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Ça recommence

Tout est dans la manière de prononcer ces mots.

ENFIN ! qui traduit toute l’impatience de retrouver ceux qu’on n’a plus vus depuis tout ce temps, des lieux familiers qui nous font nous sentir « comme à la maison » et des habitudes qui rassurent.

ENCORE ! qui laisse entendre un profond soupir quand votre voisin se met à passer la tondeuse, alors que vous vous installez confortablement dans votre jardin pour lire ce billet.

« Ça recommence. » Pour nos Églises aussi, ça recommence : le Conseil fédéral a annoncé la possibilité de reprendre les offices religieux dès le 28 mai prochain (un jeudi, allez savoir pourquoi). Et tout se précipite. J’ai vite pris conscience d’une tension entre « C’est urgent de recommencer, on est impatient de se revoir enfin. » et « Prenons le temps de bien mettre en place les mesures et réfléchissons à comment on va recommencer. »

Parce que nous avions fixé l’horizon du 8 juin comme date de reprise. Nous avons imaginé des cultes particuliers et spéciaux pour Pentecôte, s’attendant à les vivre encore à distance. Et voilà que tout change, que tout s’accélère. Tant mieux d’un côté. Mais tant pis de l’autre. Vraiment ? Renoncera-t-on à ce qu’on a préparé ou devrons-nous l’adapter, comptant sur une assemblée présente plus ou moins nombreuse ?

Je suis partisan de la « méthode Berset » :

il nous faut reprendre les cultes aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire.

Il n’a pas fallu très longtemps pour oublier nos belles promesses de ne plus courir après le temps, de ne plus stresser, d’adopter un rythme plus lent, plus sain.

Une annonce et voilà que tout est oublié, ou presque.

« Ça recommence » dirons-nous : on devra se désinfecter les mains en entrant et en sortant, on devra tenir une liste des présences, on devra renoncer aux cantiques et à la sainte-cène, on devra se prêter à de savantes règles de trois pour déterminer le nombre maximum de participants. Comme juste avant le confinement.

Dans ces conditions, le « culte de rentrée » aura-t-il les couleurs d’une fête ?

Et pourra-t-on dire tous ensemble la confession de foi, sans risque de contaminer son voisin ? Et l’Amen, on pourra aussi le prononcer ? Notre manière de nous accueillir, de célébrer, nos mots seront forcément différents d’avant le 15 mars.

Nous ne pourrons pas simplement reprendre là où nous nous sommes arrêtés. Enfin, je crois.

Nous sommes plusieurs à nous demander ce que nous garderons de notre créativité durant ces semaines de crise. Comment rester en lien avec celles et ceux qui nous ont rejoints et suivis sur nos sites paroissiaux. Ils ont été nombreux. On ne les connaissait pas tous. Va-t-on tout remiser cela au fond d’un tiroir jusqu’à la prochaine crise ? Comment préparer et célébrer des cultes qui tiendront compte de ceux qui sont présents à l’église et de ceux qui resteront chez eux ? Filmer, enregistrer, publier le culte ? Comment concilier paroisse proche et à distance ?

Autant de questions qui sont aujourd’hui des chantiers ouverts à explorer par les ministres, les conseils et les bénévoles, et qui exigent un peu de temps, pour le moins.

Comme ce fut le cas des premières communautés chrétiennes, il s’agira désormais de compter avec le facteur temps : penser une autre manière d’être ensemble.

Alors, je vous laisse avec cette parole de l’Évangile de Matthieu adaptée à la situation et à relire aussi souvent que nécessaire :

Avant de reprendre les cultes, retire-toi dans ta chambre, ferme la porte. Ton Père qui est dans le secret voit et sait de quoi tu as besoin… Puis sors et va boire une bière.

Je vous laisse. Ne roulez pas trop vite ni trop lentement pour vous rendre au culte… au Nord-Pas-de-Calais ou ailleurs.

Images tirées de pixabay.com et Youtube.

Une question piège

Il y a quelques jours, j’ai lancé cette question en vue de la rédaction de cet article :

Que pourrait être un diacre ?

Les réponses ont été variées, mais surtout, elles m’ont (dé)montré que si la question dérangeait, elle n’en était pas moins importante. Mais elle est piégeante, voire piégée.

