Diaconie dans l’espace public

Si la diaconie est l’affaire de tous, y compris de ceux et celles qui ne sont pas (forcément) engagé.e.s dans une Église, alors elle doit être présente et visible dans l’espace public. Rassurez-vous, elle l’est. Elle a aussi vocation de répondre à aux besoins et attentes du plus grand nombre. Ces besoins, même s’ils sont aussi concrets et matériels (surtout en cette période de crise sanitaire), sont aussi d’un autre ordre.

Une réponse à la précarité

Les épiceries Caritas sont assez bien connues dans le paysage local. Caritas est issue de l’Église catholique romaine et a développé un réseau de magasins ouverts et accessibles aux personnes aux ressources limitées. Le choix est vaste. Des cartes permettent l’achat de produits alimentaires et non alimentaires à des conditions préférentielles.

Les boutiques du Centre social protestant (CSP), issu des Églises réformées, offrent des produits de seconde main et en bon état, issus de déménagement ou de débarras. On y trouve vaisselle, habits, meubles, appareils ménagers, livres, jouets … à des prix abordables.

Les communautés Emmaüs qu’on doit à l’Abbé Pierre sont assez semblables aux boutiques du CSP.

Ces lieux sont également des moyens de réinsertion professionnelle pour des personnes en recherche d’emploi ou en rupture sociale.

Ces organisations n’ont pas pour vocation d’être des « oreillers de paresse » des paroisses qui pourraient déplacer leur mission diaconale vers ces associations. Elles sont là pour être des partenaires des paroisses, des lieux-relais qui ne dédouanent pas les communautés locales d’une dimension diaconale évidente et active.

Une aide et des conseils

Caritas et le CSP sont aussi actifs dans l’aide au désendettement, l’établissement d’un budget, des mesures d’accompagnement et d’aide financières. Des conseils juridiques et un accompagnement social sont aussi proposés par des professionnels, le plus souvent pour des émoluments modestes.

Tant les magasins que les conseils sont ouverts à toute personne, indépendamment de ses convictions, de son appartenance ou non à une Église ou paroisse.

Être là où ils.elles sont

Une autre présence des Églises dans l’espace public, ce sont les nombreuses aumôneries. Des lieux et des personnes qui accueillent, rencontrent, écoutent, accompagnent, soutiennent les personnes qui s’en approchent et les fréquentent. La plupart de ces lieux ont une vocation œcuménique, ce qui signifie qu’ils sont soutenus et financés par les Églises institutionnelles reconnues.

On pensera sans doute d’abord aux établissements de soins (hôpitaux et EMS), aux prisons, mais il y en a bien d’autres : une aumônerie à l’aéroport de Genève, une aumônerie dans un camping-car itinérant, une pasteure en chemin avec un âne. Sans oublier les lieux d’accueil dans la rue, l’aide et le soutien aux migrants, notamment par des lieux de rencontre et d’aide au français ou à des démarches administratives. La liste n’est pas exhaustive.

La plupart de ces lieux, s’ils sont sous la responsabilité de professionnel.les, sont aussi animés par des bénévoles. Et c’est aussi l’un des rôles de la diaconie que d’engager des hommes et des femmes au service des autres et du prochain.

Des lieux connotés

D’autres formes de présence et d’accueil sont plus connotés « Églises » parce qu’ils émanent historiquement d’un projet ecclésial ou parce qu’ils font partie d’une paroisse ou d’une région. Ces lieux ont pour vocation d’accueillir, d’écouter et d’accompagner les bénéficiaires dans des étapes-clés de leur vie, mais aussi dans une recherche spirituelle. Je pense ici à La Margelle ou à La Cascade.

Des manifestations, des événements, des rencontres

La diaconie peut encore être manifestée dans des manifestations ou des événements ponctuels ou réguliers organisés par des Églises ou paroisses, ou se greffer à d’autres manifestations. Il y a, par exemple, la Journée d’Église de l’Église réformée du Canton de Vaud.

Plus localement, des rencontres conviviales autour d’un repas, de jeux, de conférences ou de courses ont une évidente portée diaconale. Ces rencontres sont porteuses de vie et animées au propre comme au figuré. Elles sont aussi l’occasion d’approfondir des questions existentielles, d’aborder des enjeux de société, de trouver du sens, de confronter des opinions, de s’exprimer, en un mot : d’être vivant et animé.

