Tu es mon frère

Troisième billet consacré aux relations interpersonnelles qui se base sur le livre Exister du psychiatre Robert Neuburger. Comme précédemment, je vais essayer de mettre ce que dit Neuburger en perspective de la relation à Dieu et à ma foi. Ce faisant, j’essaie de répondre à ce commentaire d’Elio Jaillet.

frères, si semblables, si différents
 

Intéressons-nous à la relation fraternelle et lisons d’abord ce qu’en dit Neuburger :

[Cette relation] est ce que l’enfant apprend au contact de ses « frères ». J’entends par là les autres enfants de sa propre famille ou les enfants qu’il va connaître à la crèche ou plus tard à l’école maternelle, voire simplement au square dans le bac à sable (…) La relation fraternelle nous relie à d’autres êtres que nous élisons comme étant des « frères » au sens de « semblables » (…) Le maître-mot de cette relation est le partage, le fait de vivre une expérience qui prend consistance parce qu’un autre la partage, d’exister dans ce plaisir partagé.

Exister, pp. 27-28

Le psychiatre emploie le masculin, mais ce qui est dit ici et dans ce qui suit peut (voire doit) s’entendre aussi au féminin, et ainsi passer de frères à sœurs.

Mes frères que je me choisis

De ce court extrait, je peux déjà dégager deux pistes de la fraternité. D’abord une fraternité de fait, biologique, où chacun, issu d’une même mère, est porteur d’un même patrimoine génétique et ensuite une fraternité de choix, sociale, où je me choisis ceux qui deviendront mes frères ou mes sœeurs. Ce qui va guider mes choix, ce sera l’envie de partager quelque chose de commun, ce qui me communiquera le sentiment d’exister.

On voit déjà poindre la compréhension religieuse de la fraternité, dans ce sens où je rejoins une communauté où je peux partager des valeurs qui me font sentir exister dans le partage d’une foi en un même Dieu, d’une même espérance et d’un même credo. D’ailleurs, ne parle-t-on pas des communautés religieuses composées de frères et/ou de sœurs1 ?

Un cloître
 

Sacrés frères

Les histoires bibliques font la part belle aux familles et notamment aux relations entre frères. Mais étrangement, ces photographies familiales mettent plus en évidence des relations conflictuelles qu’harmonieuses. Pensons par exemple à Caïn et Abel, Esaü et Jacob, Joseph et ses frères. Cette approche n’étonne pas Neuburger :

Les premiers rapports sont souvent rugueux. Découvrir que l’on n’est pas le seul de son espèce dans le regard maternel est une rude épreuve qui engendre ce que Lacan appelle le complexe de fraternité. Sur ce point, le psychanalyste était nanti, ayant un frère qui, non seulement lui faisait de l’ombre à l’intérieur de sa famille, mais aussi était frère en religion, donc lui volait une part important de regard de Dieu.

Exister, p. 27

Cette référence à Lacan n’est pas sans rappeler une parabole célèbre de Jésus, celle du fils prodique, et cet extrait notamment, le reproche de l’aîné à son père :

(29) Mais lui répondit : « Cela fait tant et tant d’années que je suis à ton service ; jamais je n’ai désobéi à tes ordres. Et pas une seule fois tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. (30) Mais quand celui-là revient, “ton fils” qui a mangé ta fortune avec des prostituées, pour lui, tu tues le veau gras !

Évangile de Luc 15, 29-30.

La relation à Dieu

Comme déjà évoqué dans le billet à propos de la relation nourricière, Dieu est notre origine commune. Il est ce Dieu nourricier d’un amour sans limite. Dans cette perspective croyante en Jésus-Christ, nous sommes appelés enfants de Dieu :

(1) Voyez quel amour le Père nous a témoigné pour que nous soyons appelés enfants de Dieu! Et nous le sommes! Si le monde ne vous connaît pas, c’est qu’il ne l’a pas connu, lui. (2) Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons un jour n’a pas encore été révélé. Mais nous savons que, lorsque Christ apparaîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est. (3) Toute personne qui possède cette espérance en lui se purifie comme lui-même est pur.

