Les parcours de vie qui nous ont amenés, nous diacres, à nous engager dans un ministère sont divers et variés, ce qui fait dire que nous sommes des diacres atypiques. Au fait, qu’est-ce qu’un diacre typique ? Je crois que personne ne le sait vraiment. Mais si vous le savez, merci de me le dire en commentaires.
Le site Réformés a peint récemment le portrait d’Éric Bianchi, diacre suffragant de l’Église évangélique réformée du Canton de Vaud. Eric a œuvré auparavant dans la paroisse de Val-de-Travers de l’Église réformée évangélique du Canton de Neuchâtel.
Je prends le risque de tirer un parallèle entre nos engagements, tout en insistant que nous ne nous sommes pas concertés et que je m’exprime ici en mon nom, me basant sur l’article de Réformés. Ce que j’ai lu, et connaissant un peu Éric, me pousse à poser humblement ces quelques lignes.
Article du site Réformés.ch consulté le 6 octobre 2021
Deuxième profession, mais pas deuxième choix
Le diaconat est une deuxième profession. C’est d’ailleurs un prérequis à la formation que d’avoir déjà une expérience professionnelle. Je me souviens que dans ma volée, il y avait entre autres une infirmière, une éducatrice de la petite enfance, moi-même employé de commerce.
Éric lui a été policier. Et comme il le laisse entendre, une sensibilité, un appel peut-être, déjà présent. Je le rejoins dans cette certitude qu’on ne devient pas diacre, pasteur, moine par hasard, même si le chemin personnel et professionnel nous entraîne parfois sur des chemins de traverse. Nos expériences deviennent alors de vrais talents, des compétences que nous pouvons mettre au service d’une Église, d’une paroisse, d’une aumônerie, de frères et de sœurs en humanité. Nous ne venons pas de nulle part et il ne nous est pas demandé de renier qui nous avons été. Bien au contraire !
La question nous brûle les lèvres: passer de flic à homme d’Église, une évidence? Presque. Éric Bianchi ne parle ni de reconversion, pas même de métiers, mais bien de vocations. «Je ne suis pas devenu policier pour casser des portes. Avant d’avoir un rôle répréhensif, la police a une fonction sociale, d’écoute et de respect de chacun», il en est convaincu, le diaconat s’inscrit dans une « continuité».
Réformés.ch
Je ne crois pas non plus qu’on devienne diacre par dépit, ou parce qu’on n’a pas pu être pasteur·e. En tout cas, ce n’est pas mon cas. Si j’ai hésité entre les deux ministères, mon engagement dans une aumônerie a confirmé que mon choix était le bon.
L’écriture comme point commun
L’écriture est un autre point où nous nous rejoignons. Je n’ai pas encore lu le recueil d’Éric (il fait partie de mes titres à lire), mais je suis certain qu’il doit être empreint de ce souci de l’autre, de l’attention portée à ceux et celles de ce monde. Nos expériences du terrain, notre « expertise » de certains milieux, l’accompagnement de publics-cibles particuliers font que nous avons des choses à dire et à partager. Pas seulement dans des rapports d’activités très formels, pas seulement au travers de graphiques et de statistiques. Mais aussi dans les registres de la poésie, du roman, de la nouvelle … Où l’imaginaire est nourri du concret. Où une personne rencontrée peut devenir le personnage d’une histoire, où Dieu peut s’inviter et se révéler au travers et au-delà des mots.
Voir aussi : Brindilles et Confettis, deux livres de mon ami et collègue diacre lui aussi Renaud Rindlisbacher.
En route vers la rencontre
Lorsqu’il était au Val-de-Travers, Éric et ses collègues ont sillonné les routes pour aller à la rencontre, parfois avec une calèche pour interpeller : une église en route. Le projet a essaimé ailleurs où de pareilles initiatives voient le jour, à l’image du Jura bernois.
La rencontre tout en humanité, teintée d’impuissance et de renoncement parfois, ou d’élans de joie à d’autres moments sont vraiment au cœur de notre ministère.
Comment changer le déni de toute une société qui passe à côté de ses personnes en marge sans même les regarder?» Lucide, donc, Éric Bianchi est habité par une «impuissance personnelle et citoyenne». Pour autant, l’homme ne se démonte pas, balançant entre douceur et humour cinglant.