C’est ouvert, c’est gratuit

La diaconie porte encore une dimension de gratuité. Même si certaines activités sont payantes pour couvrir des frais de fonctionnement et d’organisation, elles ne sont pas des moyens de pression ni de récupération de ceux et celles qui y participent. Une paroisse n’organise pas un pique-nique géant pour augmenter le nombre de participants au culte dominical. Un lieu d’écoute n’imposera pas la conversion de ses bénéficiaires. Enfin, j’espère. Je suis convaincu que non.

Vos commentaires sont les bienvenus pour étoffer cet article.

Images issues de Pixabay.com. Mise en avant par Walkerssk de Pixabay

Diaconie, y es-tu ?

Une question de vocabulaire

Pensez à la diaconie. Quels mots vous viennent d’abord à l’esprit ?

Peut-être rien, parce que ce mot, dans le langage courant et hors des milieux d’Église, a perdu de son sens. On m’a souvent dit : « Ah, vous êtes diacre, c’est quoi ? »

Une recherche dans le dictionnaire
Si ce mot vous évoque quelque chose, cela doit s’apparenter à quelque dimension sociale. C’est souvent sous cet angle que les Églises parlent de la diaconie : le service social de l’Église ou l’aide aux pauvres.

C’est d’abord à l’étymologie du mot diakonos que nous devons la notion de service, de serviteur.

On rapprochera la diaconie, donc le fait de servir, de la position de serviteur du Christ (Matthieu 20, 28) :

C’est ainsi que le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de plusieurs.

Ou encore le lavement des pieds relaté par Jean qui est de la même veine (Jean 13, 1-17, les versets 3-5 ici) :

Jésus, qui savait que le Père avait remis toutes choses entre ses mains, qu’il était venu de Dieu, et qu’il s’en allait à Dieu, se leva de table, ôta ses vêtements, et prit un linge, dont il se ceignit.
Ensuite il versa de l’eau dans un bassin, et il se mit à laver les pieds des disciples, et à les essuyer avec le linge dont il était ceint.

L’Église (catholique d’abord) a donné à la diaconie le sens de prendre soin des pauvres, se référant à la lecture du livre des Actes des Apôtres (6, 1-4) :

À ce moment-là, le nombre des disciples devient de plus en plus grand, et les Juifs qui parlent grec se plaignent des Juifs du pays. Ils disent : « Chaque jour, au moment où on distribue la nourriture, on oublie les veuves de notre groupe. »
Alors les douze apôtres réunissent l’ensemble des autres disciples, et ils leur disent : « Nous ne devons pas cesser d’annoncer la parole de Dieu pour nous occuper des repas.
C’est pourquoi, frères, choisissez parmi vous sept hommes que tout le monde respecte, remplis d’Esprit Saint et de sagesse. Nous leur confierons le service des repas et nous, nous continuerons fidèlement à prier et à annoncer la parole de Dieu. »

Ainsi, ces sept hommes auront à nourrir concrètement ceux et celles qui ont faim, notamment les veuves, pendant que les apôtres nourriront spirituellement la communauté (!).

Si cette approche n’est pas historiquement fausse, elle est trop réductrice aujourd’hui. La diaconie, c’est plus qu’un service social ou une aide destinée aux plus précarisés.

La diaconie comme une bouée de sauvetage
 

Mal-aise

Je ne me sens pas à l’aise avec cette frontière, parce que, je crois d’abord que la prédication sans le service n’est pas crédible et que le service, s’il n’est pas porté par une parole annoncée et proclamée ne l’est pas plus.

L’Église a aussi, et trop souvent, confié la tâche (ou la mission) du service aux pauvres à des spécialistes, ou à tout le moins à des personnes formées. C’est très bien et gage de sérieux, mais l’Église ne doit pas oublier que la diaconie fait partie de sa mission, tout autant que la proclamation de l’Évangile.

De cette séparation est née la différence entre pastorat et diaconat. Même si la compréhension du diaconat entre catholiques et réformés est différente, elle l’est bien plus encore entre Églises réformées.