Première lettre de Jean 1, 1-3

Mais la relation de Dieu à l’humain n’est pas que verticale (ou asymétrique), elle est aussi horizontale, en Jésus-Christ. En lui, c’est Dieu qui offre un vis-à-vis, un semblable, un frère à l’humain, qui permet alors de se relier au Divin, de le voir à notre hauteur.

Souvenirs d'enfance
 

Du Fils au frère

Ainsi, de Fils de Dieu le Père, Jésus se fait frère des humains. Lors de son baptême, la voix venant du ciel2 qualifie Jésus de Fils, qui bénéficie de l’amour (ou l’approbation) du Père :

(16) Dès qu’il fut baptisé, Jésus sortit de l’eau. Alors le ciel s’ouvrit pour lui et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. (17) Au même instant, une voix fit entendre du ciel ces paroles: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute mon approbation.»

Évangile de Matthieu 3, 16-17

Plus loin, lors de la transfiguration, cette même voix se fera à nouveau entendre aux trois disciples témoins de cette scène et légitimera Jésus à être écouté en tant que fils :

(35) Et de la nuée sortit une voix qui dit: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé: écoutez-le!»

Luc 9, 35

C’est le Prologue de Jean qui opère la transition du Fils du Père au frère, semblable :

(14) Et la Parole s’est faite homme, elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité, et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père.

Évangile de Jean 1, 14

Ainsi, en Jésus-Christ, c’est la parole de Dieu, force de création et de relation, qui devient un habitant de ce monde, semblable aux autres.

La lettre aux Philippiens ne dit pas autre chose :

(6)… Jésus-Christ: lui qui est de condition divine,
il n’a pas regardé son égalité avec Dieu comme un butin à préserver, (7) mais il s’est dépouillé lui-même en prenant une condition de serviteur, en devenant semblable aux êtres humains. Reconnu comme un simple homme (…)

Philippiens 2, 6-7

Tous frères, vraiment ?

On pourra certainement se demander si nous sommes vraiment tous frères et sœurs. En humanité, certainement, puisque nous partageons une commune condition : celle de vivants et de mortels appartenant à la famille homo sapiens.

Bien plus encore, à la lecture de Neuburger, et dans son chapitre consacré à la dépression, on prend conscience qu’aucune catégorie, fût-elle le résultat d’un diagnostic médical plus ou moins justifié, n’enlève la qualité fraternelle de chaque être humain :

(…) en considérant que la plupart des déprimés sont des sujets normaux confrontés ou ayant été confrontés à un environnement anormal. Le « déprimé » est d’abord notre frère : il n’y a pas de destin programmé.

Exister, p. 144.

Remarquez que les guillemets portent sur déprimé et non sur frère. Le premier pouvant être questionné, le second terme ne l’est pas.

Pour en revenir à l’approche des Écritures, Jésus va redéfinir la relation fraternelle, mais plus largement celles des membres de la famille, au-delà des seuls liens du sang :

(48) Mais Jésus lui répondit : Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? (49) Puis, désignant ses disciples d’un geste de la main, il ajouta : Ma mère et mes frères, les voici. (50) Car celui qui fait la volonté de mon Père céleste, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère.

Évangile de Matthieu 12, 48-50

On notera au passage qu’il n’y a pas de redéfinition liée au Père, puisque Dieu est seul Père pour tous les humains : « Ne donnez pas non plus à quelqu’un, ici-bas, le titre de « Père », car pour vous, il n’y a qu’un seul Père : le Père céleste. » (Matthieu 23,9).

Un beau tableau de famille
L’apôtre Paul fera allusion, notamment dans sa seconde lettre aux Corinthiens à de faux frères qu’on peut entendre comme des prédicateurs itinérants, porteurs de messages jugés hérétiques par Paul.

Ma relation à Dieu

Ma relation à Dieu se trouve dès lors stimulée par cette réflexion qui me conduit à regarder mon prochain avec les yeux d’un frère et à le considérer comme un frère, une sœur. Car, en lui, c’est Dieu que je suis appelé à aimer :

(19) Quant à nous, nous aimons parce que Dieu nous a aimés le premier. (20) Si quelqu’un prétend aimer Dieu tout en détestant son frère, c’est un menteur. Car s’il n’aime pas son frère qu’il voit, il ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas. (21) D’ailleurs, Christ lui-même nous a donné ce commandement : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère.

