Priez ! Rompez !

La nouvelle ne vous aura sans doute pas échappé ou si, justement. La RTS a relayé l’info que le 5 juillet dernier, les membres d’un bataillon militaire ont été choqués, voire blessés, par l’invitation de l’aumônier militaire à prier le « Notre Père ». Dans les rangs de l’armée, comme dans les couloirs des institutions de soins, l’aumônier n’est plus ce qu’il était et est appelé à devenir qui il devra. Et si l’aumônier quittait l’Église ?

L’espace public, l’espace laïc ?

Dans un autre billet, j’ai fait mention de la présence de la diaconie dans l’espace public. Je la conçois comme une manière d’animer, de donner de la vie, de provoquer l’invitation et la convivialité et aussi, par ce biais, d’aborder des questions plus profondes, existentielles et spirituelles. Je pensais m’arrêter là, mais la dépêche mentionnée plus haut, et les propos suivants me font réagir.

De nombreux militaires ont été choqués, voire blessés, par ce moment. La lecture de la Bible et surtout l’invitation à la prière ont été ressenties comme une atteinte à leur liberté de croyance. D’autant que ce bataillon est composé majoritairement de Genevois, un canton laïque où l’Etat doit observer une stricte neutralité religieuse.

Les mots sont durs : « choqués », « blessés » par une invitation qui est entendue comme une obligation : « Compagnie, priez ! » Je ne connais pas l’aumônier en question (ou je ne crois pas le connaître). Mais n’est-ce pas son rôle que de remettre l’Église au milieu de la troupe ? Je n’ai pas entendu les mots qu’il a employés, mais une invitation peut se décliner. Sans doute que le retour d’une marche n’était pas le plus opportun pour faire tenir debout les soldats. Je ne suis pas soldat, je ne sais pas.

Mais, ce qui est révélateur, c’est le recours à la laïcité et la mention spécifique au Canton de Genève brandies comme l’étendard de notre liberté. La laïcité, on la met à toutes les sauces pour justifier toutes les exclusions. L’État est laïc dans son ensemble et promeut la liberté de croyance à chacun de ses citoyens. Liberté de ne pas pratiquer tout comme de pratiquer d’ailleurs. À quel titre, le Canton de Genève serait-il plus laïc que Neuchâtel ?

Et enfin, la stricte neutralité religieuse impliquerait donc de ne pas en parler, d’en faire un sujet tabou. On flaire quand même une compréhension de ce qu’on entend de la laïcité : l’évacuation de toute référence religieuse de l’espace public. A-t-on oublié que le Préambule de la Constitution fédérale commence par : Au nom de Dieu tout-puissant ? Et Genève de mentionner un héritage spirituel dans la sienne ?

Préambule
Le peuple de Genève,
reconnaissant de son héritage humaniste, spirituel, culturel et scientifique, ainsi que de son appartenance à la Confédération suisse,
convaincu de la richesse que constituent les apports successifs et la diversité de ses membres,
résolu à renouveler son contrat social afin de préserver la justice et la paix, et à assurer le bien-être des générations actuelles et futures,
attaché à l’ouverture de Genève au monde, à sa vocation humanitaire et aux principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme,
déterminé à renforcer une république fondée sur les décisions de la majorité et le respect des minorités,
dans le respect du droit fédéral et international,
adopte la présente constitution :

Source : Site de la République et Canton de Genève (consulté le 27.07.2020)

Spirituel plutôt que religieux.

Le profil de l’aumônier a évolué et évoluera encore, c’est certain. Il n’est plus l’ecclésiastique envoyé par une Église (ou communauté) pour rendre visite à ses paroissiens. Il a déjà acquis une dimension œcuménique indéniable.

Mais l’évolution la plus notoire est le glissement du religieux au spirituel. L’aumônier n’est plus le représentant d’une identité confessionnelle. Il n’est plus l’homme de Dieu, mais le spécialiste du spirituel dans son ensemble, surtout évacué de Dieu.

Par ailleurs, il [Noël Pedreira, remplaçant du chef de l’aumônerie de l’armée suisse] estime que la question de la modernité de l’aumônerie militaire est déjà prise en compte dans de nouvelles directives. « Aujourd’hui, les aumôniers de l’armée sont davantage dans le domaine de la spiritualité que dans celui de la religion, afin d’accompagner les soldats », dit-il.