Une séparation
 

Un mot qui me parle

Le terme de service social me fait penser à un éventail de prestations qu’une paroisse proposerait à ceux qui y font appel et n’est pas très flatteur de la réalité du terrain. L’ajout aux pauvres ne fait qu’ajouter à mon malaise. J’y entend une aumône. Qui est pauvre ? Qui ne l’est pas ? Ou ne croit pas l’être ?

En fait, ce mot de diaconie est dépassé. Il est temps d’en trouver un autre plus vendable dira-t-on. Mais, est-ce que nous devons vendre notre souci et notre solidarité comme d’autres vendent la sécurité d’un système d’alarme ou d’un serveur informatique ?

On a tenté de donner une touche plus positive : service solidaire. C’est un peu mieux, mais pas encore satisfaisant pour moi.

Je suis de plus en plus convaincu par un autre mot qui, lui, correspond à ma réalité et donne un élan positif : animation. L’anima, c’est le souffle, l’élan de vie, l’esprit (appelez cela comme vous voudrez), c’est ce qui fait que je suis vivant, que je me sens vivant et que je suis un être animé.

La diaconie, aujourd’hui, comporte une part d’animation. Elle ne prend son sens que si elle (re)donne de la vie, du souffle, à nos communautés. Et cette vie, ce souffle, ne peuvent s’exprimer qu’en lien avec la société et le monde.

La crise liée au COVID-19 a secoué la vie de nos communautés, en particulier les rassemblements. Aujourd’hui, nos communautés cherchent à trouver un nouveau souffle, ou, à tout le moins, à retrouver leur vie d’avant. La crise et l’absence d’activités ont-elles changé quelque chose à notre manière de penser la communauté ? Pas si sûr…

Donner de la vie

Alors oui, bien sûr, on peut redonner de la vie à des pauvres par un service, par une prestation. Ce peut être un nécessaire, mais est-ce l’essentiel ? On donne de la vie d’abord par la rencontre, l’écoute et le souci qu’on porte aux autres.

C’est aussi ce même esprit de rencontre qui devrait souffler sur et dans nos paroisses et communautés. Cela pourra se concrétiser par des ouvertures au plus grand nombre, par de l’accueil, par la mobilisation de chacun et de tous, par un mouvement vers les autres. Et cela commence d’abord dans la tête, par son propre comportement.

partager une bière
 

Pas d’économies

La diaconie ne peut pas faire l’économie du dialogue et du travail en réseau avec la société civile. Ou alors, elle ne s’adresse qu’aux membres de la communauté et fonctionne en vase clos. En ce cas, nous ne parlons pas d’une Église ouverte, mais d’un club.

Aujourd’hui, et cela a été manifeste pendant le semi-confinement, l’aide matérielle et sociale est portée par d’autres acteurs que les Églises; ces dernières ne faisant plus partie du radar, ne sont plus des interlocuteurs vers lesquels se tourner. Ou alors pour des demandes « spirituelles » qui ne sont pas prises en charge par d’autres institutions. Je pense ici principalement aux obsèques.

En route

Si on parle d’un sacerdoce universel, c’est bien celui de la diaconie. Elle est l’affaire de chacun et de tous, dans et hors de l’Église. Cette diaconie se fonde sur le souci de l’autre. En Église, on parle d’amour du prochain. Et si, aujourd’hui, il y a des besoins qui sont en général couverts par des acteurs sociaux, il y en a d’autres, notamment la rencontre, l’écoute et l’accompagnement, qui exigent des engagements à court, moyen et long terme. Et là, ministres et bénévoles ont des choses à dire, à donner et à recevoir.

Un nouveau souffle
La mise en réseau n’en est que plus importante pour donner et redonner un nouveau souffle à la diaconie. Ainsi, elle s’inscrira dans une prise en charge globale de chacun, pas seulement les plus pauvres ni les plus précarisés, mais de chacun, reconnu pour ce qu’il est.

À lire et à relire sans modération : L’Église doit être là pour tous…

 

Images de Pixabay. Image mise en avant par Luisella Planeta Leoni de Pixabay

Tisser du lien

Voilà que depuis quelques semaines, nous revenons à une situation qui nous permet de retisser du lien, notamment en paroisse. Pendant plus de deux mois, nous avons été contraints d’imaginer d’autres manières d’être reliés. Elles ont été pertinentes. Elles ont pallié à des manques et répondu à des attentes. Maintenant, qu’en garderons-nous ? Quelques réflexions à la volée.