Réformés.ch
Éric est maintenant à la Pastorale œcuménique de la rue de Lausanne. Je suis à La Lanterne de Neuchâtel, l’aumônerie œcuménique de rue en Ville de Neuchâtel. Des lieux emblématiques, et parmi d’autres, de la rencontre. Il ne s’agit pas de convaincre par de longs discours, ni d’imposer quoi que ce soit (à part un cadre qui permette à chacun·e d’être accueilli·e et respecté·e). Mais accueillir, écouter, accompagner, servir, ça oui !
Serviteur donc mais pas sauveur pour un sou. «Je ne suis qu’un petit homme sans solution miracle.»
Le contraire serait mentir à ceux qu’ils côtoient dans la rue.
Éric Bianchi
Je crois aussi que nous partageons cet engagement à aller vers l’autre avec fort peu de choses, en somme : peu de certitudes, pas plus de réponses, encore moins de conseils. Mais la force d’une présence et d’une écoute. Quelques mots, quand ils sont utiles. Tout cela au nom de ce Dieu de la rencontre dans l’humanité… la plus humaine.
Merci, Éric, d’être qui tu es et au service de ceux et celles que tu côtoies. Bonne route à toi.
Début août, Noémie Emery, pasteure stagiaire, a publié un billet fort intéressant sur son blog Pèlerine au chocolat sous le titre De cène réflexions. J’ai aimé lire sa réflexion, car elle aborde à la fois l’aspect traditionnel de ce moment « culte » de nos célébrations, et elle y ajoute ses propres perceptions : comment elle vit ce moment hautement communautaire.
L’image du billet de Cène réflexion par Noémie Emery sur son blog.
Image parlante
Pour parler de ce sacrement qu’est la sainte-cène et qui ouvre la communauté et chacun au Royaume, Noémie a eu recours à une image très parlante. Une image pour dire ce qui est déjà et ce qui n’est pas encore. Une références qui change de la graine qui porte la plante en devenir ou la chenille qui deviendra papillon. La future maman part de son expérience : le monde est enceint du Royaume :
Pour notre temps, le rituel offre ce que j’expliquerais le mieux par la métaphore de la grossesse : le monde est enceint·e du Royaume (et Dieu seul·e connait le terme de cette grossesse qui est vie et promesse de Vie), et le sacrement serait comme une échographie (ou l’écoute du coeur via un doppler ou que sais-je encore) de ce Royaume, nous permettant de nous rendre compte de sa réalité, de son déjà-là, et simultanément de ce pas-encore, de tout ce qu’il reste à réaliser. citation tirée du blog de Noémie Emery
J’avoue que je n’avais jamais pensé à ce parallèle pourtant très imagé. Peut-être tout parce que je suis un homme, ou plus simplement, parce que je n’y ai pas pensé.
Le bonheur de sentir ce déja-là et l’attente de ce pas-encore. Image de Greyerbaby, Pixabay
Des repères
L’article poursuit par un développement théologique autour de l’héritage, de l’histoire du Salut, de la Création et une belle mise en question à propos du sens à donner au sacrement :
Je vois là un manque dans ma théologie, et me réjouis d’enrichir ma foi par mes recherches futures. Peut-être est-ce un peu prétentieux de penser ainsi, mais voici : si moi, qui suis théologienne depuis quelques années maintenant, et qui me passionne pour le sens des choses que je vis, ne comprends pas réellement ce qu’implique un sacrement, que comprennent mes paroissien·ne·s ? Probablement plus que moi. citation tirée du blog de Noémie Emery
Le déroulement par le menu
Enfin, la jeune pasteure présente la liturgie de sainte-cène par le menu, étape après étape et explicite fort bien chacune d’elles. J’apprécie ce va-et-vient entre attitude méditative et attitude active de l’assemblée.