J’ai constaté les débuts de cette évolution il y a une dizaine d’années au CHUV, lorsque j’y faisais mon stage. Les aumôniers préféraient la dénomination d’accompagnants spirituels. Et depuis, le vocabulaire a encore changé : Spécialiste en soins spirituels. La formation destinée aux accompagnants s’académise, elle aussi. Il est révolu le temps où chacun fixait ses propres objectifs de stage, ce que j’ai encore fait en 2011.

Le monde a changé. L’aumônier aussi.

Cette évolution est en marche pour correspondre à une réalité sociologique : le fait que nombre de patients, de soldats, de personnes ne pratiquent plus une religion ni ne se reconnaissent dans les Églises institutionnelles.

Cette réalité, je l’ai côtoyée de nombreuses années, notamment auprès des personnes âgées, dont bon nombre se réclamaient encore d’une des deux religions : catholique ou protestante. Mais, le personnel soignant ne se référait que peu à un ancrage religieux. Il en a été  de même des familles et proches que j’ai pu accompagner.

Se faire tout à tous… Vraiment ? En toute transparence.

Je ne suis pas convaincu par cette évolution dans la dénomination, je l’avoue. La réalité qui a été la mienne, aumônier réformée dans des EMS du Canton de Neuchâtel, m’a fait voir que le modèle proposé par le CHUV n’était pas encore entré dans le fonctionnement de toutes les institutions de Suisse et d’ailleurs.

Ne cherche-t-on à avancer masqués, à cacher ce qu’on croit (ou ce qui nous anime) pour être toléré dans des lieux qui défendent (peut-être maladroitement) la liberté de croyance ? Ne serait-il pas plus simple d’inscrire à l’entrée des homes par exemple : « Dans ce lieu, chacun est libre de croire ou non. Ses croyances seront respectées et il est possible de demander un accompagnement humain et spirituel respectueux. »

La réalité qui est la mienne actuellement, diacre en paroisse envoyé par elle dans les institutions pour y visiter les résidents et célébrer des cultes, date encore de l’ancien modèle. Et je m’y sens (encore) bien.

Derrière cette évolution lexicale d’aumônier à spécialiste, ne cherche-t-on à justifier la présence de représentant.e.s des Églises dans les institutions ? J’écris des Églises, mais je sais que les spécialistes en soins spirituels sont engagés par le CHUV et que le lien avec une communauté religieuse est de moins en moins évident, voire plus du tout. L’aumônerie du CHUV est devenue un système en circuit fermé, sans ouverture vers la communauté : des célébrations ont lieu dans la chapelle de l’hôpital, les visites sont faites majoritairement par les employés de l’aumônerie et devient un centre de recherche.

Et si, et si, les aumôniers d’antan étaient une espèce en voie de disparition ? Ils le sont déjà.

Et si, à l’avenir, les spécialistes en soins spirituels n’avaient plus de liens avec les Églises et qu’ils devenaient des académiciens ? Ils le deviennent. À voir le chemin entrepris, je me dis que cette option pourrait bien devenir la norme d’ici pas longtemps. Pour notre bien ? L’avenir nous le dira. Je reste sur la réserve.

Comme un poumon

En tant que diacre, j’aime ce double mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, de l’extérieur vers l’intérieur. J’aime être sur le seuil entre société civile et communauté Église. J’aime comparer mon rôle à un poumon qui inspire et expire, qui accueille et envoie. Dans mes activités, passées et présentes, j’ai eu la chance de pouvoir rendre compte de ce que je faisais en-dehors de là où je le faisais. Et cela a éveillé l’intérêt et de la reconnaissance. J’ai aussi pu amener ceux qu’on ne voit jamais là où je travaillais là où je travaillais et cela a éveillé de l’intérêt et de la reconnaissance.

Lors de cérémonies d’adieux, et après en avoir discuté avec la famille, j’ai invité l’assemblée à prier le Notre Père. Parfois, je me suis senti bien seul à le réciter, mais c’est important de le faire. C’est une prière qui rassemble aussi ceux qui ne sont pas là. Elle a du sens et du poids pour moi. Elle nous inscrit dans une histoire, celle des enfants de Dieu. Il s’agit de ne pas l’oublier, sans doute plus encore à l’heure d’un décès. Et si on ne la dit pas soi-même, elle a son effet pour ceux qui l’entendent (ou pas). À la sortie, je n’ai rencontré personne qui avait été choqué ou blessé d’avoir entendu ces mots, mais le contexte était différent de celui d’une troupe de miliaires.