En effet, soit elle renvoie à une définition par trop généraliste du portrait diaconal tel qu’il est défini par l’office qui le forme, soit elle m’entraîne sur le terrain glissant de la Dispute ecclésiologique, tant les compréhensions sont plurielles.

Alors, j’aurais pu refermer la question, et j’y ai pensé, et passer à autre chose. Ou, reprendre les quelques pistes de réponses reçues en commentaires sur Facebook. C’est ce que je fais ici. Surtout que sur ce blog, je peux m’exprimer en mon nom.

Merci au passage à ceux et celles qui ont pris la peine de participer à la discussion.

Donc voici, ce que pourrait être un diacre :

1. Décomplexé

Voilà qui met le doigt sur ma manière de me définir et de me présenter comme diacre. Je souffre, quand même et malgré tout, d’un complexe d’infériorité par rapport à la figure du pasteur. Même si, la plupart de ceux et celles que j’ai rencontrés ne me l’ont jamais fait sentir. Ça doit être une question de confiance en soi.

Il y a peu, un collègue catholique me demandait si, en tant que diacre, j’étais subordonné au pasteur, s’il était mon chef. Non, lui et moi, sommes sur un pied d’égalité, au moins en théorie. Ça tient à la structure différente de nos Églises catholique et réformée. Mais, j’ai parfois ce sentiment que lui en sait plus que moi et qu’il pourrait me le faire remarquer. C’est sans doute vrai. Mais lui, pourrait bien penser la même chose de moi.

2. Parfait

Voilà qui me plaît, car je suis parfait !

Mais non, je plaisante. Vous connaissez certainement la boutade : « Le Parfait n’existe qu’en tube ! » Note pour mes lecteurs non-suisses : Le Parfait est une pâte à tartiner à base de foie.

Mais si je comprends « parfait » au sens biblique d' »accompli », alors je me considère toujours en voie d’accomplissement. Je ne recherche pas la perfection, qui n’est pas de ce monde, mais j’aspire à cet horizon de l’accomplissement, d’une manière de devenir qui je suis, sans complexes. Et ce qui fait le coeur de mon engagement, la rencontre, me permet de viser cette horizon.

3. Humain

C’est tellement évident que je n’y avais pas pensé. Mais, toutes mes expériences m’ont conduit à vivre l’humanité au plus près, à l’accompagner jusqu’à son terme, à cheminer et à être bousculé par des questions qui se posent justement quand on touche à cette frontière entre vie et mort.

J’ai été amené à visiter la mienne d’humanité en particulier. Être humain, c’est certainement le meilleur moyen d’être parfait, reconnaissant mes limites, mes forces, mes faiblesses, mon potentiel, mes qualités et mes défauts.

4. Heureux

Être heureux, c’est bien plus qu’éprouver de la joie. J’aime beaucoup la traduction des Béatitudes par André Chouraqui : il remplace « Heureux » par « En marche ». Cela me parle, car un diacre est en mouvement, il évolue, il progresse, il s’accomplit. Il devient de plus en plus, et sans doute de mieux en mieux, lui-même. Et un pasteur ? me direz-vous. Aussi sans doute.

Heureux, c’est être bien dans ses baskets, à l’aise dans mes engagements, avec un grain de créativité et de folie, parfois ou souvent bridées par l’institution ou les besoins à combler. Car tout le monde comprendra qu’il est plus urgent d’assurer un culte dominical plutôt que d’esquisser les contours d’un projet de lieu d’écoute qui peut facilement être reporté à (beaucoup) plus tard.

5. Dérangeant

Un grain de sable dans les rouages. Un caillou dans la chaussure. Une écharde dans la chair (pour reprendre des propos de Jean-Jacques Beljean dans la revue Itinéraires n°82 de 2013). Voilà aussi ce que pourrait être un diacre.  Sa vocation sera celle de rappeler que l’Église n’est pas seulement faite de célébrations et que l’œcuménisme ne se manifeste pas que dans des liturgies policées. D’ailleurs, les liturgies ont une portée diaconale, puisque que la signification est « service du peuple ». L’Église avance sur deux jambes : la proclamation de la Parole et le service au prochain. Il me semble que pendant ce temps de confinement, les paroisses, et nous, avons mis beaucoup de forces et de ressources dans le cultuel. C’est bien, mais n’avons-nous pas sautillé sur un pied ?