Première lettre de Jean 4, 19-21

Je crois que tout est dit dans ces quelques mots : une verticalité en cet amour premier de ce Dieu nourricier qui me précède et me dépasse. Ce Dieu qui a créé chacun·e à son image et capable d’aimer. Ensuite, cet appel à l’horizontalité dans la reconnaissance de l’autre, quel qu’il soit, comme mon frère, et frère de Jésus-Christ. Enfin, une cohérence à défendre, un rappel à y revenir toujours et encore : la verticalité n’est rien sans l’horizontalité et vice-versa.

Questions à (se) poser :

  • Quelles personnes ont été, dans ma vie, des frères ou des sœurs, également au-dela du cercle famillial ?
  • La construction de soi, au contact de frères, passe-t-elle toujours par la confrontation ?
  • Comment ma relation à Dieu influence-t-elle ma relation à mes frères en humanité ?
  • Est-ce que je fais une différence entre frères en humanité et en Christ (ou en Dieu) ?

  1. Dans son livre, Neuburger rappelle que dans certaines langues, à l’image du grec et du latin, il existe une distinction de mots pour désigner des frères de sang des frères de foi (Exister, pp. 38-39). 
  2. Une manière de définir Dieu dont la voix est créatrice, notamment de relation (voir par exemple Gn 3) et de paix, puisque les Évangiles y ajoutent la manifestation d’une colombe. 

Deviens qui tu es

Je poursuis mes réflexions à partir du livre Exister, du psychiatre Robert Neuburger, et notamment la mise en perspective des types de relations interpersonnelles qu’il relève en lien avec Dieu et ma foi.

Dans cet article, je me penche sur la relation d’autorité de personne à personne1.

J’ai d’abord imaginé parler de l’image du Père, en lien avec une relation paternelle, mais je me suis vite rendu compte que j’allais tomber dans une dichotomie père-mère, masculin-féminin, qui n’est pas voulue par l’auteur.

Neuburger préfère parler de relation d’autorité que de relation paternelle. Selon lui, il s’agit ici de rôles assumés, indépendamment du genre.

De l’autorité nécessaire

Lisons Neuburger :

La relation d’autorité peut être définie comme une relation (…) asymétrique, où l’un dispose d’une autorité qui lui et conférée de par sa position de parent qui implique une responsabilité éducative qu’il ou elle doit exercer et qui doit être reconnue socialement, et l’autre, l’enfant, lui devant respect et obéissance.

Exister, p. 26.

En tentant de mettre la définition proposée par Neuburger en regard de notre société actuelle, on se rend vite compte qu’il a raison : les différents modèles de familles d’aujourd’hui montrent combien ce rôle est aussi assumé par des femmes, des mères, des sœurs, des partenaires.

Au sein de la famille, s’il y a une relation nourricière qu’on verra comme celle qui donne un sentiment d’existence par un lien fusionnel, il y en a une autre, celle d’autorité, qui tend à mettre un cadre, à fixer des règles, à différencier ce qui est permis de ce qui ne l’est pas. Ça fait partie de l’éducation. D’ailleurs, on le sait bien : éduquer, c’est aimer.

Un regard d'enfant

On comprend aisément qu’un enfant ait besoin tout à la fois de lait et de règles pour se construire. Et se construire, c’est aussi devenir qui on est appelé à être. Ainsi, l’autorité n’est pas seulement restrictive, mais ouvre à un avenir en tant qu’individu. Si l’autorité infantilise, elle glisse alors vers l’autoritarisme.

Je vais essayer de mettre en perspective cette compréhension de l’autorité avec celle exercée par Jésus. Ce sera un survol plus qu’une étude approfondie.

L’autorité de Jésus

Jésus et les chefs religieux

Jésus va se frotter à des responsables religieux, notamment les scribes et les pharisiens qui font autorité. Il montrera à plusieurs reprises son désaccord avec leurs pratiques, les qualifiant d’ « aveugles qui guident d’autres aveugles » ou d’« engeances de vipère ».

