand tu nous tiens !

Un mot encore de nos vies de paroisses qui ont, elles aussi, été profondément impactées : nous sommes nombreux dans l’Église à avoir lancé des initiatives nouvelles à lire, à écouter, à regarder notamment sur les réseaux sociaux. Celles-ci ont touché plus largement que le cercle de nos paroissiens habitués ; nous en avons eu des échos positifs. Nous espérons qu’il en restera quelque chose. Que ce ne sera seulement une « créativité pour temps de crise » qui sera remisée dans un coin, parce qu’on pourra à nouveau nous retrouver, nous embrasser, nous serrer la main… Comme avant.

Tout cela risque bien d’arriver, si nous nous contentons de nous reposer sur un « oreiller de paresse » et espérer un monde meilleur.

Aurais-je perdu tout espoir d’un monde meilleur ? Non, mais cette liberté à faire et à être autrement est dans nos mains. Il ne tient qu’à nous que cela change. Mais, ce ne sera sans doute pas facile.

Qui a prétendu que changer le monde était facile ?

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Ce que j’imaginais avant d’être diacre

Disons-le d’entrée : enfant, je ne rêvais pas de devenir diacre, comme d’autres rêvent d’être pompier, policier, infirmière ou maîtresse d’école. Ce sont des rencontres et des circonstances, à différents moments de ma vie, qui m’ont amené à ce choix. Ces « moments-clés  » ont  aussi eu un impact sur ma foi, j’y reviens en fin d’article.

Pour l’instant, intéressons-nous à ce que j’imaginais du diacre. Ma perception était forcément empreinte de ce que j’ai vu en en côtoyant un en particulier, que nous appellerons Charles.

Un portrait multiple

Je reviens sur mes premiers contacts avec le diacre Charles et les autres occasions où j’ai été amené à le rencontrer. Ces retours sur images me semblent intéressants, car ils montrent à la fois la diversité du diaconat, son potentiel de créativité, que j’ai pu expérimenté moi-même plus tard, et la difficulté à définir le diacre par un seul rôle bien délimité.

L’enseignant

C’est à l’école secondaire que j’ai fait pour la première fois la connaissance d’un diacre, en la personne de Charles. Il venait dans la classe donner la « leçon de religion ». Il ressemblait aux autres profs. Son cours ressemblait à celui de français, d’histoire ou de math, même si nous étions moins nombreux. Nous suivions le programme d’un livre sur la vie de Jésus. En essayant d’y repenser aujourd’hui, je constate que cette époque ne m’a pas laissé un souvenir mémorable.

Le maître de cérémonie

La deuxième fois, ce fut beaucoup plus tard, au décès de ma mère. Charles est venu à la maison, nous rencontrer, mon père et moi, pour préparer la cérémonie. Deux jours plus tard, il célébrait les adieux.

Ensuite, et plusieurs fois, je l’ai entendu présider un culte du dimanche. À la sortie, alors qu’il saluait les paroissiens, certains laissaient échapper : « Merci, Monsieur le pasteur.« , « À bientôt, Monsieur Charles ».

Le visiteur

La troisième occasion a été dans un home pour personnes âgées ou j’étais bénévole. Charles le diacre s’approchait des résidents, les saluait, parlait du beau temps. Il prenait des nouvelles de la famille ou s’inquiétait des enfants de telle ou telle soignante. Il ne parlait pas beaucoup ni de religion ni de Dieu. Il célébrait des cultes dans ces institutions pendant la semaine. Il m’expliquait qu’il allait aussi rendre visite à des personnes âgées à domicile et quand elles fêtaient un « grand » anniversaire.

Plus tard encore, j’ai rencontré d’autre diacres, souvent retraités. Ils et elles m’expliquaient qu’ils, ou elles, avaient été aumônier à l’hôpital ou dans les  prisons. Ils avaient fait beaucoup de visite. Ils faisaient, ou avaient fait, peu ou prou ce que faisait Charles.

Le chef de projet

Une femme, parmi les premières diacres de Suisse romande, m’a raconté sa difficulté, à l’époque, à être reconnue d’abord par ses collègues pasteurs (tous des hommes). Elle a mené à bien son projet  d’ouvrir un atelier de couture pour chômeuses en fin de droits et permis ainsi à celles-ci de vendre leurs travaux et retrouver de leur dignité.

Voilà les facettes du portrait du diacre que j’avais découvertes en commençant la formation. Mais celle-ci n’était pas une évidence au moment de choisir un métier.

Pas mon choix professionnel…

Au terme du catéchisme, je ne rêvais pas d’embrasser la vocation de diacre, non. Je me dirigeais vers l’école de commerce, parce que ça ouvrait de nombreuses portes.  Adolescent, j’avais encore de sérieux doutes sur ce à quoi je croyais, des questions sans réponse. Je n’étais pas certain que l’Église puisse me donner les réponses ou les clés que j’attendais.