Une introspection pour conclure
En conclusion, Noémie partage son introspection toute personnelle mais qui pourrait rejoindre le mouvement intérieur de bon nombre d’entre nous :
Il m’apparait donc que je suis moins révolutionnaire en terme de Sainte Cène que ce que je pensais avant de me plonger dans le sujet. N’ayant pas une compréhension rituelle du dernier repas de Jésus, je ne me vois pas chercher à bousculer la tradition qui en a fait un rituel. A moi de m’y insérer au mieux en tant que ministre, en insistant là où c’est utile sur l’aspect éthique que j’y décèle, tout en honorant le besoin de ritualité qui habite l’humain. citation tirée du blog de Noémie Emery
La cène nourrit les réflexions
Les questions que pose Noémie sont stimulantes pour notre foi et notre manière de la célébrer et de la vivre. D’autres textes viennent titiller notre appétit, à l’image de la multiplication des pains.
En lisant Noémie, je me suis souvenu que d’autres blogueurs du Réseau protestant avaient aussi abordé le sujet, notamment dans le contexte particulier de la pandémie.
J’aimerais partager quelques références :
1. Philippe Golaz
Sur son blog Théologiquement Vôtre, Philippe a rédigé 6 billets autour du thème Comprendre le culte. Ces billet sont destinés à ceux et celles qui ne sont pas habitués aux pratiques liturgiques. On y trouve des textes à titre d’exemple. L’auteur a la bonne idée aussi d’ouvrir son contenu à des apports de ses lecteurs·trices.
En lien avec la pandémie et l’impossibilité de vivre la sainte-cène de manière communautaire, Philippe a proposé une liturgie pour une cène à domicile avec indications très pratiques.
Mon collègue Hyonou a fait de la sainte-cène une prédication qu’il a relayée sur son blog Potins Divins. En une réflexion brève, il explique en quoi la célébration de la sainte-cène fait que le dimanche n’est pas tout à fait un dimanche ordinaire.
Le site Je cherche Dieu permet à tout·e un·e chacun·e de poser ses questions en toute liberté et franchise.
Un visiteur a exprimé sa tristesse de voir la sainte-cène interdite pendant la pandémie. Avec beaucoup de tact, le pasteur Marc Pernot lui a répondu, en proposant notamment des manières de célébrer la cène Covid-compatibles.
Ces différentes approches ont aussi été stimulantes pour moi et m’on amené à réfléchir toujours et encore à ce que représente la sainte-cène pour moi. J’ai eu l’occasion d’en célébrer dans divers contextes : lors du culte dominical, en EMS, à domicile et j’envisage bientôt à l’aumônerie de rue de Neuchâtel. C’est un moment où il y a quelque chose à la fois de physique, par la proximité, et de mystérieux, par le fait de se rasssembler autour du Christ ressuscité.
Comme le relevait Noémie, c’est le moment le plus corporel, le plus sensuel. Aujourd’hui, il a un peu perdu de sa superbe, puisque les mesures sanitaires imposent une pratique en défilé, des morceaux de pain déjà coupés à la place de la « morce » rompue, des gobelets individuels au lieu de la coupe qu’on se passait. C’est le moment où l’assemblée prend conscience qu’elle est communauté sous le regard du Christ vivant. Et c’est une joie !
J’avoue aussi que je balance entre la régularité de la cène hebdomadaire et l’irrégularité de ce moment que je vivrais plutôt comme une fête, justement parce qu’il vient rompre avec l’habitude.
Enfin, il y a quelque chose qui m’a toujours surpris lors du moment de communion : la solennité des participant·es. Les têtes sont baissés, les regards pointent les pieds, on se regarde à peine en passant la coupe. Je veux bien que chacun·e intériorise ce moment à sa manière et je ne juge personne, mais il y a une austérité palpable. Ceci est d’autant plus en décalage avec les paroles d’introduction au repas du Seigneur : « Quelle joie de te louer, Dieu très bon ! » Oui, ce moment est aussi, pour moi, le moment le plus joyeux de nos célébrations, parce que nous y célébrons la Vie donnée, la Vie partagée, la Vie qui vient d’un Plus-Grand-Que-Soi.
Dernier repas. Sculpture de la cathédrale de Cologne. Image Pixabay
La réflexion, la mienne, la tienne, se poursuit. N’hésite pas à y contribuer en apportant ta propre réflexion en commentaire ou mieux encore en la développant sur ton blog, tout en mentionnant cet article comme point de départ.