Le cœur du métier : le lien

Ce qui donne du sens à mon engagement dans une paroisse et dans un lieu d’écoute et d’accompagnement, c’est le lien, la relation, la rencontre. Et voilà que d’un jour à l’autre, tout a été suspendu. Je me suis senti un peu dépourvu face à une situation inédite. Une pause d’abord bienvenue, mais aussi une opportunité de me poser la question de comment garder le lien malgré la distance. Je pressentais qu’il y avait un besoin de liens sociaux. Mais n’était-ce là que le fruit de mes propres projections ? La réalité a montré que cela venait plutôt de moi.

la joie de vivre ensemble

L’imagination de se relier autrement

Comment allais-je donc rester en lien, développer du lien, créer du lien ? Sous quelle(s) forme(s) ? Le plus simple a été de me saisir de mon téléphone et oser l’initiative de prendre des nouvelles, d’offrir des temps d’écoute, de partage et de discussion. J’ai constaté que des entretiens sont aussi possibles aussi sans se voir, par téléphone et que mon écoute a été plus attentive aux modulations de la voix, aux soupirs et aux silences. Par contre, j’étais privé de tout ce que le visage et le corps peuvent exprimer au-delà des mots.

Ensuite, entre collègues, nous avons recouru à la vidéo-conférence pour nous voir et prendre des nouvelles, pour nous coordonner dans des actions communes tout de même possibles. J’ai senti une collaboration renouvelée. Ma collègue Laure Devaux est même aller jusqu’à adresser sa Déclaration d’amour à ses collègues. Mon attention a été également changée : manifester son envie de prendre la parole, compter avec des coupures de connexion, des saccades, perdre le fil de la conversation.

On a ainsi développé des propositions concrètes sous la forme de cultes à l’emporter, de lettres aux aînés, de brochures illustrées. On a cherché à coller à l’actualité de nos vies paroissiales, à donner la parole tantôt aux jeunes, tantôt aux aînés, à ouvrir nos horizons par des photos.

En parallèle des documents destinés à être imprimés, le site internet de la paroisse que j’ai tenu à jour a été consulté, sans doute aussi, par des visiteurs hors du champ paroissial. Quand les statistiques montrent des pics de consultations à plus de 100 visites à la publication d’un culte, je peux imaginer qu’il a « ratissé » large…

Ce que nous avons mis en place, en l’adaptant au fil du temps, a été autant de manières de dire que nous étions là et que nos paroissiens n’étaient pas laissés à eux-mêmes. Ça a été des liens créés, consolidés, tendus, retendus.

On retrouve nos manières habituelles d’être en lien

On peut s’en réjouir. Ou on peut regretter de reprendre là où la crise nous a laissés. Mais, depuis le début du mois de juin, des rencontres sont à nouveau possible « en vrai ». Les cultes reprennent, les aînés ne sont plus les plus-à-protégés. On garde ses distances, mais on revient à une certaine normalité.

Ce temps à distance a eu une incidence sur la manière présente et future de maintenir les liens. Allons-nous continuer à prendre des nouvelles des personnes que nous avons contactées depuis deux mois et distancées de nos rendez-vous habituels ? Allons-nous poursuivre des offres spirituelles ou méditatives en ligne au-delà des cultes dominicaux ? Allons-nous garder quelque chose de nos séances en vidéo ?

une distance, vraiment ?

Autant de questions que nous sommes plusieurs à nous poser. Les réponses dépendront de nos lieux, de la motivation de nos collègues et bénévoles, de la bonne volonté de nos conseils à nous donner du temps pour continuer l’œuvre commencée.

Mon collègue Elio Jaillet s’interroge aussi sur la portée des liens tactiles. Ne plus se serrer la main, ne plus s’embrasser, ne plus se prendre dans les bras.

Être relié sur le web protestant aussi

La période que nous venons de traverser a vu éclore sur internet le Réseau-protestant. Il s’agit d’une liste de sites, notamment  institutionnels (ou officiels) et de blogs le plus souvent personnels (reflétant l’avis de leur auteur). Pour être pertinent, ce Réseau doit mettre en lien les sites et les blogs entre eux. C’est d’ailleurs le principe même d’internet que de mettre des sites en lien les uns avec les autres.

des milliers de connexions

Mais au fait, comment cela se passe-t-il ? Comment faire des liens ? À quoi ça sert de faire des liens ? Sur son blog, Nicolas Friedli y consacre une page essentielle et incontournable pour qui veut bloguer comme il se doit. À lire absolument et plusieurs fois !