Une longue partie de ma vie s’est donc passée à distance de l’Église. Ce n’est qu’à la fin de la trentaine, que j’ai renoué avec une vie paroissiale et l’envie de me remettre aux études. Parmi les propositions, il y avait le parcours des Explorations théologiques. Je m’y suis lancé, sans trop savoir où cela me mènerait.

Mais une opportunité à saisir

Une opportunité professionnelle dans l’EREN m’a permis de songer plus sérieusement à devenir diacre et de prendre une nouvelle direction. Parce qu’aider est inscrit dans mon ADN. Parce que j’aime les gens. Parce que les Explos m’ont donné des clés de lecture de la théologie, de la vie et de l’humain. Parce que je pensais pouvoir aider et accompagner au nom de l’Église.

Cette formation, ou plutôt mes formations parfois parallèles, parfois successives, m’ont laissé, elles, des souvenirs mémorables.

Mes premiers pas de diacre m’ont alors conduit à habiter les différents rôles énumérés ci-dessus. Je reconnaissais Charles dans le diacre que je devenais.

Plusieurs cordes à jouer

J’ai animé un groupe de préadolescents, avec le soutien d’autres moniteurs. J’ai aimé suivre et accompagner les jeunes dans leurs questions pertinentes et leurs interrogations.

J’ai célébré des cultes, avec le diacre Charles pour accompagnant. J’ai aimé partager ce que les textes bibliques peuvent nous dire, comment ils peuvent nous aider à vivre. Après une formation de terrain, j’ai accompagné des familles endeuillées et présidé des services funèbres. Puis, ce furent des couples souhaitant la bénédiction de leur mariage. Enfin, le baptême.

J’ai rendu visite à des aînés dans les homes. J’ai aimé ces moments où, en parlant de ce qui est là, on tisse une confiance et on se sent vivant.

J’ai fait de ma formation un projet professionnel. J’ai aimé m’investir, rencontrer d’autres diacres en formation, venant de milieux différents.

Ce que je fais correspond (presque) à ce que j’imaginais

Finalement, mon parcours m’a amené à reproduire ce que j’ai vu. J’ai fonctionné selon des schémas connus, parce que je les avais déjà rencontrés. J’ai habité de l’intérieur une profession que je voyais de l’extérieur. J’ai expérimenté la diversité des engagements et leur potentiel de créativité, parce que tout n’est pas écrit.

J’ai encore approché la présence auprès des gens de la rue et une implication dans des groupes de travail autour du soutien aux proches-aidants.

Il y a eu cependant une surprise : les  attributions du diacre ne sont pas identiques dans toutes les Églises réformées. Je l’avais appris en théorie lors de la formation. J’y ai été alors  confronté en passant de Neuchâtel à Berne. Cela aurait-il été différent si j’avais été pasteur ?

À ce propos, la question de devenir pasteur ou diacre s’est posée et j’y reviendrai dans un prochain article.

Aujourd’hui, dans la paroisse de La Neuveville, je suis un peu le touche-à-tout, et un peu plus attentif à la communication et au site internet, parce que cela m’intéresse. Mon engagement actuel me laisse cet espace de créativité que j’imaginais, et que j’espérais aussi.

Et ma foi dans tout cela ? (paragraphe un peu plus spirituel)

Dernier point annoncé : l’impact sur ma foi personnelle. Ces rencontres au fil du temps ne m’ont pas seulement amené à envisager une reconversion professionnelle, elles ont eu un impact sur ma relation à Dieu. Adolescent, Dieu m’était lointain.

Les personnes que j’ai eu la chance de rencontrer plus tard, lors de mes formations, aussi dans les homes, à l’hôpital, en paroisse, au lieu d’accueil de la rue, à La Margelle m’ont fait  prendre conscience d’un Dieu proche de nous. Elles m’ont appris à le chercher. J’ai approché la présence du Divin dans la confiance partagée, dans les pourquoi, les compagnonnages de toutes sortes, aux limites de l’existence.

J’ai reconnu la proximité de Dieu dans l’humain. Aujourd’hui encore, je prends de plus en plus conscience que si « nous sommes (faits) à l’image de Dieu », alors il doit bien nous ressembler aussi. Et que, en fin de compte, si c’est un Dieu incarné que j’annonce, alors il ne doit pas être loin.

Dieu n’est pas la réponse à toutes mes questions, mais j’ai pris conscience qu’il pouvait se révéler au travers de celles-ci, d’autant plus si elles sont partagées. J’ai tenté d’en dire quelque chose dans mon roman MATTAÏ.