Quelques textes et extraits du culte du dimanche 11 juillet que j’ai célébré à La Neuveveville. Partant du psaume 8 et de cette question « Qu’est-ce que l’homme pour que tu prennes soin de lui ? », je mets mon expérience à La Lanterne, l’aumônerie œcuménique de rue en Ville de Neuchâtel en lien avec la rencontre avec l’aveugle Bartimée.
Accueil
« En marche, les humiliés du souffle ! Oui, le royaume des ciels est à eux !
En marche, les endeuillés ! Oui, ils seront réconfortés !
En marche, les humbles ! Oui, ils hériteront la terre !
En marche, les affamés et les assoiffés de justice ! Oui, ils seront rassasiés ! (…) »
C’est avec ces mots qui nous mettent en mouvement, en marche, que nous sommes accueillis et que nous nous accueillons ce matin.
Vous aurez certainement reconnu les premiers mots des Béatitudes de l’Évangile de Matthieu, le célèbre Sermon sur la montagne.
C’est à l’écrivain et penseur israélien André Chouraqui que nous devons cette interprétation où les Heureux sont En marche.
Ce matin, nous nous sommes mis en marche pour venir jusqu’ici, pour nous placer sous le regard accueillant et bienveillant de Dieu. Et nous pensons à toutes celles et tous ceux qui ne se sont pas mis en route, les accueillant aussi au milieu de nous.
La grâce et la paix vous sont données de la part de Dieu notre Père, de son Fils Jésus-Christ notre frère, dans l’unité et le souffle du Saint-Esprit.
Photo Pixabay – josealbafotos
Prière d’humilité et annonce de la grâce
Présentons-nous devant Dieu dans la confiance qu’il nous accueille tels que nous sommes.
Seigneur,
Pour toutes ces fois où mes propres certitudes ont entravé ma marche à ta suite…
Pardonne-moi.
Pour tous les détours que j’ai pris, au lieu de répondre à ton appel de chaque jour…
Pardonne-moi.
Pour toutes les routes que j’ai empruntées et qui m’ont éloigné de toi…
Pardonne-moi.
Amen.
Photo : Pixabay – MichaelGaida
Jésus le Christ a dit :
« Je suis le chemin, la vérité et la vie. » (Jn 14,6)
Et aussi :
« En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie. » (Jn 5,24)
Allez dans la confiance que vous êtes passés de la mort à la vie et que la grâce de Dieu vous est donnée. Amen.
Lectures bibliques :
Psaume 8
Eternel, notre Seigneur, que ton nom est magnifique sur toute la terre! Ta majesté domine le ciel.
Par la bouche des enfants et des nourrissons, tu as fondé ta gloire pour confondre tes adversaires, pour réduire au silence l’ennemi, l’homme avide de vengeance.
Quand je contemple le ciel, œuvre de tes mains, la lune et les étoiles que tu y as placées, je dis: «Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui, et le fils de l’homme, pour que tu prennes soin de lui?»
Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu et tu l’as couronné de gloire et d’honneur. Tu lui as donné la domination sur ce que tes mains ont fait, tu as tout mis sous ses pieds, les brebis comme les bœufs, et même les animaux sauvages, les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, tout ce qui parcourt les sentiers des mers.
Eternel, notre Seigneur, que ton nom est magnifique sur toute la terre!
Photo : Pixabay – Free-Photos
Évangile de Marc 10, 46-52
Ce jour-là, c’est l’effervescence dans la ville de Jéricho. Le prophète, accompagné de ses disciples et d’une grande foule traverse les rues. On prend garde à ce qu’aucun gêneur n’interrompent le cortège. Tout se passe bien… Jusqu’à ce moment.
Ils arrivèrent à Jéricho. Lorsque Jésus sortit de la ville avec ses disciples et une assez grande foule, Bartimée, le fils aveugle de Timée, était assis en train de mendier au bord du chemin. Il entendit que c’était Jésus de Nazareth et se mit à crier: «Fils de David, Jésus, aie pitié de moi!» Beaucoup le reprenaient pour le faire taire, mais il criait beaucoup plus fort: «Fils de David, aie pitié de moi!» Jésus s’arrêta et dit: «Appelez-le.» Ils appelèrent l’aveugle en lui disant: «Prends courage, lève-toi, il t’appelle.» L’aveugle jeta son manteau et, se levant d’un bond, vint vers Jésus. Jésus prit la parole et lui dit: «Que veux-tu que je fasse pour toi?» «Mon maître, lui répondit l’aveugle, que je retrouve la vue.» Jésus lui dit: «Vas-y, ta foi t’a sauvé.» Aussitôt il retrouva la vue et il suivit Jésus sur le chemin.