Différent, vraiment ?

Image par WikiImages de Pixabay

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Un moment culte

La pasteure Sandrine Landeau de l’EPG répond à un internaute sur le site jecherchedieu.ch au sujet du « devoir du culte ». Sa réponse dont je relaie quelques éléments m’inspire des réflexions personnelles tirées de ma pratique et de mes expériences que je partage ici.

Faut-il ? Doit-on ?

La question pose l’obligation d’aller, d’assister, de participer au culte.

Dans le christianisme, et particulièrement dans le christianisme d’expression réformée, il n’y a pas d’obligation de venir au culte, ni d’ailleurs de prier comme ceci ou comme cela, à telle heure ou à telle autre. Ce n’est pas que le culte n’est pas important, c’est juste que Dieu ne va pas nous en vouloir ni nous punir si nous n’y allons pas.

J’ai rencontré des personnes, tout au long de mes divers engagements et ministères, qui s’excusaient de ne pas pouvoir, de ne pas avoir pu, d’avoir oublié de venir au culte. Comme si elles allaient être punies d’avoir manqué ce moment. J’ai toujours répondu que le culte était une invitation, pas une obligation. On va au culte pour de nombreuses bonnes raisons, mais si on y va parce qu’on se sent obligé, ou parce qu’on nous oblige à y aller, alors c’est une mauvaise raison.

J’ai été agacé par l’empressement de certains responsables d’Église à reprendre les célébrations, à demander (instamment) au Conseil fédéral de permettre les rassemblements religieux à fin mai 2020, alors que l’épidémie de la Covid laissait encore beaucoup de questions sans réponse.

Dieu n’est pas un Dieu qui oblige, mais un Dieu qui propose, qui dialogue. Quand Jésus résume la Loi de Dieu, c’est l’amour qui reste, pas le culte.

Voilà sans doute ce qu’il y a retenir : l’amour et comme le rappelle l’apôtre Paul : l’amour pardonne tout, aussi bien les blessures profondes que les manquements au culte. On est bien d’accord qu’on n’aimera pas plus celui ou celle qui est habitué.e au culte que celui ou celle qui n’y va jamais.

Le culte, pour qui ?

Ensuite, le culte n’est pas réservé aux fidèles, à celles et ceux qui fréquentent régulièrement le culte. Il est ouvert à tous et toutes : les régulier.ère.s comme les moins régulier.ère.s, les hommes comme les femmes, les noir.e.s comme les blanc.he.s, les adultes comme les enfants, les passionné.e.s comme les simples curieux.ses qui passaient là et cherchent à s’abriter de la pluie ou du soleil, les intéressé.e.s comme ceux qui viennent pour accompagner leur grand-mère et lui faire plaisir. Tout le monde est bienvenu (…)

Nous touchons là au coeur de la question : à qui s’adresse le culte ? Qui vient au culte ?

  • Les fidèles, les réguliers : donc ceux qui sont là tous les dimanches ? Alors avouons que s’ils sont fidèles, ils ne pas aussi nombreux qu’on pourrait le souhaiter. Et les statistiques nous montrent qu’ils deviennent de moins en moins nombreux;
  • Les paroissiens ? Alors, ils ne sont pas tous là, et on est loin du compte, même lors de célébrations particulières. Rassembler une centaine de participants, c’est très bien, mais si la paroisse compte 1’000 membres inscrits, ce n’est que 10%.
  • Les occasionnels ? Alors, il est important de les accueillir avec chaleur, leur souhaitant une vraie bienvenue, plutôt qu’un regard réprobateur qui dit : « Ça fait longtemps qu’on ne vous a pas vu ! »
  • Les gens de passage, à la recherche d’un coin de parapluie ou de paradis. Alors, donnons-leur une place, celle qui leur revient de plein droit. C’est à eux, à eux d’abord, que ce moment-culte est destiné.
  • Tous ceux qui sont là par obligation : pour faire plaisir à leur grand-mère, parce que leur éducation leur impose de respecter la tradition, parce qu’il faut faire « oeuvre de pénitence ». Le culte s’adresse à eux aussi pour leur dire que rien n’est imposé, que tout est proposé.
  • Les amateurs de musique qui viennent surtout pour la musique. Bienvenue à eux et pardon d’être trop long entre deux pièces musicales.
  • Tous les autres qui sont là et dont on ne connaîtra jamais la motivation. Vous êtes là ! N’est-ce pas merveilleux ! Merci.