Ce qui est en jeu ici, c’est la priorité mise par les responsables au strict respect, à la stricte obéissance, des préceptes de la Loi. Ils comprennent, ou font comprendre, cette Loi comme une liste de permis-interdits, au risque d’en perdre le sens premier, notamment concernant le sabbat, le jour dédié à Dieu. Jésus rappellera d’ailleurs que :

(27) le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat, (28) de sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat.

Marc 2, 27-28.

Une interdiction

Une parole qui fait force

D’autres épisodes des Évangiles montrent un Jésus qui fait preuve d’une autorité qui étonne ceux qui en sont témoins.

(21)… À Capharnaüm, le jour du sabbat, Jésus entra d’abord dans la synagogue, et il enseigna. (22) Ils étaient frappés de sa doctrine; car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes.(23) Il se trouva dans leur synagogue un homme qui avait un esprit impur, et qui s’écria: (24) Qu’y a-t-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth? Tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es: le Saint de Dieu. (25) Jésus le menaça, disant: Tais-toi, et sors de cet homme. (26) Et l’esprit impur sortit de cet homme, en l’agitant avec violence, et en poussant un grand cri. (27) Tous furent saisis de stupéfaction, de sorte qu’il se demandaient les uns aux autres: Qu’est-ce que ceci? Une nouvelle doctrine! Il commande avec autorité même aux esprits impurs, et ils lui obéissent!

Marc 1, 21-28

Sans faire une étude approfondie de ce texte, je relève que le mot autorité y est mentionné deux fois dans des significations différentes.

La première manière est que Jésus enseigne comme ayant autorité, c’est-à-dire comme celui qui prend le devant de la scène, qui se reconnaît une légitimité à enseigner. Cela étonne, car les scribes, eux, enseignaient de manière corporatiste, « comme une collectivité d’enseignants attitrés, interprètes institutionnellement autorisés de la Loi, en référence à la tradition des Anciens »2. Et Jésus n’est pas scribe; du moins, il ne fait pas partie de cette corporation.

La seconde compréhension est la manière dont Jésus s’adresse à l’esprit impur3. Jésus commande et se fait obéir de cet esprit. Comme ce sera le cas des éléments dans la tempête sur le lac :

 

(36) Après avoir renvoyé la foule, ils emmenèrent [Jésus] dans la barque où il se trouvait; il y avait aussi d’autres barques avec lui.(37) Il s’éleva un grand tourbillon, et les flots se jetaient dans la barque, au point qu’elle se remplissait déjà. (38) Et lui, il dormait à la poupe sur le coussin. Ils le réveillèrent, et lui dirent: Maître, ne t’inquiètes-tu pas de ce que nous périssons? (39) S’étant réveillé, il menaça le vent, et dit à la mer: Silence! tais-toi! Et le vent cessa, et il y eut un grand calme. (40) Puis il leur dit: Pourquoi avez-vous ainsi peur? Comment n’avez-vous point de foi? (41) Ils furent saisis d’une grande frayeur, et ils se dirent les uns aux autres: Quel est donc celui-ci, à qui obéissent même le vent et la mer ?

Marc 4, 36-41

Ainsi, cet épisode vient confirmer que Jésus est bel et bien le Fils de Dieu, ou Dieu lui-même, qui peut faire lever une tempête ou la réduire au silence. On retrouve cette allusion dans le psaume 107 :

(25) Il dit, et il fit souffler la tempête, Qui souleva les flots de la mer. (26) Ils montaient vers les cieux, ils descendaient dans l’abîme; Leur âme était éperdue en face du danger; (27) Saisis de vertige, ils chancelaient comme un homme ivre, Et toute leur habileté était anéantie. (28) Dans leur détresse, ils crièrent à l’Éternel, Et il les délivra de leurs angoisses; (29) Il arrêta la tempête, ramena le calme, Et les ondes se turent. (30) Ils se réjouirent de ce qu’elles s’étaient apaisées, Et l’Éternel les conduisit au port désiré.

Psaumes 107, 25-30

Les exemples seraient nombreux, évidemment, montrant Jésus en thérapeute qui chasse les démons (ou esprits). Mais, j’aimerais aborder une autre dimension de l’autorité qui peut nous faire grandir dans notre notre condition d’humains et de croyants.

