Prédication du culte du 3e dimanche du temps de l’Avent, 15 décembre 2024, au temple de Corcelles (NE). Organiste du jour : Maryclaude Huguenin
Textes bibliques : Lettre aux Galates 3, 21-26 et Évangile selon Luc 3, 10-18.
Image de couverture : Crèche de Noël confectionnée par V. Widmer et une équipe de la paroisse.
Un enregistrement vidéo est disponible pendant quelques semaines sur la page Facebook de la paroisse de la Côte : Paroisse de la Côte – EREN | Facebook
Chers Amis,
Nous avons tous expérimenté cette situation un brin gênante, que ce soit dans une salle d’attente, à l’église ou dans la file du cinéma. Nous sommes accompagnés d’enfants – parfois un seul suffit – et nous attendons que le temps passe, que l’orgue se mette à jouer ou qu’arrive notre tour. On a bien prévu des feuilles et des crayons, un petit jeu silencieux, le défi de compter les punaises sur le mur, les poissons dans le filet de l’image du vitrail, les voitures rouges, rien n’y fait, arrive ce moment tant redouté où le bambin s’adresse à nous d’un air plaintif et à grands cris : « On fait quoi, maintenant, c’est trop long ! » « Eh bien, mon chéri, on attend… Et sagement s’il te plaît. » Bon, ça marche moyennement… Mais ça dit bien qu’il y a des attentes qui durent et que la perception du temps n’est pas la même selon la taille et l’âge de celui qui attend.
Textes de la narration et de la prédication du culte du dimanche 17 novembre 2024 au temple de St-Aubin.
Textes bibliques : Premier livre des Rois 17, 10-16 et Évangile de Marc 12, 38-44.
Ce dernier texte a inspiré Myriam Leresche pour le tableau en couverture.
Jean-Philippe Schenk à l’orgue
Chères Amies et Chers Amis,
J’ai fait le choix, audacieux sans doute, de me mettre dans le rôle de cette veuve du Temple de Jérusalem. Je prends le risque de parler à sa place, de visiter les pensées qui auraient pu être les siennes. C’est subjectif, évidemment. Et vous avez le droit de penser autrement. Ensuite, je vous partagerai une courte réflexion.
Alors, je vous invite à la rejoindre, cette veuve, dans l’agitation de ce jour-là au Temple de Jérusalem. Vous la voyez ? Vous l’entendez ? Tendez l’oreille…
Prédication du Dimanche des réfugiés au temple de Corcelles (NE) le dimanche 16 juin 2024.
Enregistrement audio a posteriori.
Il y a quelque temps, le président du Conseil synodal de l’EREN, Yves Bourquin, a signé une chronique dans le journal Réformés avec ce titre « Prendre la Bible à la lettre ou la prendre au sérieux ! »J’ai aimé ce titre et j’ai apprécié ce qu’il en disait. Car, oui, nous avons le choix de lire la Bible au pied de la lettre, au mot près, ou avec un regard critique, la prenant au sérieux et ce n’est pas tout à fait pareil. Ce qu’elle dit a du sens et donne du sens à nos vies, à nos engagements et à notre foi.
Deux manières (au moins) de lire la Bible
La Bible est un magnifique panorama de témoignages d’hommes et de femmes en lien avec Dieu en des temps et des circonstances particulières et diverses. Ce qu’ils et elles disent a donc valeur de vérités, pour autant qu’on garde en mémoire le pourquoi de leurs propos. Cette précaution prise, on pourra alors extrapoler et se questionner en quoi ces témoignages – fort anciens – peuvent être encore pertinents pour nous aujourd’hui. Il ne s’agit pas de faire du « copier-coller » sans réfléchir, mais de faire preuve de sérieux dans la lecture de la Bible et son interprétation.
Une autre manière d’approcher les Écritures est de les lire au pied de la lettre, au plus près des mots. Et l’histoire humaine a été parsemée de ces interprétations littérales. Aujourd’hui encore, il n’est pas rare qu’« on » tire un verset, comme un magicien un lapin de son chapeau et qu’on lui fasse dire surtout ce qu’on veut, sous le prétexte que c’est dans la Bible. Donc, parole d’Évangile !
Attention, ce n’est pas très sérieux et à ce petit jeu, on peut vite se brûler les doigts.
Accepter un texte jusqu’à ses mots les plus durs
C’est à dessein que j’ai choisi, entre les deux textes proposés ce dimanche par l’EPER celui du psaume 137. J’aurais pu, j’aurais dû peut-être, me réfugier dans ma zone de confort et m’attarder sur le texte des disciples d’Emmaüs (l’autre référence proposée).
Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions en nous souvenant de Sion. Nous avions suspendu nos harpes aux saules du voisinage. Là, ceux qui nous avaient déportés nous demandaient des chants, nos oppresseurs nous demandaient de la joie: «Chantez-nous quelques-uns des chants de Sion!» Comment chanterions-nous les chants de l’Eternel sur une terre étrangère? Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite m’oublie! Que ma langue reste collée à mon palais, si je ne me souviens plus de toi, si je ne place pas Jérusalem au-dessus de toutes mes joies! Eternel, souviens-toi des Edomites! Le jour de la prise de Jérusalem, ils disaient: «Rasez-la, rasez-la jusqu’aux fondations!» Toi, ville de Babylone, tu seras dévastée. Heureux celui qui te rendra le mal que tu nous as fait! Heureux celui qui prendra tes enfants pour les écraser contre un rocher! Psaume 137
Mais non ! J’aurais pu, j’aurais dû peut-être, comme souvent, ôter de la lecture le dernier verset du psaume 137. Parce que, comment la Bible, la parole de Dieu, peut-elle inciter à écraser des enfants contre un rocher ? Ce doit être une coquille de copistes… Ce n’est pas sérieux !
Si j’avais fait cela, si j’avais « édulcoré » ce psaume, je n’aurais pas été fidèle au texte. J’aurais sans doute fait dire à la Bible ce que j’avais envie d’entendre, ce que je voulais qu’elle me dise. Je l’aurais sans doute trahie. Alors, j’ai assumé ce texte, je l’ai pris au sérieux jusqu’à son dernier mot.
Les psaumes de l’existence humaine
Il vaut la peine de se souvenir que le livre des Psaumes est un recueil de prières, sous formes de chants dont nous avons perdu la mélodie. Nous en avons d’autres arrangements dans les gospels ou nos recueils de cantiques. Ce sont des prières donc ; des mots, certes, mais surtout qui traduisent des émotions ressenties par des femmes et des hommes en des circonstances particulières : des moments joyeux, alors il nous faut louer Dieu. Des peurs, des angoisses, recherchons en Dieu un abri, une protection. La conscience de la grandeur du ciel et de la petitesse de l’humain, rendons gloire à Dieu pour la beauté de sa création. Le recueil des psaumes est un magnifique panorama de l’âme humaine élevée vers Dieu. Un peu un condensé de toute la Bible.
Et parmi les circonstances de l’histoire et de la vie, il y en a qui conduisent au désespoir. Souvenons-nous : le peuple de Dieu a été capturé et emmené en exil à Babylone, loin de sa terre promise. Et là, plus l’envie de chanter ni de faire vibrer les harpes ni résonner les instruments. Plus l’envie de danser ni de rire. On se souvient d’où l’on vient. On voit où l’on est. On subit le mépris et l’arrogance des plus forts ! Comment alors célébrer la vie sur la terre de ceux qui nous ont arrachés à nos racines et nous ont contraints à vivre dans cet ailleurs ? Voilà ce qui devait habiter les pensées des exilés à Babylone. Voilà ce qui doit aussi habiter les pensées de tous ceux qui ont dû fuir à leur tour leurs terres d’enfance vers un ailleurs qu’ils ne voulaient pas.
Dans ce désespoir, dans cette nostalgie, surgissent alors des émotions : tristesse, bien sûr, colère sûrement. La colère fait naître la haine : on en veut à ceux qui nous ont arrachés à notre terre. On aimerait qu’ils connaissent le même sort, en pire.
On en vient à la vengeance : on se réjouirait de celui qui rasera à son tour Babylone l’envahisseur, qui écraserait ses enfants contre les rochers ! Des mots qui traduisent des émotions !
Quel Dieu prie-t-on au fait ?
Aujourd’hui, ce texte nous est difficilement audible. Il grince à nos oreilles, parce qu’il vient bousculer notre image d’un « bon » Dieu, aimant, qui offre sa grâce à tous et à chacun sans exception qui appelle jusqu’à aimer ses ennemis. Oui, certes. Mais, ce Dieu-là est aussi celui que l’on prie, à qui l’on se confie et à qui on confie ses émotions. Et comment nous confier à lui, lui Dieu, sans être vrais, authentiques, avec nos blessures, nos colères, nos regrets, nos rages ?
Combien de pourquoi : « Pourquoi Dieu a-t-il permis les massacres d’innocents ? » Cette question est légitime. Nous n’avons souvent pas de réponses convaincantes. C’est alors dans cette impuissance à justifier quoi que ce soit que nos émotions peuvent monter vers Dieu dans nos prières.