Une question de vocabulaire

Tout le monde est bienvenu, et le culte devrait s’adresser à tous et toutes, ce qui suppose un gros travail dans nos formulations, nos façons d’être. Nous, pasteur.e.s et membres d’Eglises, ne sommes pas toujours au top, mais on y travaille !

Pour s’adresser au plus grand nombre, encore faut-il être audible et compréhensible. Le travail de formulation dont parle Sandrine Landeau est essentiel. Les jeunes que j’ai côtoyés ont souvent dit à propos d’un culte auquel ils avaient assisté (par obligation) : c’était long… On n’a rien compris… Et l’orgue, c’est chiant !

La formulation va au-delà des seuls mots, du seul vocabulaire. Je suis le premier à affirmer qu’il nous faut revoir, nous célébrants, nos codes. Mais, je n’ai pas encore osé, trouvé, la forme qui parlera au plus grand nombre.

La diversité des motivations et des attentes rend l’exercice encore plus difficile : comment concilier l’attente d’une paroissienne régulière qui veut une prédication profonde et inspirée avec le besoin de ce jeune homme qui vient à un culte pour la (presque) première fois sans en connaître tous les codes ?

Car, avouons-le, nos cultes obéissent à des codes, des règles, des impératifs qui ne parlent plus à la majorité de nos contemporains, paroissiens compris. Peut-être que les actes ecclésiastiques (baptêmes, mariages et enterrements) permettent une plus grande liberté, quoique, l’exercice n’en est pas moins complexe.

C’est quand ? Maintenant !

Les temples ont rouverts, mais on trouve toujours d’autres formes de cultes pour celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas s’y rendre, que ce soit juste pour ce dimanche, ou pour plus que cela.

Le culte est un temps à part dans la semaine. Un moment pour soi, pour les autres et pour Dieu. Et ce temps peut être n’importe quand. Les célébrations dans les institutions ont lieu en semaine. Il y a des cultes le samedi soir ou à d’autres heures que le dimanche matin à 10h00. Là non plus, rien n’est figé, tout est proposé. La radio, la télévion, internet offrent la possibilité de repasser le culte à l’heure qui nous convient, là où on est disponible, à l’écoute, ouvert à ce qui se passera.

En un mot, et pour conclure : le culte est une invitation à se mettre à l’écoute de Dieu et de sa Parole pour mieux se connaître soi-même. Ce temps peut être vécu communautairement et/ou personnellement, dans un temple, à la maison, dans la nature, à côté de sa radio ou devant sa télévision ou ailleurs, là où c’est bon et beau.

Le culte a été fait pour l’homme et non l’homme pour le culte.

Dieu n’impose rien. Il invite. Il ne force pas. Il attend. Il saura nous trouver que nous soyons sagement assis sur un banc d’église ou en chemin quelque part. Il est avec nous. L’essentiel est là. Tout le reste n’est que garniture.

Image par Dimitris Vetsikas de Pixabay

Diaconie et bénévolat

Les engagements bénévoles sont nombreux et variés dans la société. Il y a ceux dans des associations sportives, caritatives, dans des partis politiques, des causes civiques et d’autres encore.

Ces engagements volontaires ne sont pas moins variés en Église : catéchèse, accompagnements divers, visites, service au culte, événements, activités régulières, manifestations et d’autres encore.

Des hommes et des femmes au service des autres

Le bénévolat, un service diaconal

Un service diaconal, c’est une lapalissade ! Mais ça dit bien ce que revêt cet engagement : animer, donner de la vie aux relations, forcément multiples, au nom de l’Évangile. Et cela dans la gratuité.