Le principal, c’est d’être en lien

Que ce soit par des contacts directs, par des outils de communication, par internet, par la prière, l’important est d’être lien, relié les uns aux autres et à Celui qui nous accompagne dans nos relations.

Boutons de chaîne hifi

Parfois, il est bon d’appuyer sur « Stop », de se connecter à nouveau à ce qui est essentiel, puis de presser sur « Play » pour repartir, tissant des liens entre personnes du dedans et du dehors de nos cercles paroissiaux, et entre blogs en relayant des publications qui nous ont parlé.

[Cet article est susceptible d’évoluer par vos commentaires]

Image par Pexels de Pixabay

Passer à l’action

Mon billet Mes projections a suscité de nombreux commentaires sur Facebook surtout et sur ce blog. Ce qui a été partagé m’a montré que je ne me trompais pas et me donne suffisamment de matière pour continuer la réflexion vers sa concrétisation, enfin j’espère.

Un constat partagé

Celles et ceux qui ont pris la peine de commenter mon article et de se répondre, merci à eux, arrivent au même constat : l’Église a disparu du radar des gens. Elle n’est plus visible autrement que par des célébrations à l’envi. La crise du corona n’a rien changé, bien au contraire, puisqu’on a vu fleurir de (très) nombreuses propositions multimédias de… célébrations.

Une envie commune de changer

Ce qui ressort des réactions, c’est que le temps de « pause » n’en a pas été un. Il n’a pas été cet espace nécessaire pour nous repenser. Mais, bien au contraire pour continuer à faire ce que nous avons toujours fait, un peu différemment il est vrai, mais sur le fond, rien n’a changé : le culte reste LA priorité des paroisses, malgré un public âgé et en constante diminution. Il faut sauver les cultes !

Mais, il y a autre chose. Il y a une soif d’autre chose, surtout de la part de ceux qui ne sont pas nos habitués, qui ne nous comprennent pas.

À boire…

Des pistes

Deux pistes semblent se dessiner. La première est de l’ordre de l’intelligence collective. Il s’agirait de mettre en commun, d’une manière ou d’une autre, nos réflexions et expériences, de les soumettre à la discussion, de les confronter… « Pour voir ce qui en ressort. » Je crois que chaque Église, voire chaque paroisse, s’est déjà prêtée à l’exercice avec les résultats que l’on sait : on cogite, on réalise des schémas, des tableaux, des dessins, on aligne des post-it. Pour en arriver à : « Merci beaucoup, c’est top tout ce que vous avez fait, c’est précieux ! On va reprendre tout ça… », sauf qu’on ne reprend jamais rien !
Oui, à la mise en commun de nos expériences, initiatives et projets, parce qu’il ne sert à rien de réinventer la roue, mais non à d’énièmes journées de réflexions. Un outil informatique et collaboratif ferait-il l’affaire ? Il devrait être accessible, sans nécessiter de connaissances techniques particulières, ouvert au plus grand nombre et suffisamment adaptable. Une idée ?

Une autre piste envisagée est celle de l’initiative personnelle, et notamment sur le net, parce que c’est là que se trouvent les gens, ceux qui ne sont pas aux cultes. Pendant la crise, on a vu que nos initiatives en ligne ont suscité l’intérêt d’un public plus large que nos paroissiens. C’est là que des réponses aux questions sont trouvées.

Il y a bien les réseaux sociaux, me direz-vous. Mais être présent et/ou actif sur les seuls réseaux sociaux ne suffit pas. Partager un post ou le commenter ne suffit pas. On le sait, enfin je crois, et le « Like » ou le « J’aime » sur Facebook ne sert à rien. Toute ces interactions se perdent dans le flux et au fil du temps. Aucune possibilité de recherche, ni de rédiger de longs articles structurés. Raison pour laquelle, j’ai pris la peine de copier la plupart des commentaires de Mes projections sur mon blog. Pour en garder une trace.

