Au commencement : la confiance

À la veille de la fête de l’Ascension, j’ai présidé une cérémonie d’adieux. Reprenant le verset biblique choisi par la défunte, Jean 3,16, je le mets en lien avec d’autres paroles de ce même évangile.

Lectures bibliques :

Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue (…)

Personne n’a jamais vu Dieu : Dieu, le Fils unique qui vit dans l’intimité du Père, nous l’a révélé.

Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.

Évangile de Jean 1, 1-5.18 et 3, 16-17

Au commencement, il y a cet insaisissable

Au commencement de toute vie,  il y a un cri, celui du nouveau-né qui naît au monde. Il nous est impossible de l’emprisonner dans nos mains, ce cri, pour le garder et pourtant, une mère, un père, ne l’oublieront jamais.

Toute relation commence par une parole, parfois dite avec des mots, parfois exprimée par un regard ou un geste. Cette parole est tout aussi insaisissable et, pourtant, elle restera gravée dans le cœur toute sa vie durant. Il y a des paroles porteuses de vie. Il y en a d’autres qui blessent, qui tuent aussi. Les unes comme les autres peuvent accompagner, construire ou ruiner une vie. Fonder ou mettre à mal la confiance en soi et aux autres.

La confiance, justement, est encore de ces choses insaisissables et tellement vitales. On ne peut pas la serrer dans sa main, tout comme l’air que nous respirons ou la lumière qui nous fait du bien. Et pourtant, nous ne pouvons pas nous en passer.

Toute la foi, toute la relation au Dieu de Jésus-Christ est affaire de confiance. On ne peut pas l’imposer, elle ne peut qu’être éprouvée, suggérée, donnée et reçue. Sur quoi fondons-nous notre confiance en Dieu ? Sur des témoignages que les Écritures nous ont transmis au fil des siècles, sur des paroles de Jésus et de ceux qui sont venus à sa suite, sur des mots. Et on le sait, les mots peuvent paraître bien dérisoires parfois. Et pourtant.

Des mots, rien que des mots, plus que des mots, une certitude

«Dieu a tant aimé le monde». Des mots forts qui peuvent changer l’image de Dieu. Dieu qui, au passage, n’est pas plus saisissable que la vie, la parole ou la confiance, mais tout aussi vital. Ces quelques mots nous rappellent  que si Dieu aime, ce n’est pas en faisant le tri parmi ceux qui mériteraient d’être aimés et ceux qui ne le mériteraient pas. Dieu a aimé et aime encore le monde, l’humanité, dans toute sa diversité. A chacun, à chacune, il adresse des mots qui font du bien, qui disent son amour, qui fondent la confiance, qui sont porteurs d’une promesse. Et pour que cette promesse ne reste pas de simples mots qui se perdraient dans un gros livre qu’on affirme être La Parole de Dieu, Dieu leur a donné corps, en envoyant son Fils dans le monde. Il a fait mieux encore : il est devenu, en Jésus-Christ, notre frère en humanité, il nous a rejoints pour nous conduire à lui. En faisant cela, il nous adresse sa promesse : «afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais qu’il ait la vie éternelle». Une vie, faite de relations, que rien, même pas la mort, ne peut séparer.

Aujourd’hui, nous sommes devant le mystère et de la vie et de la mort, ce mystère qui nous échappe encore et toujours. Nous sommes face à un mystère, mais pas un vide sidéral, car je suis persuadé que Dieu, s’il ne nous donne pas toutes les réponses à nos questions, est notre réponse, du moins une réponse possible, un peu plus possible que d’autres. Il nous accompagne et nous pouvons lui adresser nos interrogations, avec nos mots, parfois hésitants, nos doutes, parfois tenaces, nos émotions, souvent indomptables.

Tenter de poser des mots sur l’insaisissable

Alors, s’il fallait garder une image, une parmi d’autres, je dirais que Dieu est cette lumière qui brille dans l’obscurité. Une lumière qui n’éblouit pas, mais qui rassure, qui donne un sentiment de sécurité, un peu comme les veilleuses dans les chambres des enfants, chassant les fantômes de la nuit. Dieu échappera toujours à toutes nos tentatives de le saisir, mais il n’en sera que plus proche et souvent, sans que nous l’apercevions. Dieu est là où nous ne l’attendons plus. Il est là où on est certain de ne pas le trouver. Il nous ouvre à la vie aujourd’hui et toujours.

Image de couverture par Sanjasy de Pixabay

Qui es-tu ?

En ce troisième dimanche du temps de l’Avent, les textes proposés nous invitent à la rencontre avec Jean, celui qu’on appelle le Baptiste. Est-il celui qu’on attendait. « Qui es-tu ? » La question lui est posée. Elle nous est posée à nous aussi dans notre marche commune vers Noël.

Accueil

Ce matin aurait pu ressembler à tous les autres matins. Et pourtant, il n’a rien d’ordinaire.

D’abord, parce que nous pouvons à nouveau et enfin nous rassembler et nous revoir. Ensuite, parce l’extraordinaire de Dieu jaillit dans l’ordinaire de nos vies. Enfin, parce que Dieu nous accueille et nous rend visite dans ce que nous vivons. Il est là, avec nous et au milieu de nous.

Ce matin ne ressemblera plus à tous les autres matins. Il a quelque chose d’extraordinaire.

Que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père, de Jésus-Christ son Fils et notre Sauveur dans le souffle et l’unité du Saint-Esprit.

Amen.

Invocation

Nous t’attendons, Seigneur notre Dieu, le cœur en éveil.