Le diacre amène le monde. Ne comprenez pas qu’il devrait remplir les temples et églises, mais il rappelle que la paroisse a le souci de s’ouvrir au monde environnant plutôt que de se refermer sur elle-même et sauver ses membres les plus fidèles.

C’est aussi lui qui, dans le sens inverse, amène l’Église là où elle n’est pas ou plus, ce qu’on appelle les marges : les institutions de soins, les prisons, la rue, les migrants et d’autres encore.

Assumant un rôle d’aumônier, il sera aussi cette voix qui dérange, qui met le doigt là où ça fait mal, qui rappelle des valeurs aux institutions. Ou il deviendra le porte-parole de ceux qui n’ont que le droit de se taire.

6. Corvéable ?

Le diacre serait-il la bonne à tout faire de l’Église ? Certainement pas. Il en est un de ses ministres à part entière, mais pas toujours reconnu comme l’égal des pasteurs.

J’ai assumé beaucoup de fonctions différentes, rendu de multiples services, endossé des responsabilités, parce que j’avais des compétences dans des domaines particuliers. Je n’ai pas toujours su dire non. Encore un problème de confiance en soi ou de complexe. J’en ai retiré de la satisfaction, souvent; du succès parfois, de la reconnaissance, pas toujours.

Conclusion

La discussion n’est certainement pas close. Elle peut d’ailleurs se poursuivre par vos commentaires. Je le souhaite. Mais, la question reste ouverte. Tant mieux.

Ces quelques réflexions sur le vif font écho à ce que je pouvais imaginer avant de me lancer dans le diaconat.

Et si la réponse était toute simple finalement ? Être vivant, confiant et conscient de mes qualités et de mes défauts, aimer les autres et vivre tout simplement. Les réponses arriveront quand elles arriveront.

 

[Cet article peut être modifié par vos commentaires].

En quête d’équilibre

Avant de lire plus avant ce billet, je vous invite à écouter ce petit message et à faire un peu d’exercice, parce que c’est important de bouger.

Les choses bougent, gardons le cap !

Dès ce lundi 11 mai, nous allons devenir des équilibristes, avançant un pas après l’autre vers un peu plus de normalité. Mais, cette marche sera à l’image de celle des funambules, penchant tantôt du côté de la joie retrouvée et l’envie de « se lâcher », tantôt du côté de la peur d’une seconde vague aux conséquences incertaines. L’important, pour nous comme pour le funambule, est de regarder loin devant; de fixer l’horizon. Car, si on se focalise sur la pointe de ses pieds, c’est la chute assurée.

Il s’agit donc d’avancer aussi rapidement que possible, mais aussi lentement que nécessaire.

Trouver un nouvel équilibre, mais pas celui d’avant

Avec la réouverture des magasins, des restaurants, des écoles, des musées et des bibliothèques, nous allons goûter à un vent de liberté retrouvée. Mais, en même temps, ce ne sera pas le temps d’avant. Tant mieux, peut-être. Il nous faudra garder nos distances, nos habitudes du lavage des mains, faire plus attention à soi et aux autres. Même si pour certains, tout cela ne relève que du complot.

Depuis deux mois, nous nous sommes habitués à vivre, à travailler et à étudier autrement. Nous avons plus ou moins trouvé notre équilibre entre travail à distance, école à la maison, vie familiale et loisirs tous ensemble à l’intérieur ou dans le jardin. Nous avons appris à nous parler par Skype, Zoom ou Whatsapp. Ça a été un vrai apprentissage, pour les profs comme pour les élèves, les patrons comme les employés, les parents comme les enfants. Pour les aînés aussi. Qu’en garderons-nous ?

Maintenant, il nous est demandé de reprendre le chemin du travail, de l’école. On n’en a peut-être pas forcément envie. On était bien. Donc, là encore, il nous faut trouver une motivation renouvelée, un nouvel élan, se bouger.  Dans ces prochaines semaines, ce ne sera pas la vie d’avant. Ce sera le début de notre nouvelle vie, celle d’après. Sera-t-elle plus écologique, plus solidaire, plus tournée vers l’essentiel et l’humain ? L’avenir nous le dira. Mais le présent a mis en lumière ce qu’on avait oublié.