Des hommes et des femmes s’engagent, souvent sans compter, auprès de celles et ceux qui sont dans la paroisse, mais bien plus souvent encore en marge de la vie d’Église : des résidents d’EMS, des migrants, des détenus, la population en général, des voyageurs de passage et tant d’autres, souvent invisibles, parfois oubliés des Églises elles-mêmes.

Qui ne voit-on plus ?

Plus que de la bonne volonté

Il fut un temps, pas si éloigné que cela, où le bénévolat reposait sur la bonne volonté. Il suffisait de vouloir pour pouvoir.

Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. En Église comme ailleurs, le bénévolat se professionnalise. Les « employeurs » proposent des formations, des suivis. Il y a des chartes qui fixent le cadre d’engagement, des contrats qui régissent les devoirs et obligations.

Ceci a une justification : reconnaître l’engagement bénévole comme expérience professionnelle, le valoriser dans un CV, le faire valoir dans une recherche d’emploi.

Un diplôme, et après ?
Car le bénévolat, ce n’est pas seulement l’affaire de retraité.e.s. Pensons notamment aux jeunes animateurs de camps de catéchisme, les JACS.

Une constante évolution

Le bénévolat évolue avec les publics auxquels il s’adresse. Les enjeux des engagements bénévoles ne cessent de se complexifier. J’en relève deux qui me paraissent significatifs : la visite auprès de résidents âgés, avec les questions liées au choix de mourir. L’accompagnement des migrants avec des parcours de vie souvent tragiques.

Quel horizon ?
Dans ces deux cas, qui est suffisamment préparé à accueillir et à accompagner de telles situations ? Les professionnel.les ne le sont pas toujours, eux non plus. Les diacres pas plus que les bénévoles. Mais un.e bénévole, ou un.e ministre par son expérience, par son parcours personnel, sera parfaitement à sa place dans une situation donnée. Un.e autre ailleurs.

Avant d’être un cas d’école, chaque situation est un cas de vie. Et chacun.e l’aborde avec qui il.elle est.

C’est pourquoi, les bénévoles peuvent bénéficier d’offres de suivis, sous la forme d’échange, d’étude de cas, de supervisions, d’analyse de pratique. Et l’équipe peut devenir une ressource.

Une place pour chacun, tous pour un

Aujourd’hui, le travail en équipe est une réalité dans beaucoup d’engagements professionnels et bénévoles. Ces équipes sont placées sous la responsabilité d’un.e professionnel.le, pasteur, diacre ou laïc d’ailleurs. Si ce dernier garde une implication sur le terrain (c’est vivement recommandé), il.elle a aussi un rôle plus stratégique dans l’engagement et le suivi des bénévoles.

Cette responsabilité diaconale, indépendamment de qui l’occupe, consiste à mettre en place des conditions favorables pour que les bénévoles se sentent soutenus et motivés dans leurs activités. En un mot, à rendre l’engagement vivant.
Il y a encore une dimension d’autorité. À ne pas confondre avec l’autoritarisme qui ferait passer le.la responsable pour un petit chef. Faire preuve d’autorité, c’est donner au bénévole l’espace nécessaire pour qu’il soit et devienne qui il est. Ce qui implique une bonne dose de confiance.

Il s’agit bien d’une question de rôle.

Il est évident que le bénévole n’est pas le serviteur du responsable. S’il est serviteur, ce ne peut être que du Christ, lui-même serviteur.

Un esprit d'équipe
 

Tous diacres, alors…

Je le crois profondément. Si le sacerdoce universel affirme : « Tous prêtres », je suis convaincu qu’il y a un autre engagement tout aussi universel, à la portée de tous et pour tous. Un engagement qui repose d’abord sur une humanité partagée et sur la confiance que chacun.e est aimé.e pour qui il.elle est. C’est engagement porte le doux nom de diaconie.

Que l’Église ne l’oublie pas.

Diaconie dans l’espace numérique

Si la diaconie a sa légitimé dans l’espace public et, en particulier, dans des lieux où se rencontrent les gens, alors, elle est aussi à sa place dans l’espace numérique qui est une dimension particulière du fait de se rencontrer.

Des liens par écran interposés
Ce que j’appelle espace numérique, c’est internet, les réseaux sociaux, les blogs, les sites personnels et institutionnels des Églises, des communautés et d’autres professionnels.