Prédication
Chers Amis, chères Sœurs, chers Frères,
Aujourd’hui, j’ai envie de vous faire marcher ! Rassurez-vous, pas au sens où on l’entend habituellement. Non, je ne vais pas vous raconter des histoires et vous entraîner ainsi sur des chemins de traverse. Ça, non !
Non, aujourd’hui, j’ai envie de vous faire marcher sur les chemins qu’ouvrent les textes que nous venons d’entendre. J’aimerais vous entraîner à parcourir ces textes, comme on fait une balade dans un coin de pays qu’on connaît bien, ici tout près, où là-bas, un peu plus loin. Parce que ces textes, on les connaît bien justement.
Mais, avant de nous lancer, permettez-moi un petit échauffement à propos des bienfaits de la marche. C’est une activité qui libère la tête et l’esprit, qui active le cœur et le corps. Elle est recommandée par les médecins.
Comment bien marcher, au fait ? En profitant simplement, oui tout simplement, de ce qui s’offre à nos sens : regarder, sentir, écouter, toucher, goûter. C’est si simple de marcher. J’ai lu quelque part ce conseil d’un marcheur :
« Quand on marche, il ne faut pas ressasser ses soucis, ses préoccupations. Ce n’est pas comme cela que viendra la solution. Non, quand on marche, il faut se laisser toucher par ce que la nature nous offre, lâcher-prise sur tout ce qui occupe et encombre notre cerveau pour faire le vide et jouir de la nature, tout simplement. Libéré et ressourcé par la marche, alors certainement que la solution apparaîtra d’elle-même. »
Voilà une leçon que je vais essayer d’appliquer à moi-même d’abord avant de la conseiller à d’autres. Alors, mettons-la en pratique dès maintenant et laissons nos soucis sur le bord du chemin.
Pour moi, la marche est ce temps privilégié de la méditation de la Parole. Un temps où je laisse un texte, des mots, me parler, dialoguer avec le paysage que je traverse, s’adapter au rythme de mes pas et de mon souffle. Où je laisse une prière faire chemin avec moi.
Le psaume 8 est justement une invitation à regarder, à admirer la nature et à y discerner la main du Créateur. Un poème que je relis souvent, en laissant mon regard se perdre dans le ciel étoilé, ou à l’horizon d’un lac, ou vers les sommets de montagnes. Et j’entends l’écho de cette question : « Qu’est-ce que l’homme, pour que tu prennes soin de lui ? »
Oui, qu’est-ce que l’homme ? Une poussière d’étoile tombée sur terre ? Un pas grand-chose devant l’immensité d’un univers dont on n’a qu’une infime perception ?
Et pourtant, et sans détour, le poète répond à la question : « [Seigneur], Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu, cet homme ! » Rien que cela ! Aux yeux de Dieu, l’humain, le terreux, le glébeux n’est pas insignifiant. Bien au contraire, chaque vie est voulue, précieuse ; chaque être a une valeur inestimable. Il vaut la peine de le répéter, surtout à l’heure où des vies sont oubliées, menacées, sacrifiées.
L’humain a tellement d’importance aux yeux de Dieu qu’il a voulu, lui le premier, le rejoindre dans sa création.
Il a fait le choix de parcourir les chemins d’humanité, devenant humain à son tour, pour ainsi nous conduire à regarder à son Royaume comme on scrute l’horizon. Il a voulu nous en ouvrir les portes dès aujourd’hui par Jésus son Fils.
En Jésus, Dieu le premier fait le chemin vers nous, il devient notre frère, notre prochain, notre compagnon de route, se souvenant de chacun, quoi que nous vivions.
Avec Dieu, personne n’est trop petit, aucun n’est oublié. Pas même ceux qu’on a laissés au bord du chemin, pas même ceux qu’on ignore au bord du chemin. Lui, Jésus, s’est arrêté, il a tendu l’oreille, il a poussé les foules à s’arrêter et à tendre l’oreille à leur tour.