Dieu est cette oreille ultime, quand il n’y a plus personne pour écouter, quand il n’y a plus rien à espérer. Dieu ne rejettera pas celui ou celle qui se tourne vers lui en toute sincérité. Être vrai et sincère, c’est se présenter devant Dieu sans artifice, conscients que nous avons besoin de son écoute, de sa grâce, de son pardon, de son amour. Peut-être encore plus quand nous vivons des situations traumatisantes.
L’accueil au centre
Comme en écho, il y a l’accueil de Jésus pour les petits enfants, ceux que les disciples essayaient d’éloigner.
Des gens lui amenaient même de tout petits enfants afin qu’il les touche, mais les disciples, en voyant cela, leur firent des reproches. Jésus appela les enfants et dit: «Laissez les petits enfants venir à moi et ne les en empêchez pas, car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. Je vous le dis en vérité, celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera pas.» Évangile selon Luc 18, 15-17
En ce temps-là, ils n’avaient pas grande valeur, considérés plutôt comme des bouches à nourrir et des fardeaux plutôt que des aimés de Dieu. Jésus les reprend, les disciples : « Laissez venir à moi ces petits enfants ». Et nous aimerions que les enfants trouvent cette oreille attentive et cette confiance auprès d’un parent, d’un ami.
Dans ces relations qui se construisent peu à peu, il y a toutes sortes d’émotions du rire aux larmes, de la reconnaissance à la colère, de la défiance à la confiance. Peut-on seulement imaginer tout le chemin émotionnel traversé par celles et ceux qui ont dû abandonner leur famille, leur pays, leur quotidien.
C’est sérieux !
Sur chacune de ces personnes accueillies ou accueillantes, Dieu veille et pose une main bénissante. Il soutient les gestes de fraternité et d’humanité, il accueille toutes – vraiment toutes – les prières et souffle la paix dans les cœurs. Ainsi, avec nous, il fait advenir son Royaume aujourd’hui déjà. Car, Dieu nous prend au sérieux. Ce ne sont peut-être que des mots dits comme cela devant vous. Et c’est sans doute facile de le croire pour nous qui sommes ici, loin des champs de bataille.
Mais quand même, l’amour et le souci que Dieu témoigne à chacune et chacun, ça, nous pouvons le prendre au sérieux. Amen.
Prédication lors de la célébration oecuménique sur la Place de la Liberté de La Neuveville le dimanche 26 juin 2022. La thématique retenue était l’attente : « Vous êtes attendus », telle était l’invitation donnée largement ce jour-là.
« Et vous, qu’attendez-vous de moi ? » C’est la question que j’ai posée à mes collègues lors de la préparation de cette célébration oecuménique. Pour toute réponse, il y a d’abord eu un long silence. Puis, cette proposition : « Et si tu nous parlais des attentes de Dieu ? » Merci les collègues ! La réponse à cette question n’était de loin pas évidente. Et j’aurais pu lire des livres de théologie, pour tenter d’esquisser une réflexion sans doute compliquée. Mais j’ai préféré puiser quelques pistes à partir de mes expériences vécues, et notamment de mon engagement à La Lanterne, l’aumônerie de rue oecuménique en Ville de Neuchâtel. Et en y réfléchissant, il m’est venu ce texte biblique :
Jésus savait que le Père avait tout remis entre ses mains, qu’il était venu de Dieu et qu’il retournait vers Dieu. Il se leva de table, quitta ses vêtements et prit un linge qu’il mit autour de sa taille. Ensuite il versa de l’eau dans un bassin et il commença à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait autour de la taille (…)
Après leur avoir lavé les pieds, il reprit ses vêtements, se remit à table et leur dit : Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous avez raison, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres, car je vous ai donné un exemple afin que vous fassiez comme je vous ai fait. En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n’est pas plus grand que son seigneur, ni l’apôtre plus grand que celui qui l’a envoyé. Si vous savez cela, vous êtes heureux, pourvu que vous le mettiez en pratique.
Une méditation à propos de la parabole du bon Samaritain.
En préambule, une citation paraphrasée de Martin Luther King :
L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La tristesse ne peut pas chasser la tristesse, seul l’amour le peut.
Texte biblique
Il était une fois un homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho, quand il fut attaqué par des brigands. Ils lui arrachèrent ses vêtements, le rouèrent de coups et s’en allèrent, le laissant à moitié mort. Or il se trouva qu’un prêtre descendait par le même chemin. Il vit le blessé et, s’en écartant, poursuivit sa route. De même aussi un lévite [un autre religieux] arriva au même endroit, le vit, et, s’en écartant, poursuivit sa route.