J’ai hésité à parler d’espace virtuel, mais le web est bien réel et animé par des blogueurs et visiteurs bien vivants et réels, eux aussi. J’en reste donc à la dénomination d’espace numérique.

À titre personnel, je regrette qu’il y ait encore trop peu d’initiatives émanant de non-professionnels, de bénévoles par exemple, dans cet espace numérique.

Un réseau-protestant

Depuis quelques mois, un Réseau-Protestant se met en place. Il a pour vocation de tenir à jour une liste de références du web protestant en Suisse romande et de mettre en relation ces sites et ces blogs afin de constituer et d’animer un un vrai réseau. Ainsi il devient possible et pertinent de rendre visible cette présence sur internet. Ce qui me paraît rejoindre une vocation diaconale.

Un réseau pour mettre en lien

En quoi est-ce diaconal, au fait ?

Vous penserez peut-être, au passage, que je vois de la diaconie partout ou que, selon moi, tout est diaconie. Non, évidemment ! Et pourtant… Je reviens à la définition de la diaconie comme je la conçois : celle de l’animation, le fait de donner ou redonner de la vie, de se sentir vivant et en relation les uns aux autres. Alors, dans cet esprit, ce Réseau-Protestant a bel et bien une portée diaconale.

En parcourant la liste du Réseau-Protestant, je constate d’abord que celle-ci propose des portes d’entrée et rejoint les internautes là où ils se trouvent, là où ils cherchent. Ensuite, elle présente la vie d’un réseau constitué d’hommes et de femmes engagés.

Mais surtout, ces sites et des blogs, et c’est là que la diaconie prend tout son sens, sortent des quatre murs des Églises pour aller à la rencontre, en publiant des contenus qui répondent à des attentes variées : on y trouve, outre des informations institutionnelles, des prédications, des réflexions personnelles et professionnelles, des réponses à des questions.

Le langage et la forme propres à chaque auteur sortent, eux aussi, de la liturgie ou du langage des célébrations. Et c’est ce qui fait la beauté, la pertinence et la diversité de ce Réseau.

Être là où deux ou trois (et plus) sont réunis

La diaconie sur internet ? Une évidence ! Demandez-vous un instant : quand vous cherchez une information, quel est votre premier recours ? Internet, Google, votre smartphone. Comme tout le monde.

Que cherchez-vous ?
Donc, la diaconie peut (voire doit) être présente dans cet espace. Non seulement par des sites qui présentent ce qu’est la diaconie de manière officielle : le portail diaconie.ch ou l’association diaconale romande, mais aussi, et surtout dirais-je, par des témoignages, des prises de position, des réflexions à propos de la diaconie par des professionnels et, plus rarement hélas encore, par des non professionnels.

L’affaire de tous

Ce qui me permet de rappeler au passage que la diaconie n’est pas l’apanage des seuls diacres consacrés et reconnus comme tels, mais des pasteurs et théologiens, professeurs de théologie, chercheurs, bénévoles, laïcs, de vous aussi. Dès que le message s’adresse au plus grand nombre, au monde, à la société, aux politiques, c’est de la diaconie !

Dès que ce message vise à favoriser, à encourager, à initier la rencontre et donner de la vie à la vie, à la faire naître, à l’animer face-à-face ou par écrans interposés, c’est de la diaconie.

Et cela, c’est l’affaire de tous, qui que vous soyez, qui que tu sois.

Cet article pourra être complété et modifié selon vos commentaires.

Images tirées de Pixabay.com.

Diaconie dans l’espace liturgique

La diaconie n’est pas seulement un mouvement de l’Église vers l’extérieur, la société et le monde, mais est aussi constitutive de la célébration elle-même. D’ailleurs le mot liturgie signifie service du peuple et a une origine laïque. La diaconie a toute sa place dans l’espace public, mais aussi dans le cadre des célébrations et cérémonie, comme lieux et moments d’ouverture au monde.

Les célébrations dominicales

Les cultes et les messes s’adressent-ils d’abord à ceux et celles qui y assistent (plus ou moins) régulièrement ou ont-ils une portée plus large ? La célébration s’adresse évidemment au monde… et au monde entier. Il y a d’ailleurs un échange, une porte à double-battants dans la célébration : c’est le lieu et le moment de faire entrer le monde dans le déroulement et de faire sortir la proclamation en direction du monde.