La rencontre avec Bartimée n’est pas une histoire d’autrefois. Elle garde toute son actualité, criante et triste à la fois. Il y en a encore de ces marginaux, de ces dépendants, de ces cas sociaux, de ces anonymes qu’on ne voit plus, qu’on voudrait faire taire, parce qu’ils nous dérangent. Il y en a encore. Malheureusement. Ou heureusement peut-être qu’ils sont là, qu’ils nous réveillent de notre trop-plein d’assurances, quand ils crient que le système est foutu et corrompu !
J’ai eu l’occasion et j’ai encore cette chance de côtoyer des Bartimée, notamment à Lanterne, l’aumônerie de rue en Ville de Neuchâtel. Et je peux vous assurer qu’ils m’ont mis en marche, ces gens-là. Au-delà des premières impressions, des premières peurs aussi, j’ai découvert de belles personnes attachantes, timides, blessées qui se cachent derrière une carapace, une voix forte, une grande gueule.
Des amitiés se sont alors nouées. Oh, pas toujours, soyons honnêtes. Certaines sont restées distantes ; j’ai aussi fait preuve de prudence, mais bon, c’est ainsi. Elles sont là. Je suis là. Peut-être qu’un jour, nous ferons un pas, puis deux, puis trois l’un vers l’autre, l’un avec l’autre. Dieu seul le sait. Je lui fais confiance. Je lui laisse le temps.
En rencontrant ces gens de la rue – comme on dit – je pense souvent à Bartimée qui, sur le bord du chemin, n’a pas hésité à crier. Il n’a pas laissé la foule le réduire au silence et le rendre invisible. Parmi ces gens que je rencontre, il y en a qui crient, qui gueulent contre cette société qui se bouche les oreilles et les yeux ; qui prétend que tout va bien au regard des statistiques. Ce que nous vivons depuis plus d’un an a été un révélateur de tous ces oubliés, cachés et ignorés.
Bartimée lui savait qu’au milieu de cette foule, il y avait des oreilles pour l’entendre, des yeux pour le voir, un cœur pour l’accueillir, lui le fils de…, lui l’anonyme. Lui le maudit.
Bien qu’aveugle, Bartimée a vu jour.
Et c’est la rencontre entre deux fils : le fils de Timée et le fils de David. La rencontre de deux marginaux aussi. Et cette rencontre a tout changé : elle a arrêté une foule qui aurait voulu passer son chemin. Elle a mis en route celui qui mendiait. Maintenant, tout est changé : le mendiant ne mendie plus, il loue Dieu. Il n’est plus assis, il marche. Il n’est plus aveugle, il voit.
L’Évangile de Jean dit : « La Parole s’est faite chair et a habité parmi nous ». Mais cette parole n’est pas restée immobile, bien protégée par les murailles d’un temple. Elle a parcouru les chemins du monde.
Elle n’a pas attendu qu’on vienne à elle, elle s’est mise en route pour rencontrer des hommes et des femmes. Elle a pris corps et nom en devenant Jésus le Christ.
Par lui, elle rejoint tous ceux et toutes celles qui crient au bord des chemins tortueux de notre monde et qu’on aimerait ne pas entendre. Aujourd’hui, elle continue de parcourir le monde au rythme de nos pas et annonce cette bonne nouvelle pour qui y prête attention : « Va, ta foi t’a sauvé ».
C’est cette parole, cette parole de Vie, qui me fait, qui nous fait marcher. Alors, en route !
Amen.
Confession de foi : un Dieu en marche
Prière d’intercession
A l’image de ceux qui accompagnaient ton Fils,
Nous voulons, à notre tour marcher auprès de ceux qui souffrent physiquement et moralement. Et te les confier.
Rayonne de ta présence aimante à leurs côtés et ouvre-leur un chemin lumineux. Et nous te les nommons dans le secret de notre cœur.
A l’image de ceux qui suivaient ton Fils sur les chemins du monde, nous voulons proclamer ta grâce toujours et à nouveau.
Seigneur, exauce-nous. Amen.
Photo : Pixabay – Free Photos
Bénédiction
Dieu parmi les hommes
Dieu sur nos chemins
Proche est ton royaume
Viens ! viens !