C’est par toi que nous vivons, car c’est toi qui renouvelles nos forces et notre espérance et qui donnes à notre vie son centre de gravité et son fondement.

Entends nos prières, accueille notre louange, éclaire notre vie, nourris notre foi.

Et que cette heure nous rapproche de toi et des autres, et surtout de ceux qui ne sont pas là avec nous, afin qu’ensemble, tous ensemble, nous formions la famille de tes enfants.

Amen !

Lectures

Textes du jour : Esaïe 49, 5-9 et 13 et Jean 1, 6-9 et 19-28

Voici le témoignage de Jean lorsque les Juifs envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des Lévites pour lui demander : « Toi, qui es-tu ? »

Il déclara et sans restriction affirma : « Moi, je ne suis pas le Messie. »

Ils lui demandèrent : « Qui es-tu donc ? Es-tu Elie ? »

Et il dit : « Je ne le suis pas. »

« Es-tu le prophète ? »

Et il répondit : « Non. »

Ils lui dirent alors : « Qui es-tu ? Nous devons donner une réponse à ceux qui nous ont envoyés !  Que dis-tu de toi-même ? »

« Moi, dit-il, je suis la voix de celui qui crie dans le désert : ‘Rendez le chemin du Seigneur droit’, comme l’a dit le prophète Esaïe. »

Prédication

Les temps changent… Soudain

Cette année nous a donné un autre rapport au temps. Plus de temps que nous imaginions en avoir. Ou du temps qui nous venait à manquer parfois. Souvenez-vous, quand on courait d’un rendez-vous à une réunion. Quand on essayait de « caser » une fête de famille pour que chacun soit là, jonglant avec les agendas surchargés. Quand on ne savait plus vraiment prendre du temps, du bon temps.

Et soudain, voilà du temps à accueillir, à occuper, à remplir.

Au début, c’était étrange. Il y a eu deux attitudes que j’ai remarquées : la première, celle du soulagement : « Enfin, je vais pouvoir me reposer, prendre soin de moi, faire tout ce que j’ai remis à plus tard… Les rangements, notamment ! »

Et une autre, plus angoissante : « Que vais-je faire de mes journées ? »

Mais, peut-être aussi que ce printemps, cette année n’ont rien changé à votre rythme de travail.

Alors, peu à peu, on s’est habitué à cette situation. Pas le choix. Il fallait faire avec. Alors s’est posée la question : comment passer ces journées qui soudain pouvaient se dérouler différemment ?

Relire les classiques

Peut-être en avez-vous profité pour lire ou relire des classiques de la littérature. Découvrir de nouveaux auteurs contemporains ou regarder des films et séries en ligne et en boucle !

Pour ma part, j’aurais aimé relire la saga « Les Misérables » de Victor Hugo. J’aurais aimé me replonger dans cette histoire.

Mais, le temps m’a manqué. Eh oui ! La pastorale du téléphone et la pastorale de l’écran ne m’ont pas laissé suffisamment de temps.

Alors, en cette période de l’Avent, chargée elle aussi, je me rattrape en relisant avec plaisir les textes des Évangiles qui nous préparent à Noël. J’aime le faire chaque année. Je vois ainsi le décor se mettre peu à peu en place. Je découvre l’un après l’autre les personnages qui me font regarder vers la crèche, vers l’enfant à naître, vers la lumière du monde venue éclairer nos vies.

Et parmi eux, il y a Jean le Baptiste qui n’est pas sans me rappeler Jean Valjean, le héros des Misérables. Car, tous les deux sont un trait d’union entre deux temps, entre deux tomes d’une même histoire. Jean Valjean, passant du bagne de Toulon à la haute société de Paris, sous le nom de M. Madeleine qui reste une énigme à percer pour l’inspecteur Javert.

Et Jean le Baptiste, au bord du Jourdain, qui reste pour beaucoup aussi un personnage énigmatique.

Un trait d’union : « On se disait que… Peut-être… »

Jean-Baptiste nous permet de faire le lien entre le premier Testament et le second. Il nous rappelle que c’est bien une seule et même histoire qui se joue. Mais, on se pose cette question. Mais on lui pose cette question : « Qui es-tu ? » Et Jean chasse d’un revers de main toutes les spéculations qu’on pouvait faire à son sujet. Il n’est ni le Messie, ni Elie, encore moins le prophète qui étaient attendus.

Parce qu’au temps de Jean, les promesses qui annonçaient le Messie, l’envoyé de Dieu, qui affirmaient qu’Elie allait revenir ou qu’un prophète allait se lever étaient dans toutes les mémoires.

On guettait des signes qui diraient que les choses allaient changer, que les prophéties allaient se réaliser, qu’on avait raison de ne pas désespérer, qu’on avait raison de croire toujours et encore.

Alors, en voyant Jean baptiser aux bords du Jourdain, on se dit que… On espère que … Et on veut en avoir le cœur net : « Qui es-tu ? »

Jean répond : il est une voix. La voix de celui qui crie dans le désert.

De prime abord, je voyais cette voix se perdre, emportée par le vent, ricochant d’écho en écho, dans un lieu vide. Mais, en y réfléchissant, je comprends que le désert est le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu, ce lieu qui place chacun face à Dieu et à lui-même. Souvenez-vous, par exemple, de Jésus au désert juste après son baptême par Jean, justement.

« Qui es-tu ? » Cette question n’est pas lancée en l’air, elle fait au contraire son chemin dans notre cœur et notre être, jusque dans nos profondeurs, mais aussi dans ce vis-à-vis avec Dieu qui se tient là. Silencieux vis-à-vis qui écoute.