Des réalités se font jour

Ces derniers jours, nous avons été nombreux à être scandalisés en voyant ces files d’attentes d’hommes et de femmes qui venaient chercher un cabas de denrées alimentaires. On avait oublié que, dans notre pays dit riche, il y a des travailleuses et des travailleurs de l’ombre, des sans-papiers qu’on ne voulait pas voir. Le chômage les a fait sortir. La crise a révélé une précarité criante.  Et d’autres, bien mieux lotis, faisaient eux aussi la queue pour s’acheter leur premier… Big Mac après deux mois de confinement.

On s’est aussi félicité de la solidarité qui s’est manifestée pour venir en aide aux aînés d’abord. On les disait les plus à risque, les plus isolés. On a affirmé qu’on ne les oubliait pas. Mais maintenant, ces mêmes aînés en ont assez d’avoir une étiquette de « personnes à risques » (j’ai entendu « pestiférés »). Ils aimeraient qu’on leur fiche la paix. Car beaucoup, à 65 ans et plus, sont actifs, sportifs, conduisent leur voiture et voudraient aider, aimeraient sortir sans qu’on les regarde de travers. Ils aimeraient et pourraient soulager les parents qui iront travailler en gardant leurs petits-enfants, mais ils peuvent que les embrasser, pas beaucoup plus.

Il y a un ras-le-bol et ce slam pour le crier haut et fort :

https://twitter.com/i/status/1257014561011466240

Le téléjournal ne nous montre plus d’échos des applaudissements aux balcons à 20:00 pour soutenir le personnel soignant. Il s’agit maintenant de ne pas les oublier, de former plus d’infirmières et infirmiers en Suisse et de revaloriser leur statut et leurs conditions salariales. Il s’agit de ne pas oublier non plus tous ceux qui ont été mis en avant au plus fort de la crise. Ils restent encore au front.

Une marche sur un fil trop lente, trop rapide ?

Notre marche, dès le 11 mai, ressemblera certainement à celle des funambules plus ou moins aguerris. Nous tenterons de trouver et de tenir l’équilibre. Les risques de faire faux tout comme les tentatives de se rattraper seront nombreuses, à commencer par le bon usage du masque. Là où il est indispensable, là où il est superflu.

Nous marcherons malgré tout sur nos deux pieds à des rythmes différents, trop lents pour les milieux économiques, trop rapides pour des parents. Symboliquement, nous serons en marche sur nos deux pieds. l’un sera celui de la lucidité, parce que nous sommes dotés d’une intelligence et l’autre celui de l’espoir, parce que nous pouvons craindre le meilleur (!) L’un entraînant l’autre.

Bonne marche.

Image par Tumisu de Pixabay

 

Diacre ou pasteur, faudrait-il choisir ?

À un moment, la question du choix entre pasteur ou diacre s’est naturellement posée. C’était à quelques mois de la fin du parcours des Explos théologiques. Quelle orientation prendre ? Quelle filière suivre ? Parmi les formateurs et mes compagnons, certains me voyaient devenir pasteur. Moi, je ne savais pas. Alors, pourquoi avoir finalement choisi d’être diacre ?

Une question essentielle

La réponse à la question de ma formation future allait influencer les prochaines années de ma vie professionnelle et personnelle. Je me suis d’abord renseigné sur le pastorat, sur les conditions d’admission à l’université, les facultés, les frais, les possibilités. Évidemment que ces aspects sont différents si on les considère à 18 ans ou à près de 40, comme c’était mon cas. Ou si ces questions se posent dans la continuité d’une formation ou dans une formation d’adultes, après une longue période loin des écoles. J’avais un engagement professionnel et ne pouvais pas compter sur des parents qui m’auraient sans doute aidé à assumer.

Aspects pratiques

Je me souviens d’un entretien avec le professeur et ami Felix Moser qui envisageait déjà des équivalences entre ce que j’avais acquis en formation et les exigences universitaires. Les premiers éléments de réponse m’ont aussi montré que les facultés se trouvaient dorénavant à Lausanne ou Genève. J’aurais eu encore à « rattraper » l’hébreu et me remettre au grec que j’avais commencé d’étudier à l’école secondaire. Une possibilité pouvait être aussi de suivre les cours à distance dispensés par la faculté de théologie de l’Uni de Genève. Comment concilier études exigeantes et travail au quotidien ? Sans doute possible, d’autres l’ont fait. Allais-je tenir dans la durée ? Autant de questions qui tournaient dans ma tête. Conclusion du moment : la porte n’était ni complètement fermée ni grande ouverte, elle restait entrebâillée.