Nous sommes en marche vers le Royaume de Dieu qui est déjà là où nous sommes. Nous sommes en route à la suite du Christ qui nous ouvre à la rencontre, vraie et sincère. Nous sommes en marche avec nos frères et nos sœurs sous la conduite du Dieu trois fois saint et trois fois béni.
Allez dans la joie et la paix.
Que le Seigneur, notre Dieu, vous bénisse et vous garde aujourd’hui et toujours. Lui le Père, le Fils. En Marche ! Amen !
Comportez-vous en hommes libres, sans faire de la liberté un voile qui couvre la méchanceté mais en agissant au contraire comme des serviteurs de Dieu.
Unissons-nous dans la prière :
Seigneur,
Tu as libéré ton peuple pour le conduire vers une Terre Promise. Et tu as fait de lui un peuple saint, un peuple de prophètes et de serviteurs. Aujourd’hui, et nous aussi, nous sommes héritiers de cette liberté
que tu veux pour chaque humain.
Nous te prions pour tous ceux et toutes celles dont les libertés et les droits sont bafoués ; qui sont emprisonnés, torturés, exécutés à cause de leur foi, de leur voix et de leurs engagements.
Nous te prions pour tous ceux et toutes celles qui fuient leur pays, qui sont sur les routes du monde, au péril de leur vie, en quête de liberté. Place sur leur chemin des cœurs ouverts et accueillants qui sauront les recevoir, des oasis de paix où ils connaîtront l’hospitalité.
Nous te prions pour nous-mêmes. Aide-nous à ne pas abuser de nos libertés, mais à en user avec intelligence. Rends-nous sensibles et attentifs à nos sœurs et nos frères en humanité, afin qu’ensemble nous défendions la liberté que tu veux pour chacune et chacun de nous.
Prions dans le silence de notre cœur :
Silence
Libres, nous le sommes, Seigneur.
Et nous voulons maintenant rassembler toutes nos prières dans les mots que ton Fils, ton bien-aimé, Jésus notre frère,
nous a lui-même enseignés. Nous te disons d’une seule voix et d’un seul cœur :
Notre Père qui es aux cieux,
Que ton nom soit sanctifié,
Que ton règne vienne,
Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel,
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour,
Pardonne-nous nos offenses,
Comme nous pardonnons aussi,
A ceux qui nous ont offensés,
Et ne nous laisse pas entrer en tentation,
Mais délivre-nous du mal.
Car c’est à toi qu’appartiennent le règne,
La puissance et la gloire,
Pour les siècles des siècles,
Il y a 400 ans naissait Jean de La Fontaine, célèbre pour ses fables qui mettaient en scène un bestiaire varié, allant de la fourmi au bœuf. Pour lui rendre hommage, l’artiste Daniel Richard a mis sur pied une exposition le long du sentier Torby, au cœur des tourbières des Ponts-de-Martel (NE). Je ne vais pas tout dévoiler, mais j’ai envie de vous donner envie, de prendre du temps, et du bon, pour flâner et méditer au gré des mots d’un autre temps.
Depuis la fin du mois de mai, le sentier Torby dans la tourbière des Ponts-de-Martel accueille une exposition originale : des fables de Jean de La Fontaine, né le 8 juillet 1621. Élégamment mises en scène dans cet écrin de verdure par l’artiste local Daniel Richard, elles m’ont rappelé des leçons de récitations à l’école. Vous savez bien : « La cigale, ayant chanté tout l’été… » Daniel et son épouse Jacqueline se sont associés aux classes de l’école primaire pour donner vie à ces textes d’autrefois. La météo, devenue enfin clémente, nous a permis de parcourir cet sentier que nous connaissons bien pour y dénicher ces fables à regarder, à lire et à admirer.
Daniel est coutumier des expositions dans le marais. Ses vitraux y ont une place de choix. Le 12:45 de la RTS y avait consacré un reportage en 2014 déjà.