Jean est cette voix qui rend témoignage. Cette voix qui annonce un chemin vers celui qui est la lumière du monde. Cette lumière que Dieu vient déposer dans notre monde et dans nos vies. Il annonce celui qui est déjà là, mais que personne ou presque n’a remarqué. Jean annonce que les prophéties d’Esaïe sont sur le point de se réaliser, là sous les yeux de ceux qui sont aux bords du Jourdain.

Se rappeler que Dieu n’oublie pas

Il affirme ainsi qu’on a raison de croire, de ne pas désespérer. Qu’on aurait tort de se résigner, pensant que le temps emporte tout vers l’oubli. Car on le sait, Dieu n’oublie pas !

En relisant le début de l’Évangile de Luc, on découvre que Dieu a entendu la prière du prêtre Zacharie et qu’il ne l’a pas oubliée :

Ta femme Elisabeth – dit le messager – te donnera un fils et tu l’appelleras Jean.

Jean… ce sera le Baptiste.

Je ne sais pas, mais il me plaît de croire que le vieux Zacharie avait peut-être tiré un trait sur son désir d’être père, qu’il avait abandonné l’idée, se disant que c’était sans doute trop audacieux ou trop tard de demander à Dieu une descendance. Mais rien n’est impossible à Dieu.

Jean rend témoignage. C’est-à-dire qu’il affirme une vérité. Celui qui vient, le Christ, le Messie annoncé, est aux portes du Jourdain. Jean prépare le chemin, comme on prépare jour après jour la crèche, mais il se retirera pour donner tout l’espace, toute la place à Jésus-Christ.

Tous en route…

A l’image de Jean, les personnages de la crèche que sont Joseph et Marie, les bergers, les mages venus de loin, les anges dans le ciel, tous nous entraînent à nous mettre en route, au moins intérieurement vers Bethléem. À regarder celui qui est sur le point de naître. Par leurs témoignages, parfois teintés de doutes, et c’est tant mieux, ils nous entraînent dans leur histoire qui devient alors la nôtre aussi.

Qui ne s’est pas, au moins une fois, identifié à Marie, à Joseph, à Jean Valjean ou à Cosette des Misérables ? On dirait, pour de faux…

Une histoire pour tous et qui s’adresse à tous

C’est cela qui est beau dans ces histoires : elles nous posent, chacune à sa manière, cette question : « Qui es-tu ? » « Que dis-tu de toi-même ? »

Ces histoires nous mettent face à nous-mêmes et nous invitent à regarder au-delà de ce que nous voyons, prenant conscience qu’il y a en chacune d’elles une part d’universel et en chacun de nous une part de divin.

Après Jean viendra Jésus de Nazareth qui racontera, à son tour, l’histoire de Dieu et des hommes. À Jésus, on posera cette même question « Qui es-tu ? » Dieu répondra : « Tu es mon Fils bien-aimé ».

Et Jésus mettra aussi ceux et celles qui croiseront son chemin face à cette même question : « Qui es-tu ? » Et il donnera sa réponse, celle de Dieu : « Tu es celui ou celle en qui Dieu place toute son affection ».

Je crois qu’il est bon de relire, toujours et encore, ce que nous croyons connaître, les Évangiles ou Les Misérables. Il est bon aussi d’avancer sur le chemin de l’Avent, et de la rencontre, avec cette question adressée à soi d’abord et aux autres ensuite : « Qui es-tu ? »

Amen.

Confession de foi

Ô Dieu de la vie,

Nous croyons que tu soutiens la petite flamme qui s’obstine à briller dans notre cœur.

Nous croyons que tu renouvelles notre courage quand il risque de disparaître.

Nous faisons confiance à tous les petits signes qui nous aident à attendre le jour de ta venue.

Nous croyons à la force d’une rencontre qui nous permet d’espérer les retrouvailles.

Nous avons l’espoir indestructible qu’un jour nous verrons notre sauveur.

Nous croyons en ton fils Jésus, qui vient tout fragile nous rencontrer dans la pauvreté.

Amen.

Prière d’intercession

Nous ouvrons nos mains et nos cœurs pour prier :

Seigneur,

Sur ce chemin qui nous conduit à la rencontre de ton Fils bien-aimé, apprends-nous à vivre chaque jour en servantes et serviteurs, en témoins, nous mettant à l’écoute de ta voix et à celle de nos frères et sœurs en humanité. Dans le monde, dans notre petit monde, ici, tout près, montre-nous le service que tu attends de chacun. Et donne-nous cette joie de le partager avec d’autres, eux aussi en chemin.

Seigneur,

Que notre service prenne la forme du témoignage en paroles et en actes et qu’ensemble nous portions ta lumière auprès de ceux qui ont abandonné tout espoir.  Nous te confions tous ceux qui vivent difficilement ces jours, ceux qui sont loin de chez eux, qui souffrent à cause de la maladie, de la séparation, de la solitude. Nous te confions tous ceux qui ne ménagent ni leur temps ni leurs efforts pour aider, soigner, accompagner. Rends-nous attentifs, oreilles grandes ouvertes, à leurs cris.

Faisons silence. Dans le secret de notre cœur, prions le Seigneur.

Membres d’une même famille, enfants d’un même Père, animés d’un même Esprit, nous pouvons dire, avec confiance, la prière que Jésus nous a lui-même enseignée :

Notre Père qui es aux cieux,

Que ton nom soit sanctifié,

Que ton règne vienne

Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.

Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés

Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du mal

Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire

Aux siècles des siècles. Amen

Envoi et bénédiction

Les portes vont s’ouvrir, nous allons retrouver les visages connus, d’autres que nous aurons peut-être de la peine à reconnaître, les rues de notre ville et ses vitrines décorées, la maison qui nous est familière, la peine des malades, les joies, les solitudes, les émotions à fleur de peau : la vie comme elle est.

Redis-nous, ô Père, que nous n’avons pas rêvé.

Redis-nous, ô Père, que de l’extraordinaire a jailli dans notre ordinaire.

En Jésus, tu nous fais la grâce d’une nouvelle naissance, par lui, tu nous donnes la vie pour les siècles des siècles.

Que le Seigneur de toute éternité dépose sa lumière en vos cœurs, qu’il fasse luire au plus profond de votre être la flamme de l’espérance. Ce feu qui ne s’éteint jamais.

Que le Seigneur vous bénisse et vous garde, aujourd’hui, demain et tous les jours.

Lui le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Amen.

Contre vents et marées

Texte biblique : Évangile de Matthieu 14, 22-33

22 Aussitôt après, Jésus obligea les disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive pendant qu’il renverrait la foule. 23 Quand il l’eut renvoyée, il monta sur la montagne pour prier à l’écart et, le soir venu, il était là seul.

24 La barque se trouvait déjà au milieu du lac, battue par les vagues, car le vent était contraire. 25 A la fin de la nuit, Jésus alla vers eux en marchant sur le lac. 26 Quand les disciples le virent marcher sur le lac, ils furent affolés et dirent: «C’est un fantôme!» et, dans leur frayeur, ils poussèrent des cris. 27 Jésus leur dit aussitôt: «Rassurez-vous, c’est moi. N’ayez pas peur!» 28 Pierre lui répondit: «Seigneur, si c’est toi, ordonne-moi d’aller vers toi sur l’eau.» 29 Jésus lui dit: «Viens!» Pierre sortit de la barque et marcha sur l’eau pour aller vers Jésus, 30 mais, voyant que le vent était fort, il eut peur et, comme il commençait à s’enfoncer, il s’écria: «Seigneur, sauve-moi!» 31 Aussitôt Jésus tendit la main, l’empoigna et lui dit: «Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté?» 32 Ils montèrent dans la barque, et le vent tomba. 33 Ceux qui étaient dans la barque vinrent se prosterner devant Jésus en disant: «Tu es vraiment le Fils de Dieu.»

Des navigateurs connus d’hier et d’aujourd’hui

Chers Amis, chers frères et sœurs,

Sans doute que les noms de Florence Arthaud, Laurent Bourgnon, Olivier de Kersauson, Steve Ravussin ne vous sont pas inconnus. Ceux de Christophe Colomb, Vasco de Gama ou Magellan, longtemps avant eux, non plus.

Tous ont été ou sont des navigateurs. Tous, ils ont parcouru les océans et les mers. Tous, ils ont essuyé des tempêtes, surmonté des dangers. Tous, ils ont lutté contre vents et marées. Ils sont devenus des héros… Des héros de l’impossible !

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait » a écrit, un jour, Mark Twain.

Quand je relis cet épisode des disciples dans la barque, il me vient les noms de ces navigateurs. Quand je regarde des reportages de course à la voile autour du monde, il me vient les noms de ces disciples dans leur barque, se démenant contre les flots, luttant pour ne pas chavirer. Et pourtant, ces disciples étaient pour la plupart des pêcheurs, des marins, des navigateurs aguerris. La mer, ils connaissaient, ce qui ne les empêchaient pas d’être en difficulté. De se sentir bien seuls face aux éléments.

Voilier, Bateau À Voile, Mer, Bateau

Un mot : la solitude

Quand je relis ce texte, il y a ce mot qui me vient d’abord : la solitude. Celle de Jésus qui, après avoir rassasié les foules, s’en va, s’isole, pour prier au calme. Et celle des disciples qui luttent contre le vent contraire et les flots qui remplissent la barque.

Et je me surprends à penser que nous sommes, nous aussi des navigateurs sur les flots de la vie. Notre foi connaît ces deux moments : la tranquillité de la prière et de la méditation dans une église, chez soi, dans la nature et… l’agitation, parfois tumultueuse, face aux vagues de l’imprévu. Et nous avons à nous démener, à vivre, à tenter de vivre malgré tout avec confiance, entre ces deux extrêmes, nous sentant parfois bien seuls nous aussi.

Les navigateurs professionnels connaissent à leur tour des moments de calme plat, où ils peuvent se reposer, dormir un peu, faire confiance aux instruments, et d’autres où ils sont sur le pont à tenter de maîtriser une voile, à tirer sur un cordage, à s’accrocher à la barre, à essuyer les flots. À faire se confiance tout comme au matériel. S’ils avaient su tous les dangers, se seraient-ils seulement engagés ?

Des questions déstabilisantes

Revenons à cette traversée de l’Évangile. Il me vient alors des questions que je vous partage, qui sont les vôtres peut-être : n’est-ce pas Jésus lui-même qui a pressé ses disciples de prendre le large ? Savait-il qu’une tempête allait se lever ?

Jésus serait-il à ce point sadique qu’il envoie ses amis au casse-pipe, dans une barque et sur une mer qui allait se déchaîner ?

A-t-il voulu éprouver la confiance de ses amis, voir s’ils avaient enfin compris qu’il est le Sauveur ?

A-t-il cherché à être adoré parce qu’il les aurait sauvés du naufrage ?

L'Eau, Mer, Atlantique, Ocean, Vague

Des réponses qui stabilisent, vraiment ?