Oui, certainement que j’aurais pu rejoindre les bancs d’une faculté, mais je ne m’en sentais pas à la hauteur. Je l’écris en toute franchise. Je voyais ces études comme une montagne quasi infranchissable. Même si j’étais persuadé que la foi peut déplacer des montagnes.

Je me suis alors intéressé à la formation diaconale.

Pas un choix de seconde main

N’allez pas croire que c’était un choix au rabais, le premier m’étant peu accessible. Non, je l’ai envisagé avec autant de sérieux que la filière universitaire. Les descriptions que j’ai lues de la diversité de ce ministère sur le site de l’OPF m’ont motivé. Aujourd’hui, même si ce profil a évolué, il reste dans les grandes lignes ce à quoi j’avais été sensible à l’époque et qui figure encore sur le site d’orientation.ch : l’accompagnement, la célébration, l’animation, la communication. La diversité des possibles me correspondait et me motivait. Plus je me documentais, plus j’étais persuadé que le diaconat était fait pour moi et moi pour lui. D’autant plus que j’étais déjà engagé à un petit pourcentage comme aumônier laïc dans deux homes pour personnes âgées où je m’exerçais déjà à ces aspects pratiques.

La décision est prise

Je me suis donc décidé pour la formation diaconale. Revenons brièvement sur les modalités de cette formation : elle se déroulait sur des week-ends, le plus souvent à Neuchâtel, et durait trois ans. Le contenu des différentes sessions m’a convaincu que j’avais fait le bon choix. Mon engagement d’aumônier m’a donné une longueur d’avance sur mes camarades de formation qui, eux, devaient encore chercher des possibilités de stage dans leur Église.

Durant ces trois années, j’ai retrouvé aussi le plaisir de l’étude, de la rédaction de travaux, la lecture et le travail exigeant de la réflexion, sans oublier le partage et la discussion entre collègues, venant d’horizons différents.

J’ai été encouragé dans cette voie. Certains amis et collègues m’affirmaient que j’étais fait pour cela. D’autres, peu nombreux, exprimaient leurs regrets : je gâchais une belle opportunité. Comme si, pour eux, le diaconat était un deuxième choix.

Une difficulté à me situer

Cependant, tout au long de la formation, je ressens une difficulté à définir mon profil de diacre. Encore aujourd’hui, ce n’est pas évident. Il y a toujours et encore cette tentation d’une définition par la négative : je suis comme un pasteur, mais… Non, je suis diacre, pas pasteur…

À part un parcours de formation différent et peut-être une orientation tournée vers le lien entre Église et société, je ne voyais pas de grandes différences entre pasteurs et diacres. Surtout que les échos de mes compagnons de formation montraient le flou entre les deux ministères.

La formation ne m’a pas permis d’ailleurs de résoudre cette question. Elle reste toujours délicate pour moi et j’éprouve un malaise quand on me demande : c’est quoi un diacre ?

J’ai aussi rencontré des pasteurs qui avaient une fibre diaconale très marquée et des diacres qui étaient des pasteurs nés.

Dans mon ministère d’aumônerie auprès des aînés, le personnel ne s’embarrassait pas de cette nuance. Pour beaucoup, j’étais Monsieur le pasteur, voire Monsieur le curé… qui était marié. Les résidents eux non plus ne faisaient pas de différence. Sans doute, avaient-ils raison.

C’est un livre de Laurent Schlumberger, Sur le seuil, les protestants au défi du témoignage, qui m’a donné une première ébauche de réponse : être sur le seuil de l’Église, un pied dedans et un pied dehors. D’ailleurs les aumôneries portent bien cette dimension en allant à la rencontre de ceux qui ne viennent pas (ou plus ou pas encore) à l’église.

Une part en soi ou comment tu choisis la bonne part

C’est une collègue qui a eu les mots libérateurs. Elle me répondit, alors que je partageais ma difficulté : chacun de nous porte une part de féminin et de masculin en soi. C’est pareil, nous les diacres avons une part du pasteur, comme nos collègues pasteurs portent une part diaconale.