Il y a des moments plus propices à la diaconie. J’en distingue trois (au moins) :

  1. Le moment de l’accueil. La bien-venue au culte ne se limite pas à quelques mots prononcés du haut de la chaire, dans les premiers instants, mais à un accueil personnel par une présence à l’entrée ou sur le seuil, par un sourire (franc et sincère), par quelques mots échangés. Ceci est d’autant plus important pour des personnes qui ne sont pas habituées. L’épidémie du COVID-19 implique des mesures, notamment la désinfection des mains et le port du masque. Au-delà d’une simple mesure sanitaire, il y a le souci de l’autre, la préservation de sa santé, la responsabilité collective et individuelle dans ce geste à valeur diaconale.
  2. Les annonces et la prière d’intercession. Selon moi, ces moments sont indissociables, car ils font entrer le monde (proche ou lointain) et ses préoccupations dans la célébration. L’assemblée est rendue attentive à ce qui se passe tout près ou plus loin, à participer à un geste collectif, celui de la remise à Dieu de cette situation, mais aussi à une mise en œuvre de ce que chacun.e peut faire pour changer les choses. La communauté pourra être, par exemple, informée et sensibilisée à une situation locale préoccupante, sollicitée pour des aides diverses, informée de l’avancement d’un projet soutenu par la paroisse.
  3. L’envoi et la bénédiction. Ils terminent la célébration, tout en envoyant les participants dans le monde, dans la vraie vie, porteurs de ce qu’ils ont reçu pendant la célébration. Je conçois la clôture d’une célébration sous la forme triviale de « C’est à nous de jouer maintenant ! » (l’envoi) et « nous ne sommes pas seuls. » (la bénédiction).

Mais, je suis aussi persuadé qu’une prédication a une vraie portée diaconale, du moment qu’elle s’enracine dans le concret et le quotidien et invite à l’action, qu’elle nous anime, redonne un esprit d’initiative à notre quotidien.

Des célébrations comme des projets

Je m’intéresse encore aux actes ecclésiastiques. Sous ce terme un peu barbare, on désigne le baptême, la bénédiction de mariage et le service funèbre. Trois célébrations particulières, parce qu’elles réunissent des cercles de participants distincts, et fort différents bien souvent, des paroissiens habituels : les familles, les amis et les proches.

La liturgie doit par conséquent tenir compte de ces auditeurs présents, en s’adaptant, en laissant aussi une place à d’autres prises de paroles que celle de l’officiant, à adopter un langage compréhensible et audible par le plus grand nombre, à renoncer à un vocabulaire obscur. Sans pour autant oublier la force de la Parole et du témoignage.

Un équilibre parfois difficile à maintenir

Lors d’actes ecclésiastiques en particulier, il y a de nombreux paramètres à faire tenir ensemble : les attentes des familles, des proches et paroissiens réguliers, leurs projections (parfois rêvées), leur méconnaissance de ce que sont de telles cérémonies, le souci de l’officiant de respecter ce qu’est cette cérémonie de tradition réformée ou catholique, les interventions et prises de paroles de tiers (quelquefois spontanées), les choix musicaux parfois discutables, la technique, la durée, les imprévus, les questions d’argent qui se posent inévitablement.

Il arrive ainsi qu’un baptême, une bénédiction de mariage ou un service funèbre s’apparentent à une véritable gestion de projet. Je le vois de manière positive, comme la manière d’accompagner des familles dans un projet, d’écouter et de répondre à des questions pertinentes et existentielles, de construire ensemble quelque chose qui a et prend du sens.

La gratuité, encore et toujours

Mais ces actes ecclésiastiques, même s’ils réunissent souvent un public plus nombreux que les célébrations dominicales, ne sont pas des occasions de faire du prosélytisme ni de convertir ceux et celles qui y participent. Au contraire, il s’agit de rejoindre dans leur joie et leur peine, les familles qui font appel à un.e représentant.e d’une Église. De nous faire sentir d’abord proches et humains, donc animés et vivants, dans un moment particulier de l’existence humaine, tout en rappelant que tout ne dépend pas de nous seuls. Et tout cela dans la gratuité et rien de plus. Tout est don.