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Mes pensées confinées

Ce billet a bien failli ne pas voir le jour à temps. En effet, en lançant mon Billet du dimanche, j’imaginais avoir chaque semaine un matériau suffisant à disposition pour écrire quelque chose. Mais, cette semaine, rien ou si peu. J’ai un peu épuisé Pâques, et on n’y est plus.

Je me suis alors demandé : puis-je ne rien écrire, juste cette semaine ? Mon billet est-il espéré, attendu ? Son absence soulèverait-elle des réactions indignées… ?

Le confinement dans la tête

C’est alors que ma femme m’a soufflé l’idée : tes idées sont aussi en confinement ! Voilà, un bon début. Elles ne sortent pas. Il y a comme un vide. Surtout que cette remarque rejoint une discussion que j’ai eue la semaine passée. J’aurais pu en faire un podcast, à l’invitation de ce billet de theologique.ch, et ainsi sortir de ma zone confort. J’ai préféré y rester confiné, au moins aujourd’hui. Ne m’en veuillez pas. Soyez indulgents.

Cela fait maintenant 40 jours que nous sommes isolés les uns des autres. Quarante jours, cela ne vous rappelle rien ? La quarantaine, bien sûr. Mais aussi un temps de carême après l’heure. Ce temps qui habituellement invite à mettre de côté certains remplissages de notre mode de vie : moins de télé, de chocolat, de café, de cigarettes, de réseaux sociaux pour retrouver plus d’essentiel. Cette quarantaine nous a imposé de nouvelles manières de vivre le quotidien, en renonçant à ce qui en faisait le sel. Peut-être aussi que ce temps nous fait découvrir le vide qui se creuse dans nos journées et dans notre être. Se pose alors la question : comment le combler, ce vide, si vide il y a ? Comment est-ce que je retrouve du sens avec ce que je fais, peux faire ou ne peux plus faire.

Mille manières de vivre ?

Il est évident que cette pandémie et ses mesures n’ont pas le même sens pour chacun. Une infirmière aspirera certainement à pouvoir souffler et se reposer, alors qu’une coiffeuse piaffe d’impatience de pouvoir reprendre ses activités.

Certains enfants attendent le 11 mai pour retourner à l’école et retrouver leurs copains, alors que d’autres voient ce temps comme des vacances à prolonger.

J’ai pu entendre des parents se plaindre de ne plus avoir une seule seconde, jonglant entre télétravail et école à la maison, tâches ménagères et courses, et pas moyen d’envoyer les gosses chez leurs voisins quand ils deviennent insupportables. Et si ce sont les voisins qui le sont, c’est encore pire. Le risque d’épuisement n’est pas loin !

Pour ma part, mon quotidien a un peu changé, j’en ai parlé dans ce billet, mais fondamentalement, je continue à parler à des gens, à préparer des cultes, à communiquer, à participer à des réunions, à célébrer parfois des cérémonies d’adieux. Je trouve même une commodité certaine à travailler à distance, à la maison.

Le vide, une angoisse ou un besoin ?

Comme il est bienfaisant aussi de prendre une pause dans sa journée. C’est même essentiel. Heureusement que ma femme est là pour me le rappeler de temps à autre : Y a pas que le travail ! Et toc ! Elle a raison…

Le travail à domicile, j’y suis habitué, mais maintenant, il prend plus d’ampleur. Alors, ai-je le droit de ne rien faire, et sans culpabiliser ? L’une de mes estimées collègues, Laure Devaux, répond en vidéo à cette question. Vous trouverez le texte sur son blog.

Et voici, enfin, la question qui m’a habité cette semaine : si les activités habituelles ne sont plus possibles, comment est-ce je remplis ma vie ? Si le travail, les rencontres, les déplacements, les objectifs sont reportés à « aussi tôt que possible, mais aussi tard que nécessaire », qu’est-ce qui me reste ?

Êtes-vous prêts ?

Suis-je prêt, préparé, disposé à accueillir ce vide ? Avec quoi vais-je le remplir ? Ne rien faire, est-ce une manière de remplir ce gouffre qui s’ouvre devant moi  à certains moments de ma semaine ?

La manière dont je vis ces journées en dit long sur ce qui est important dans ma vie, ce à quoi je tiens, ce à quoi je suis prêt à renoncer. Et encore, je n’ai pas renoncé à grand-chose, contrairement à d’autres qui ont vu leurs habitudes bouleversées de fond en comble.

Voilà. Mine de rien, j’ai écrit ce billet, un peu plus de 700 mots. J’ai rempli mon vide et ma mission pour aujourd’hui. Et vous ? Comment allez-vous ? Comment vivez-vous et remplissez-vous ce temps ? Vos commentaires sont les bienvenus.

Bonne semaine.

Un autre article pour poursuivre la réflexion : Burn-out.

 

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