Ainsi, il n’y a plus à choisir ni à tenter une définition qui exclurait l’un des ministères au profit de l’autre. Je suis diacre et pasteur. À différents moments, je me sens plutôt diacre dans l’accompagnement, la mise en route de projet. À d’autres moments, je prends un rôle de pasteur en célébrant un culte ou en présidant un service funèbre, par exemple. Ce dernier étant, et quoi qu’on en dise, un acte diaconal : il s’agit de s’adresser à une assemblée aux croyances diverses, à donner un message à la fois clair et ancré dans le quotidien de la vie, à accompagner des émotions, à collaborer avec des acteurs civils…

Mon rôle de responsable à La Margelle, lieu d’écoute et d’accompagnement en Ville de Neuchâtel allie également ces deux facettes de ma personne. J’y vis des aspects très pratiques liés à la bonne marche du lieu et au bien-être de l’équipe et j’accompagne spirituellement les bénéficiaires, faisant parfois du catéchisme d’adulte et de la théologie pratique.

Il ne me faut plus choisir

Arrivé à La Neuveville, j’imaginais être à nouveau confronté à la question : et un diacre, c’est quoi ? Mais non, cela ne s’est pas produit. Les paroissiens, pour la plupart, me saluent et me reconnaissent comme diacre.

La mission et notamment la célébration de services funèbres ont révélé que, pour l’Église cantonale bernoise, il y a une stricte séparation entre pasteurs et diacres. Cela tient à une compréhension différente entre alémanique et francophones. Du côté alémanique, c’est l’engagement social qui est mis en avant. Du côté romand, on privilégie une définition à géométrie plus variable. Mais, les choses évoluent et bougent. Depuis peu, la pandémie aidant, les diacres francophones bernois sont reconnus et autorisés à célébrer des services funèbres.

Il n’y a plus de question à avoir

J’ai un peu hésité quant au titre de cet article. Finalement, je retiens celui-ci : faudrait-il choisir ?

Et je peux conclure en répondant que je n’ai plus à choisir entre pasteur et diacre, puisque je suis les deux. Cela me rappelle une remarque de la commission de consécration de l’EREN : « Tu es un diacre atypique avec une forte couleur pastorale. » Ça me va bien.

Finalement, ce qui est essentiel, ce n’est pas tant de me battre pour savoir ou faire savoir que je suis diacre, mais bien ma manière d’être au service du Christ et de mes prochains. Si j’ai une fibre pastorale, eh bien tant mieux. Un ami et collègue, dans un commentaire Facebook, parle de sa manière de porter l’habit de la fonction et de la foi plutôt que d’être lui-même l’habit. J’aime beaucoup cette image : ce n’est pas l’habit qui fait le diacre, mais le serviteur porte bien l’habit. Qu’il soit pastoral ou diaconal, d’ailleurs.

Je partage Itinéraire diaconal par Maurice Gadriol. Ce texte de 1994 (!) garde toute son actualité, voire inspire une manière de considérer les divers ministères et engagements non comme des concurrences ou des « chasses gardées », mais comme une diversité bienvenue pour la communauté. C’est d’ailleurs cette diversité qui donne vie à la communauté.

Cet article a suscité des réaction sur Facebook. Ceux-ci se focalisant plutôt sur des questions de la formation, je les reproduirai en commentaires ci-dessous.

 

Image par Free-Photos de Pixabay

 

 

Retour vers le passé

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Billet un brin défaitiste ou réaliste

Depuis quelques jours, on entend parler de déconfinement.  On se réjouit de retrouver sa coiffeuse, son médecin, et même son dentiste. En même temps, on a vu apparaître le #retouràlanormale, alors qu’avant, en pleine crise, on espérait le retour à l’essentiel.

On avait dit que tout changerait

Que restera-t-il d’essentiel ? Que retiendrons-nous de ces semaines passées à la maison ? Auront-elles un impact sur notre vie d’après ?

Pas si sûr. J’espérais encore il y a peu qu’on changerait nos habitudes de consommation, mais je constate que ce sera plutôt un retour à la normale qui nous attend.

À la fin du mois d’avril, on a vu ces automobilistes faire la queue devant les Mc Do pour acheter des hamburgers. Certains ont attendu jusqu’à deux heures avant d’acheter enfin l’objet de leurs rêves, comme le relève la Tribune de Genève sur son site (consulté le 1er mai 2020).