Mais un Samaritain qui passait par là arriva près de cet homme. En le voyant, il fut pris de compassion. Il s’approcha de lui, soigna ses plaies avec de l’huile et du vin, et les recouvrit de pansements. Puis, le chargeant sur sa propre mule, il l’emmena dans une auberge où il le soigna de son mieux. Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, les remit à l’aubergiste et lui dit : « Prends soin de cet homme, et tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai moi-même quand je repasserai. »
Luc 10, 30-35
Message
Une histoire bien (trop) connue
On la connaît bien cette histoire, celle du bon samaritain. Elle revient à notre mémoire dès les premiers mots. Et même si c’est une vieille histoire, elle dit quelque chose pour nous ici, pour nous aujourd’hui.
En la lisant, c’est certainement la figure du samaritain, de cet étranger au peuple juif, qui retient notre attention. On s’identifie, on aimerait s’identifier à lui, à son souci de l’autre, à son dévouement, à ses gestes, à sa générosité. Et on regarde un peu vite, et de manière critique, les deux religieux qui, au nom de leurs principes, ont fait un détour. Eux, ils sont respectueux de règles et d’interdits, comme de s’approcher d’un blessé dont on sait s’il vit encore.
Eux, ils mettent la loi à la première place.
Le samaritain, lui, ne connaît qu’une loi, celle de la solidarité, celle de l’amour. Sans chercher d’abord à savoir qui est ce voyageur à demi-mort, sans chercher à connaître les circonstances de son agression, sans s’assurer d’abord qu’il est ceci et non cela, il agit… Avec ce qu’il a sous la main, ou plutôt dans les sacs sur sa mule : un peu d’huile, du vin pour soigner les plaies, une monture pour mener le blesser à l’auberge, deux pièces d’argent pour les frais… Et la promesse de revenir payer ce qui pourrait encore manquer.
C’est vrai qu’on aimerait tous ressembler à cet anonyme, qui s’est arrêté, qui a pris soin, qui a aidé et donné de son temps, de ses vivres et de son argent. Y parvenons-nous ? Nous y essayons-nous ?
Une histoire pour tous les temps
C’est une histoire qu’on connaît bien et qui parle à la plupart d’entre nous, qu’on soit fins connaisseurs de la Bible ou plus distancés des références du Grand Livre. Parce qu’avant d’être un texte évangélique, c’est une histoire de sagesse universelle.
L’épisode du bon samaritain vient aussi poser des questions, entre les lignes. Questions qu’on découvre si on prend la peine de s’arrêter un instant. Pourquoi ce voyageur a-t-il été détroussé ? Pourquoi, si Dieu, un Dieu, existe là-haut, ou là-bas, n’a-t-il rien fait pour empêcher cela ? Pourquoi les religieux n’ont-ils pas été émus par la situation tragique de ce voyageur… en bien mauvaise posture, rappelons-le, préférant passer leur chemin ?
Des questions… Encore des questions
Des questions de tous les temps. Des questions qui subsistent aujourd’hui encore, avec certainement un peu plus d’intensité à l’heure où l’humanité doit apprendre à vivre différemment. Pourquoi…
Ce texte ne répond pas à ces pourquoi. Et c’est tant mieux. Parce que la réponse appartient à chacun de nous. Ce sont nos croyances, nos convictions, nos valeurs, nos rencontres, notre vie qui orienteront la réponse, les réponses, que nous donnerons à ces pourquoi.
Mais si ce texte ne répond pas à ces grandes questions existentielles, il donne une attitude possible : oser agir. Risquer le geste qui aide, qui prend soin, se montrer solidaire. Mettre à disposition un peu de ce que nous avons pour faire du bien là où c’est à notre portée. Plutôt que d’affirmer que je ne peux pas sauver le monde – et c’est vrai – je peux faire un geste pour mon voisin, pour mon collègue, pour cet étranger, pour ce marginal, pour ce blessé de la vie. Juste ce qui est à ma portée. Pour le reste, je fais confiance à la solidarité humaine, à plus grand que soi. C’est peut-être naïf, mais je suis persuadé, je crois, que nous pouvons compter, non seulement les uns sur les autres, mais aussi sur plus que nos propres forces.
Et aujourd’hui en particulier, nous sommes confrontés à des questions dont la réponse n’est évidente pour personne : la vie, la maladie, la souffrance, la mort et après…
La vraie question à se poser est certainement celle-ci : plutôt que de se demander s’il y a une vie après la mort, demandons-nous comment nous vivons avant la mort.