Les *j'aime* ne disent rien

Il est alors plus pérenne de créer et d’animer un blog. C’est encore mieux, si ce blog est indépendant de toute structure ecclésiale ou autre. Il devient un espace d’expression et de partage libre. Ce qui n’empêcherait pas une paroisse, par exemple, d’inclure l’animation d’un blog dans un temps de travail professionnel.

Le blog est surtout l’affaire d’une personne, son auteur. Les visiteurs/lecteurs suivent une personne et non une institution. Ils interragissent avec elle et elle avec eux. Il n’y a pas de messages « officiels », car sur ce blog, celui que vous êtes en train de lire, je m’exprime en mon nom.

Témoins du web protestant ?

En m’intéressant à cette piste-là, je me suis aussi intéressé au phénomène de l’influenceur ou du lanceur d’alerte. Un blog, plus encore s’il s’inscrit dans le web protestant, aurait-il vocation à devenir lanceur d’alerte de ce qui ne va plus dans l’Église ?
Bon, on n’est pas des Julian Assange ni Edward Snowden, mais, nous (d’autres avec moi) avons des choses à dire qui viennent de nous. Ce que nous disons, ce n’est pas relayer le discours officiel des institutions. D’autant plus que nous y travaillons. Nous voyons et vivons les choses de l’intérieur.

Je n’ai ni envie d’être ni un accusateur ni un traître de l’institution Église, comme pourrait l’être le lanceur d’alerte. Mais j’aimerais plutôt partager ce qui m’anime et me questionne, moi et moi d’abord. Et, sur ce blog il y a des réflexions, des contenus spirituels, des partages d’expériences que je crois utiles à d’autres. Alors, le mot qui me qualifie, et faute de mieux, est témoin, ni plus ni moins.

Regarder tout autour et le relayer

Juste dire ma vérité, ni plus ni moins. Vérité teintée par celles d’autres, et souvent par celle des distancés, comme on qualifie parfois ceux qui se sont éloignés des activités et du message de l’Église. Par celle aussi des athées, souvent motivante. Vérité qui peut être mise en discussion, évidemment. C’est d’ailleurs l’un des objectifs de mon blog.

Et maintenant, on fait quoi ?

Il est l’heure ! L’heure de se réveiller, l’heure d’agir. L’heure de passer du constat, des mots et des regrets aux actes. Et on fait quoi ? On fait comment ?

C’est certainement ici que le Réseau-Protestant devient intéressant, essentiel dans cette évolution vers un changement.
C’est une liste de références qui ne demande qu’à s’étoffer. Des ressources et blogs en lien avec le protestantisme romand. Au chapitre des blogs, on y trouve des pasteur.e.s, théologiens, diacres (encore peu nombreux, l’appel est lancé) qui s’expriment de diverses manières sur ce qui les anime. Oui, sur ce qui donne du sens à ce qu’ils font, à ce qu’ils sont.

Et on fait comment ?

Vous êtes convaincus ? Vous avez des choses à dire et vous voulez les partager au moyen d’un blog ? Vous avez envie de me/nous rejoindre ? Bravo !
Mais, vous ne savez pas comment vous y prendre. Il y a de très bons conseils sur theologique.ch. Et les blogueurs sont là aussi pour vous aider, tant sur l’aspect technique que sur la mise en route. La forme et le fond vous appartiennent.

Se lancer dans un blog n'a rien de sorcier

Et à part le Web ?

Il y a certainement d’autres moyens, d’autres occasions à créer, d’autres initiatives à lancer. Mais, dans un cadre paroissial et institutionnel, je perçois des limites. D’abord, la marge de manœuvre que le conseil/l’autorité voudra bien donner à de nouveaux projets, sans se focaliser uniquement sur des questions de coûts et de rentabilité. Parce que, avouons-le, tout projet impliquera du temps de travail qui ne sera plus dévolu aux seuls cultes. Ensuite, le risque que je suis prêt à prendre pour oser être innovant. J’avoue que j’ai longtemps fonctionné sur le principe de je propose avant de me lancer, j’attends tous les feux verts et quand certains sont au rouge ou à l’orange, je range mon idée. Il est sans doute temps de risquer l’excès de zèle, d’expérimenter l’audace.

« Venez à ma suite », a dit Jésus à deux pêcheurs qui ne lui demandaient rien, qui ne le connaissaient même pas. Et aussitôt, ils le suivirent.
Il est temps. Il est grand temps !