Non, non, trois fois non ! La tempête n’est pas une punition de Dieu, elle est inhérente au monde et à celui de la mer en particulier. Elle en fait partie, voilà tout.

Prétendre le contraire, ce serait faire de l’envoyé de Dieu, de Jésus, un sauveur qui met à l’épreuve. Un sauveur qui ne réserverait le salut qu’à ceux qui le méritent seulement, à ceux qui auraient prouvé qu’ils étaient à la hauteur.

Jésus ne met pas à l’épreuve, Jésus n’exige pas de nous que nous atteignions des sommets, que nous soyons des modèles de courage, des héros de la foi. Mais au contraire, il nous rejoint dans nos épreuves, dans nos fonds et nos tréfonds. Là où notre confiance est sur le point de sombrer. Il vient pour nous rassurer : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur ! » Facile à dire, surtout si on est capable de marcher sur les eaux !

Une réponse… Une preuve ! Pas si vite !

Alors, Pierre veut en avoir le coeur net : « Si c’est bien toi… » Comme si ses yeux pouvaient le tromper, comme si les disciples étaient soudainement victimes d’une hallucination : un fantôme, un esprit… « Si c’est bien toi… »

Plutôt que de nous abandonner à la confiance, contre vents et marées, nous avons besoin de mettre des mots sur l’incompréhensible, sur ce qui échappe à notre logique. Même si ces mots n’en disent pas plus d’ailleurs : un fantôme, un esprit.

Nous avons besoin de nous accrocher à ce qu’on croit savoir.

C’est normal, c’est humain.

Mains, Portée, Personnes, Silhouette, Ombre

Combien de fois mettons-nous à notre tour Dieu à l’épreuve de nos certitudes ? Combien fois exigeons-nous de lui une confirmation, un signe de sa présence ? « Si c’est bien toi… »

Oui, c’est bien lui, lui qui nous rejoint, lui qui nous rassure, lui qui affermit notre confiance. Lui qui nous appelle à la confiance, même si cela nous paraît impossible.

Pierre, qui veut en avoir le coeur net, demande à reculer les frontières de l’impossible : à avancer sur les eaux, à affronter le danger au plus près, à quitter le frêle esquif, son seul abri, pour rejoindre son Maître là où il est, là sur les flots. Imaginez un instant : sentez-vous le vent qui fouette vos visages ? Sentez-vous les embruns qui vous mouillent ?

Et Jésus l’invite à le rejoindre, avec un calme qui contraste avec l’agitation du moment : « Viens… » Un mot, un simple mot, un mot trop simple, un mot qui résonne comme une évidence et qui, pourtant, est une invitation à repousser les limites de l’impossible. Un mot qu’on peine à entendre dans le tumulte de la vie.

« Viens là où je suis et là où tu as peur d’aller. »

« Viens me rejoindre en paix, contre vents et marées. »

« Viens, confiance. Fais-moi confiance. Fais-toi confiance ! »

Pierre : notre frère, notre reflet

Nous avons tôt fait de blâmer Pierre pour son manque de foi. Nous avons tôt fait d’en faire l’exemple du croyant qui doute. Ça a failli lui jouer un mauvais tour…

Mais, aurions-nous été  aussi courageux que lui ? Aurions-nous sauté le pas du bastingage ?

Ne lui ressemblons-nous, un peu du moins ?

« Seigneur, si tu étais là… », « Si c’est bien toi… », « Si Dieu ceci, si Dieu cela … »

Ce tableau brossé par Matthieu nous en dit beaucoup à propos de notre humanité, à propos de notre condition humaine : il en dit beaucoup de nos instabilités, des tempêtes (parfois celles que nous créons nous-mêmes ou celles qui nous noient dans un verre d’eau), des vents contraires et des vagues que nous recevons en pleine figure, des obstacles que nous affrontons…

Plage, Sec, Croûte, Sauvage, Ondes
Et en même temps, ce tableau nous fait voir le Sauveur marchant à notre rencontre, vers la barque de nos existences. Le voyons-nous toujours nous rejoindre et nous inviter à la confiance ? Combien de fois prenons-nous conscience de son secours et de sa main tendue plutôt que de compter, de nous reposer, sur nos propres forces et ressources ? Combien de fois voyons-nous d’autres mains se tendre pour nous aider, nous rattraper, nous secourir… Dites : combien de fois ? Combien de fois nous lâchons-nous à la confiance ?

Les navigateurs du passé, ceux d’aujourd’hui, ceux que nous sommes avons des compétences qui nous permettent d’affronter les épreuves, mais nous  avons aussi à faire confiance, à compter sur Celui qui vient à la rencontre pour nous redonner confiance.

Quelques questions pour finir…

Facile à dire, même devant vous. Facile à croire ? Arrêtons un instant le flot de nos pensées et posons-nous ces questions :

Sommes-nous prêts à accueillir Jésus dans notre barque ?

Sommes-nous prêts à naviguer avec lui ?

À lâcher la barre de nos certitudes ?

À lui faire suffisamment confiance pour répondre à son appel et aller là où il nous attend ?

À le laisser calmer nos tempêtes et à reconnaître qu’il est vraiment le Fils de Dieu ?