Des maximes intemporelles et universelles
À relire ces textes, on y découvre un « vieux » français, mais surtout des maximes qui sont toujours d’actualité. On se souvient de « Il ne faut pas avoir les yeux plus gros que le ventre », « Rien ne sert de courir, il faut partir à temps », « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » et tant d’autres. Chacune a sa part d’universel, dit quelque chose à nos oreilles contemporaines, nous fait réfléchir à la réalité du temps qui passe. Cette expo est composée de Morbiers en marche, signes du temps qui passe, et le premier nous invite à prendre le temps.
Le temps passe. N’oubliez pas de le prendre
Par ici la visite
Comme je l’ai dit, je ne vais pas tout dire, tout montrer, tout dévoiler. Je voudrais juste vous inviter à venir, à marcher au rythme de vos pas et des textes, à vous laisser inspirer par ce que vous verrez et entendrez. Je suis certain que vous ne verrez pas le temps passer. Je crois d’ailleurs que c’est bien là le but de cette exposition : nous faire voyager entre passé, présent et futur.
Connaissez-vous Dame Belette ?
Damoiselle Belette, au corps long et fluet,
Entra dans un grenier par un trou fort étroit :
Elle sortait de maladie.
Là, vivant à discrétion,
La galante fit chère lie,
Mangea, rongea : Dieu sait la vie,
Et le lard qui périt en cette occasion !
La voilà, pour conclusion,
Grasse, mafflue et rebondie.
Au bout de la semaine, ayant dîné son soû,
Elle entend quelque bruit, veut sortir par le trou,
Ne peut plus repasser, et croit s’être méprise
Après avoir fait quelques tours,
« C’est, dit-elle, l’endroit : me voilà bien surprise ;
J’ai passé par ici depuis cinq ou six jours. »
Un Rat, qui la voyait en peine,
Lui dit : « Vous aviez lors la panse un peu moins pleine.
Vous êtes maigre entrée, il faut maigre sortir.
Ce que je vous dis là, l’on le dit à bien d’autres ;
Mais ne confondons point, par trop approfondir,
Leurs affaires avec les vôtres. »
Celle-ci est évidente
Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute
Maître corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
« Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois. »
À ces mots, le corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le renard s’en saisit, et dit : « Mon bon monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. »
Le corbeau honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
En route…
Le coton de chez nous : les linaigrettesOuvrez l’œilDes airs de ToundraUn indice vers la prochaine fableLà, ça devient évidentVous chantiez, j’en suis forte aise…
La Cigale, ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’août, foi d’animal,
Intérêt et principal. »
La Fourmi n’est pas prêteuse :
C’est là son moindre défaut.
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
— Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
— Vous chantiez ? J’en suis fort aise.
Eh bien ! Dansez maintenant. »
Et celle-ci, la devinez-vous ?
Le paon se plaignait…
Le Paon se plaignait à Junon.
» Déesse, disait-il, ce n’est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure :
Le chant dont vous m’avez fait don
Déplaît à toute la nature ;
Au lieu qu’un Rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu’éclatants,
Est lui seul l’honneur du printemps. »
Junon répondit en colère :
» Oiseau jaloux, et qui devrais te taire,
Est-ce à toi d’envier la voix du Rossignol,
Toi que l’on voit porter à l’entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies ;
Qui te panades, qui déploies
Une si riche queue, et qui semble à nos yeux
La boutique d’un lapidaire ?
Est-il quelque oiseau sous les cieux
Plus que toi capable de plaire ?
Tout animal n’a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diverses qualités :
Les uns ont la grandeur et la force en partage :
Le Faucon est léger, l’Aigle plein de courage;
Le Corbeau sert pour le présage ;
La Corneille avertit des malheurs à venir ;
Tous sont contents de leur ramage.
Cesse donc de te plaindre, ou bien pour te punir
Je t’ôterai ton plumage.
La balade se termine
Revenus à notre point de départ, nous passons devant la cabane du Tourbier qui reproduit ce qu’était cette maisonnette des ouvriers de la tourbe.
Une cabane accueillante
Et pour terminer un reportage sur ce qu’était l’exploitation de la tourbe aux Ponts-de-Martel.
Au moment de quitter le bas du village, j’entends une voix indignée : eh oui, on a oublié la fable des deux chèvres. Et ça en a vexé au moins une :
Et moi, on m’a oubliée
Au plaisir de lire vos commentaires, peut-être après la visite de cette exposition.