On lira avec intérêt l’interview de Thomas Halik, l’église doit être là pour tous, pas uniquement pour les croyants.

[Cet article est susceptible d’être modifié par vis commentaires]

 

Images Pixabay.com

Mes projections

Je ne parle pas ici de celles qui s’échappent de ma bouche lorsque je parle, mais celles que je me faisais au mois de mars, la mienne, celle de La Margelle et celle de ma paroisse au début et pendant la crise.
C’est peut-être un peu tôt pour faire un bilan. Quoique…

Le besoin de parler

Je pensais, lorsque les mesures de confinement ont été annoncées, que La Margelle, lieu d’écoute et d’accompagnement en Ville de Neuchâtel, serait sollicité par ceux et celles qui se trouveraient « coincés » à la maison, en proie à la solitude, ressentant un besoin quasi irrepressible de parler. J’imaginais une augmentation des appels. Or, il n’en a rien été. Nous n’avons pas croulé sous les nouvelles demandes.

La même démarche a été entreprise dans notre paroisse, comme dans les autres et les Églises cantonales, notamment l’EREN.

Le constat a été le même : nous n’avons pas été sollicités outre mesure. Qu’est-ce à dire ? Ce besoin de parler et d’être écouté était-il une projection de ma part ? Pourtant, mes initiatives de prendre des nouvelles ont été accueillies très positivement. Ces discussions ont été l’occasion de dire comment chacun vivait son confinement, plus ou moins bien, dire son ennui.

Le besoin d’écoute était bel et bien présent, je l’ai constaté. Et La Main Tendue a enregistré une forte hausse des appels à tel point qu’elle a dû engager de nouveaux bénévoles. Alors pourquoi les gens qui auraient besoin d’écoute ne se tournent-ils pas vers l’Église et ses services ?

Ma conclusion relative et personnelle : les Églises, paroisses et lieux d’accompagnement ne sont pas considérés d’abord comme des aides potentielles en cas de crise. La sécularisation a passé par là. Est-ce qu’on s’imagine que ces lieux ne sont là que pour ceux qui sont inscrits ou qui font partie du « club » ? Est-ce qu’on y recourt parce qu’on connaît quelqu’un qui y est actif ? Ce serait donc soit un lieu « élitiste », soit et d’abord une relation de personne à personne, avant d’être un recours à l’institution ? Ce n’est pas impossible, voire probable.

Un autre aspect non-négligeable est qu’en investissant quasi exclusivement dans la célébration, les Églises ont donné le signal, consciemment ou non, que L’Église, c’est pour les autres, pas pour ceux qui ne sont pas très cultes et qui ne se reconnaissent pas dans la célébration. Ainsi, on a oublié que l’Église pouvait ou devait être autre chose.

Un dernier aspect pourrait être la crainte de discours parfois culpabilisants à propos de la crise.

Le rôle social vs la célébration

Cela ne signifie pas pour autant que les Églises aient déserté la crise. Elles ont été actives mais par les œuvres d’entraide : CSP, EPER, CARITAS aux côtés d’autres institutions et associations religieuses et sociales.

Du côté de la paroisse, nous étions prêts à entrer en discussion pour des aides financières ou matérielles ponctuelles. Nous nous sommes approchés des services sociaux pour faire connaître notre ouverture. Sans résultat.

Il me semble (suis-je le seul ?) qu’on a oublié que l’Église compte parmi les acteurs sociaux, non seulement par les institutions parallèles (oeuvres d’entraide), mais surtout dans une dimension de proximité dans l’espace paroissial, local, régional.

Nous avons manifesté notre soutien et notre disponibilité par des téléphones et des publications destinés d’abord aux paroissiens âgés, ceux que nous connaissons.

Les médias ont relayé des images d’une précarité qui est soudainement apparue. Des files d’attente pour obtenir un cabas de nourriture nous ont tous bouleversés. Mais, ce qui m’a interpellé encore plus, c’est le silence et l’absence des représentants des Églises face à ce vrai problème de société. Il n’y a pas eu de prise de parole en lien avec cette pauvreté soudainement offerte à nos yeux.