On se promettait que la solidarité perdurerait, qu’on ferait attention à garder plus d’humanité désormais et que l’économie ne dicterait plus notre société. On avait dit… Et pourtant, dès que l’étau se desserre un peu, voilà qu’on court acheter ce qui est l’archétype de la société de consommation.

Acheter un burger n’a rien d’essentiel, enfin je crois, mais c’est le signe qu’on retrouve un rituel. Le burger est un signe que nous retournons à la normalité denos vies. C’est la même chose pour les jardineries et les magasins de bricolage. S’occuper enfin de son jardin laissé en friche ou s’attaquer à la peinture du corridor disent que nous retrouvons des activités normales. Enfin.

Aller chez sa coiffeuse chaque semaine, boire son café tous les matins au bistrot du coin, consulter son médecin une fois par mois pour être sûr que tout va bien n’est pas essentiel. Mais, cela me dit que ma vie est normale. Ce sont des repères. Et ils ont été bouleversés depuis plus d’un mois. On a un peu perdu pied. Il  s’agit de retrouver sa stabilité. Et même si beaucoup affirmaient qu’il y aurait un avant et un après, je constate qu’il n’est pas si facile de changer ses bonnes vieilles habitudes.

C’est peut-être cela l’essentiel : des repères qui me disent que ma vie est normale.

Mais alors, où sont passées nos bonnes résolutions du mois d’avril : moins de consommation, moins de superflu, plus d’essentiel ? Envolées !

http://https://youtu.be/V9Po8lSIKww

Qu’est-ce qu’on attend au fond ?

Ce qu’on attend, ce n’est pas tant un retour à l’essentiel qu’un retour à la normale, à la vie d’avant le 13 mars 2020. Là où il était possible de passer une soirée entre amis dans un bar, manger des hamburgers entre copains dans l’enseigne au clown jaune. On n’attend plus que ce moment de se prendre dans les bras et de trinquer à moins de deux mètres distance. On aimerait tellement se réveiller et pouvoir se dire : « Ouf, ce n’était qu’un mauvais rêve. Tout va bien ! »

Retour à la normale. Le slogan n’est pas nouveau. En préparant ce billet, j’ai trouvé cette affiche sur ce site.

Elle date de 1968. Elle est un appel après les événements de mai à revenir à la normale. L’image est éloquente : des moutons marchant tous dans la même direction, tête baissée.

Je me disais, il y a un mois, qu’on risquait bien de retomber dans nos travers. Aujourd’hui, je suis certain, à quelques exceptions près, que nous allons tout droit les retrouver, nos travers, nos habitudes, nos esclavages de toutes sortes qui nous faisaient nous plaindre : pas le temps, pas les moyens. Si seulement je pouvais souffler… J’espère me tromper. Vraiment. Mais…

Christ nous a rendus libres pour que nous connaissions la vraie liberté. C’est pourquoi tenez bon et ne vous mettez pas à nouveau sous le joug de l’esclavage.  – Galates 5,1.

Qu’est-ce qui restera ?

Je ne peux pas le dire. Mais, j’imagine que des commerces ne rouvriront peut-être pas. Une vigilance quant aux distances sanitaires, à la désinfection des mains et des files d’attente deviendront certainement de nouvelles normes. Mais, sur le fond, je crois que nous allons retourner vers le passé. Nostalgie, quand tu nous tiens !

Un mot encore de nos vies de paroisses qui ont, elles aussi, été profondément impactées : nous sommes nombreux dans l’Église à avoir lancé des initiatives nouvelles à lire, à écouter, à regarder notamment sur les réseaux sociaux. Celles-ci ont touché plus largement que le cercle de nos paroissiens habitués ; nous en avons eu des échos positifs. Nous espérons qu’il en restera quelque chose. Que ce ne sera seulement une « créativité pour temps de crise » qui sera remisée dans un coin, parce qu’on pourra à nouveau nous retrouver, nous embrasser, nous serrer la main… Comme avant.

Tout cela risque bien d’arriver, si nous nous contentons de nous reposer sur un « oreiller de paresse » et espérer un monde meilleur.

Aurais-je perdu tout espoir d’un monde meilleur ? Non, mais cette liberté à faire et à être autrement est dans nos mains. Il ne tient qu’à nous que cela change. Mais, ce ne sera sans doute pas facile.

Qui a prétendu que changer le monde était facile ?

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Image par Pexels de Pixabay