 

Cherchez l’intrus

Livre de la Genèse au premier chapitre :

Au commencement Dieu créa les cieux et la terre. La terre était sans forme et vide, et l’obscurité couvrait la surface de l’abîme. Le souffle de Dieu planait à la surface des eaux. Alors Dieu dit : « Que la lumière paraisse ! » et la lumière parut. Dieu vit que la lumière était une bonne chose, et il sépara la lumière de l’obscurité. Dieu nomma la lumière jour et l’obscurité nuit. Le soir vint, puis le matin ; ce fut la première journée (…)

Dieu dit alors : « Que la terre fasse pousser de la végétation : des plantes produisant leur semence, et des arbres fruitiers dont chaque espèce porte ses propres graines ! » Et il en fut ainsi. La terre fit pousser de la végétation : des plantes produisant leur semence espèce par espèce, et des arbres dont chaque variété porte des fruits avec pépins ou noyaux. Dieu vit que c’était une bonne chose. Le soir vint, puis le matin ; ce fut la troisième journée.

 

Évangile selon Matthieu 13, 24-30 :

Jésus leur raconta une autre parabole : « Le royaume des cieux ressemble à quelqu’un qui avait semé de la bonne semence dans son champ. Une nuit, pendant que tout le monde dormait, son ennemi vint semer de la mauvaise herbe parmi le blé et s’en alla. Lorsque l’herbe poussa et que les épis se formèrent, la mauvaise herbe apparut aussi. Les serviteurs du maître de maison vinrent lui dire : “Maître, n’as-tu pas semé de la bonne semence dans ton champ ? d’où vient donc cette mauvaise herbe ?” Il leur répondit : “C’est un ennemi qui a fait cela.” Les serviteurs lui demandèrent : “Veux-tu que nous allions enlever la mauvaise herbe ?” “Non, répondit-il, car en l’enlevant vous risqueriez d’arracher aussi le blé. Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson et, à ce moment-là, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord la mauvaise herbe et liez-la en bottes pour la brûler, puis vous rentrerez le blé dans mon grenier.” »

Prédication

Vous avez certainement déjà joué à ce jeu, seul ou en famille : « Cherchez l’intrus ». Dans une image, parmi des objets ou dans une liste de mots, il y en a toujours un qui n’a rien à y faire.

Jouons un peu à chercher l’intrus

Par exemple, si je vous dis : Rose, Jacinthe, Capucine, Coquelicot et Marguerite. Cherchez l’intrus !

C’est Coquelicot, parce que les autres sont à la fois des noms de fleurs, et aussi des prénoms féminins.

Évoquer le Royaume des cieux, ici et maintenant déjà, c’est jouer à « cherchez l’intrus ». Parce que, avouons-le, en regardant le monde, ce qui s’y passe, ce Royaume tient plus de l’espoir en un monde meilleur, voire d’une vue de l’esprit, que d’une réalité déjà concrète. Évoquer le Royaume des cieux, c’est parler de quelque chose qui n’a pas vraiment sa place dans notre monde… Ou pas encore dira-t-on. On l’imagine aisément pour plus tard, pour beaucoup plus tard.

Alors à quelle autre image recourir que celle d’une semence, d’un semeur pour dire que ce quelque chose, ce Royaume, est déjà sans pour autant être visible ? La graine plantée en terre devient invisible à nos yeux, mais se transforme jusqu’à voir les premiers signes de germination. En attendant, on se demande si elle s’est développée ou si elle a séché. Il faut faire preuve de patience. Une patience confiante qui affirme que l’essentiel est invisible pour les yeux. Et pourtant cet essentiel se passe là, sous nos yeux. On l’a tous expérimenté au moins une fois.

Ce n’est donc pas un hasard si, dans cette parabole, Jésus recourt à l’image d’un semeur confiant que ses semences donneront des épis, mais … cherchez l’intrus. C’est l’ivraie parmi la bonne semence.

Et cela me fait penser aux coquelicots dans les champs de blé. Ils se mélangent aux épis. En grande quantité, ils polluent le champ et la farine, ils deviennent alors synonymes alors de mauvais rendement. Même s’il est beau et éphémère, les cultivateur considèrent le coquelicot comme une mauvaise herbe très prolifique.

Les cultivateurs vous le diront : il n’est pas toujours facile de séparer la bonne tige de la mauvaise, surtout au début, car à vouloir trop arracher, on finit par tout arracher.

Alors, Jésus, en jardinier avisé, conseille de laisser pousser toutes les plantes et, à la fin, à la fin seulement, des moissonneurs, ceux qui ont l’œil, sauront trier, garder le blé et jeter ce qui doit l’être.

Un processus en marche

Cette parabole n’est pas une référence à Monsieur Jardinier, évidemment. Elle nous parle du Royaume des cieux, c’est-à-dire du règne de Dieu. Et ce que dit Jésus, c’est que ce Royaume est déjà semé et qu’il croît. Il n’est pas seulement à attendre ni à espérer à l’horizon de l’éternité. Il est là, sous nos yeux, sous nos pieds. Ce Royaume est un processus, un mouvement. Il n’est ni ce quelqu’un, ni la semence, ni le champ seulement, mais l’action de quelqu’un qui a semé dans son champ de la bonne semence.

Le Royaume n’est ni figé, ni statique ; il est mouvement. Et nous participons, nous ouvriers, nous serviteurs, nous humains, à ce mouvement aujourd’hui et maintenant déjà. Dieu n’agit pas sans nous, mais avec nous. Dieu est ce quelqu’un qui a ensemencé son champ, celui du monde, de sa création :

Au commencement, Dieu sème une parole féconde et laisse le temps à l’action : Il y eut un soir… Il y eut un matin… Dieu dit et, peu à peu, le monde se couvre de de verdure, les graines donnent des plantes, des épis, des fleurs, des arbres.