J’ai plus entendu un appel au Conseil fédéral, appel issu d’abord des catholiques, de pouvoir reprendre les offices religieux. Mais, je n’ai pas entendu une même ferveur, un même empressement, pour venir en aide aux précarisés de notre société. Je pensais, j’espérais que la pauvreté matérielle et sociale était tout aussi importante que des célébrations. Je me trompais.

Ma conclusion relative et personnelle : les Églises sont perçues d’abord dans leur dimension liturgique. De leur côté, elles mettent en avant la célébration, comme seule forme de présence au monde. On l’a constaté dans tout ce qui a été développé sur internet pour rester en lien malgré l’absence de rassemblement. Je ne jette la pierre à personne, puisque nous l’avons fait, nous aussi.

La capacité à changer

La crise du COVID-19 va-t-elle changer quelque chose à la donne ? Cet arrêt sur image nous a contraints à revoir nos habitudes, notre manière de travailler et de fonctionner, à prendre conscience de ce qui vraiment important. On s’était promis de ne plus revenir au monde d’avant. On s’était dit…

Et alors ?

Dès que des mesures d’assouplissement ont été annoncées, on a vu des groupes se former à nouveau, on a demandé plus que ce que les autorités permettaient. On a parfois enfreint les règles. L’humain est un animal grégaire… Ou n’est pas.

À l’annonce d’une possible reprise des offices religieux dès le 28 mai, j’ai constaté des appels à « reprendre aussi vite que possible ». Sans forcément se demander comment. On a vite oublié le « aussi lentement que nécessaire » qui allait avec. « Nous d’abord » en quelque sorte1. Il ne s’agit pas seulement des aspects pratiques : nombre de places, désinfection des mains et liste de présence, mais de considérer cette reprise comme un nouveau départ, comme une réponse à des questions fondamentales soulevées par la crise du COVID-19 : notre rappport à la société en-dehors des rendez-vous communautaires, notre ouverture à ceux qu’on ne voit jamais dans nos rassemblements, notre manière d’être en lien au-delà des seuls rendez-vous dominicaux.

Au lieu de cela, on pense d’abord à un retour à avant, un retour à la normale, comme si le monde était redevenu normal, comme si rien n’avait changé. Ce que nous avons vécu serait donc juste une parenthèse, refermée maintenant et qu’on va vite oublier. Ça relève peut-être de l’anecdote, mais, dans la paroisse, on a repris le programme des cultes là où on l’avait laissé en mars, sans se poser la question de changements notoires. On continue…

Alors, où sont nos belles promesses ? Où est notre témoignage, personnel et communautaire, qu’un autre monde est possible. La possiblité nous est offerte de ne pas retomber dans nos ornières et on y court à grands pas. Parce que c’est rassurant. Je pensais, j’espérais que toutes ces plaintes d’une pression professionnelle insupportable, d’une course à toujours plus, d’une perte de repères trouveraient un écho pendant ces deux mois, pour repartir autrement. Je me trompais.

Ma conclusion relative et personnelle : nous n’aimons pas les changements et encore moins lorsqu’ils sont radicaux. Nous avons besoin de routines qui rassurent. Même si, au plus fort de la crise, nous étions prêts à tout revoir de nos comportements, avec des belles promesses à la clé, la progressive réouverture nous montre que nous ne sommes pas prêts à renoncer. Entre pression économique, sécurité sanitaire et idéalisme social, les autorités et nous avec naviguons à vue. Je pensais, j’espérais qu’une interruption des célébrations serait l’occasion de les penser d’une autre manière dorénavant, qu’il y aurait une envie de nouveauté, un renouveau possible. Je me trompais.

Autre chose… Oui, mais quoi ? Je ne sais pas, pas encore, je l’avoue.

En prenant un peu de hauteur, à l’image de Zachée2, je trouve que le jeune homme riche nous ressemble beaucoup ou que nous lui ressemblons beaucoup, c’est selon : « il s’en alla tout triste, car il avait de grands biens… (qu’il n’était pas encore prêt à laisser derrière lui) »3. Et nous, quels sont ces grands biens que nous n’abandonnerions pour rien au monde… même pas pour un autre monde, peut-être pas meilleur, mais différent ?

[Cet article pourra être modifié au gré de vos commentaires]

Je vous invite à lire cet article signé Pinkilla.

 

Photo mise en avant by Yann Allegre on Unsplash, autres photos : Pixabay