Dieu ne réalise pas une maquette où les arbres sont en plastique, l’herbe synthétique et les montagnes en papier mâché. Dieu crée un espace de vie… vivant et en constante évolution qui a besoin de temps et de patience. Le recours à l’image du jardin n’est pas anodin et plutôt bien trouvé pour dire l’action, le partenariat, la collaboration de Dieu avec l’humain.

Mais, sus est aussi très réaliste : il sait bien que la vie est faites de relations et que dans toute relation, il y a aussi un intrus : des graines indésirables, qui n’ont pas été voulues par le Créateur des commencements. Ça arrive même dans les meilleurs terreaux, même dans les meilleures familles, même dans les meilleures Églises.

Ces graines-là ne sont pas voulues par le Créateur. C’est important de le rappeler : Dieu ne sème pas le mal. Il ne le veut pas ni pour nous apprendre quelque chose ni pour tester notre confiance, encore moins pour nous punir de notre « mal-croire ».

Alors, cette parabole pose la question de la présence de ce qui vient perturber cet équilibre sur lequel nous tentons de vivre, entre bonnes semences et mauvaises herbes. Cet équilibre, souvent fragile, entre ce qui fait du bien et ce qui fait du mal.

Zizanie et ivraie… Tout ce qu’on ne veut pas… mais qui est là

Ainsi, dans notre monde, comme dans nos relations, ces graines indésirables, c’est tout ce qui fait croître la discorde, la zizanie. Zizanie, c’est d’ailleurs l’autre nom de l’ivraie. L’ivraie, cette plante qui rend ivre. Ivre de pouvoir, de jalousie, ivre de colère…

Ces semences-là sont semées de nuit nous dit la parabole, c’est-à-dire à l’insu de notre plein gré, quand nous sommes endormis, quand nous n’y prenons pas garde, quand nous relâchons notre vigilance.

Elles sont le fait de notre humanité, de nos limites et faiblesses, parce que nous ne sommes pas Dieu. Seul Dieu est saint et parfait.

Nous sommes, à l’image du champ, en devenir, en croissance, un espace de vie.

La distinction dans nos relations entre ce qui porte la vie et ce qui porte la mort, n’est pas toujours facile à faire. Qu’est-ce qui fait du bien ? Du mal ? Tout est si enchevêtré. Mais, un jour, au jour de la moisson, au jour de Dieu, nous verrons parfaitement, nous serons alors débarrasser de tout ce qui nous empêche de n’être que OUI à Dieu.

En attendant, cherchons l’intrus dans nos relations, nos actions, dans notre monde et plutôt que de vouloir l’arracher à tout prix, laissons-le. Ne culpabilisons pas de mal faire, de ne pas faire aussi bien que nous l’espérions, de mal croire. Ne nous renions pas nous-mêmes au risque de détruire ce qu’il y a de beau et de bon en chacun de nous, ce que nous faisons et partageons et qui est porteur de vie.

Œuvrons, à notre tour et avec nos forces, aux semailles du Royaume, là où nous le pouvons. Sans nous lasser. Pour le reste, laissons Dieu agir.

Nous serons sans doute tour à tour épis de blés ou coquelicots. Bonnes semences ou mauvaises herbes. Qu’importe… C’est humain. Nous le savons bien. Et Dieu, lui aussi, le sait. Il nous fait confiance, il nous engage à son service. Il croit en nous. Jamais il ne se lasse.

Semons des graines de bienveillance, d’amitié, de solidarité, de fraternité, de respect. Nous en sèmerons certainement d’autres aussi, de celles dont nous ne sommes pas très fiers. Mais, qu’importe. Dieu qui voit tout, saura reconnaître la vie en nous. Il ne garde et ne gardera que le meilleur en chacun de nous pour le mettre dans son grenier, là où rien ne se perd. Le reste, tout le reste, il le jettera. Lui sait.

Il ne cessera de faire grandir la vie en nous et donnera d’en vivre alors pleinement. Ce n’est pas qu’une vaine promesse. Car demain est déjà semé aujourd’hui !

Amen.

L’Évangile comme un bonbon

Chers Amis, chers frères et sœurs en Christ,

Je vous ai apporté des bonbons.
Parce que les fleurs, c’est périssable.
Les bonbons, c’est tellement bon.

Des bonbons particuliers, parce qu’ils sont sur un écran. Ensuite, ce sont des bonbons acidulés. Vous savez, ceux qui piquent d’abord la langue et nous font grimacer et qui deviennent doux et sucrés ensuite. C’est alors qu’on les savoure.

Je dois la référence aux bonbons à mes collègues et amies : Laure Devaux, Marianne Chappuis et Diane Friedli.

L’Évangile de ce matin est un bonbon. Acide dans un premier temps. Il pique nos oreilles. Mais, ce texte, parce qu’il est râpeux, a des choses à nous apprendre sur la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu, sur nous-mêmes et nos relations des uns aux autres dans et hors de nos familles.

Car, c’est bien de relation dont il question. Un fil rouge qui traverse nos trois textes : famille et alliance, celle de Dieu. Autant de relations que nous vivons au quotidien.

Il y a d’abord cette histoire du prophète Élisée qui n’est pas sans rappeler celle de Sarah et Abraham : la promesse d’un enfant qu’on attend plus. La promesse pour un couple de devenir une famille, de nouer de nouvelles relations. L’alliance de Dieu qui traverse les âges, se rit des impossiblités humaines pour ouvrir à d’autres possibles, à de nouveaux liens.

Un jour, le prophète Élisée passait à Sunam ; une femme riche de ce pays insista pour qu’il vienne manger chez elle. Depuis, chaque fois qu’il passait par là, il allait manger chez elle.

Elle dit à son mari : « Écoute, je sais que celui qui s’arrête toujours chez nous est un saint homme de Dieu. Faisons-lui une petite chambre sur la terrasse ; nous y mettrons un lit, une table, un siège et une lampe, et quand il viendra chez nous, il pourra s’y retirer. »

Le jour où il revint, il se retira dans cette chambre pour y coucher. Puis il dit à son serviteur : « Que peut-on faire pour cette femme ? » Le serviteur répondit : « Hélas, elle n’a pas de fils, et son mari est âgé. »

Élisée lui dit : « Appelle-la. »
Le serviteur l’appela et elle se présenta à la porte.

Élisée lui dit : « À cette même époque, au temps fixé pour la naissance, tu tiendras un fils dans tes bras. »  (Deuxième livre des Rois 4, 8-11 et 14-16).

Ensuite, il y a les propos de l’apôtre Paul qui fait du baptême le sceau et le signe d’alliance des héritiers d’une vie nouvelle, frères et sœurs attachés, reliés au Christ ressuscité :

Frères, Sœurs*,

Ne le savez-vous pas ? Nous tous qui par le baptême avons été unis au Christ Jésus, c’est à sa mort que nous avons été unis par le baptême. Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. (Romain 6, 3-4).

*c’est sciemment que j’ai ajouté l’interpellation aux sœurs aussi.

Et enfin, l’acidité des propos de Jésus :

En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi.

Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera.

Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé.

Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste.

Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. » (Évangile de Matthieu 10, 37-42).

Une acidité qui redonne à l’Évangile tout son piquant, ai-je envie de dire. Suivre le Christ, ce n’est pas une promenade de santé, ni un long fleuve tranquille, encore moins une vue de l’esprit. Suivre le Christ est une mise en route qui exige de tout quitter, surtout ce qui fonde notre sécurité, notre confort, ce qui est notre port d’attache. Souvenons-nous des premiers disciples, Simon et André, Jacques et Jean répondant aussitôt à l’appel du Christ, un parfait inconnu pour eux, et laissant leur père se démêler avec ses filets de pêche.

Pensons encore à Levi, Matthieu, le collecteur d’impôts, laissant ses décomptes et calculs pour se mettre à la suite de ce même Jésus qui lui a dit : « Suis-moi ».

Il y a eu d’autres qui ont radicalement changé de vie pour répondre à un appel. Ils ont tout quitter pour aller vers… ils n’en savaient rien, sans doute.

Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera.

Je crois que nous avons besoin de réentendre ces paroles, un peu acides de prime abord. À l’image des bonbons. On préférerait certainement ne pas trop s’attarder et passer assez rapidement. À se dire qu’il y a sûrement mieux… Ailleurs, des mots plus sucrés, plus savoureux, plus doux aux oreilles.

Mais, ces mots parlent d’amour. Ils laissent deviner toute leur douceur, comme les bonbons, une fois la coque fendue. Et c’est cela qui compte ! L’amour. Un amour entier et exclusif, qui occupe toute une vie.
C’est parce qu’en Jésus, Dieu, le premier, nous aime d’un amour tout entier, que nous sommes appelés à l’aimer de la même manière. Le reste de notre vie, tout le reste, découle de cet amour premier.

Christain Bobin a écrit :

Si Dieu n’est pas dans nos histoires d’amour, alors nos histoires ternissent, s’effritent et s’effondrent.

L’appel du Christ impose des choix, parfois difficiles et cornéliens : qui pourrait choisir entre son père, sa mère, son fils, sa fille et Jésus ?

Mais, en accueillant Jésus, et donc Dieu, dans sa vie, en accueillant son amour pour nous, on transforme les liens qui nous unissent. On donne sa vraie place – son autonomie – à chacun. On devient petit pour donner à l’autre l’espace de grandir et devenir qui il est, qui il est appelé à être. Car, c’est bien cela que Jésus n’a eu de cesse de rappeler au travers des guérisons : redonner leur place à ceux qui n’en avaient plus, ceux à qui on ne voulait pas donner de place. C’est cela que Jésus veut pour chacun de nous : que nous soyons des hommes et des femmes libres, debout et en marche… Qui qui annonçons que chacun a une vraie place dans le monde et dans la vie, et sous le regard de Dieu. Là est l’essentiel.

Les trois mois que nous venons de vivre ont eu un impact sur nos vies, sur nos familles, sur nos vies de familles et les liens qui nous unissent. Et aussi sur notre vie d’Église et de communauté. Ceux-ci se sont-ils renforcés ? Ont-ils été mis à mal ? Y a-t-il eu des liens qui se sont tissés ou rompus dans et au-delà de notre cercle familial ? Et Dieu ? Et Jésus dans tout cela ? Avaient-ils encore une place ? La première ?

Autant de questions que je vous laisse tout simplement, sans vous demander de réponse, parce qu’elles vous appartiennent. Et je sais qu’ici, dans la paroisse de La Côte, vous avez été nombreux et nombreuses à tisser du lien, à avoir pris soin les uns des autres d’une manière ou d’une autre. À avoir donné une orientation nouvelle, et peut-être durable, à vos existences.

Cela, l’auriez-vous fait, auriez-vous pu le faire si l’amour du Christ ne vous avait pas animés ? Si vous n’aviez pas mis le Christ au centre ou à la première place ? N’avez-vous pas accueilli ou donné à accueillir le Christ dans vos vies au travers des signes d’amitié et de fraternité qui ont été les vôtres ?

Certainement pas.

Amen.