L’autorité qui autorise

Le sens premier du mot « autorité » est la capacité de faire grandir.

J’ai aussi entendu une définition qui ressemble à cela, mais dont je n’ai pas retrouvé la source :

Faire preuve d’autorité, c’est donner l’espace à l’autre de devenir qui il est appelé à être, à l’autoriser à de devenir auteur de sa propre vie.

Et j’aime beaucoup cette manière de différencier l’autorité de l’autoritarisme. Ce dernier étant de rabaisser au lieu d’élever.

Cela nous ramène aux rôles des parents qui ne cherchent pas tant à se faire obéir qu’à lui donner un cadre et des limites, lui permettant de devenir qui il est appelé à être. Je suis évidemment attristé et révolté par des ces parents destructeurs qui font preuve de violences sous diverses formes.

Je crois qu’il y a une différence fondamentale entre : « Tu seras médecin, mon fils, comme ton père ! » et « Tu seras chanteur (ou artiste), mon fils, si c’est là ton rêve, ton choix, et nous te soutiendrons ! Même si nous aurions préféré que tu sois médecin. »

Un père qui laisse son enfant grandir

Le texte de guérison par Jésus cité plus haut porte aussi cette dimension de rendre sa vie à celui qui en est dépossédé par un esprit. J’ai entendu combien une maladie peut prendre le contrôle ou le faire perdre à celui ou celle qui en souffre : « Je ne me reconnais plus ! », « Ce n’est plus moi ! » disent certains malades.

Guérir, c’est donc aussi être rétabli comme auteur de sa propre vie et cela se joue dans la rencontre qui devient synonyme d’histoires qu’on raconte et qu’on se raconte, à soi et aux autres.

Et certaines rencontres pourront être décisives, changer le cours d’une vie, être des résurrections, de nouveaux départs.

Ce que cela me dit de ma relation à Dieu

Je crois que Dieu me veut auteur de ma vie, en communion avec lui et lui avec moi. Il ne me veut pas marionnette ni lui marionnettiste !

Être libre, sous le regard de Dieu, c’est être son enfant sous son regard aimant qui se réjouit de me voir grandir et devenir quelqu’un, ce quelqu’un que je suis appelé à être.

Un modèle… parmi d'autres

Je crois encore que tout ce qui vise à rabaisser, à mépriser, à affaiblir, tout cela ne vient pas de Dieu, mais de nous-mêmes, de notre volonté à vouloir être dieu à la place de Dieu. Si nous confondons autorité et autoritarisme, alors nous ne sommes pas très loin de construire notre propre tour de Babel.

Questions à (se) poser :

  • Comment est-ce que je vis, ou ai-je vécu, les limites imposées par mes parents ?
  • Qui ont été ou qui sont encore mes figures d’autorité ?
  • Quelles ont été les personnes qui m’ont permis d’être qui je suis aujourd’hui ?
  • Que m’autorise ou m’interdit ma relation à Dieu dans mes actions aujourd’hui ?

 


  1. Je fais le choix de ne pas aborder les questions liées avec les autorités, en tant qu’institutions. 
  2. Le Nouveau Testament commenté. Sous la direction de Camille Focant et Daniel Marguerat. Ed. Bayard 2012, p. 162. 
  3. Notez que le dialogue se passe entre Jésus et l’esprit et non entre Jésus et l’homme. La nuance me paraît importante. 

Dieu, notre mère

Dans mon article à propos de l’appartenance, j’ai évoqué les quatre relations entre individus relevées par Robert Neuburger dans son livre Exister.

À l’invitation d’Elio dans son commentaire, je reprends ces quatre dimensions relationnelles décrites pour les mettre en regard avec Dieu et ma foi, qui est ma relation au Divin. Cet article reprend la relation nourricière ou maternelle.

Neuburger fait ici une précision : une relation maternelle n’est pas l’exclusivité de la mère biologique ou familiale, tout comme une relation paternelle, ou d’autorité, n’est pas réservée au seul père biologique ou familial. Il s’agit plutôt de fonctions assumées1.

Un besoin vital de relations

Le nourrisson a un besoin vital de cette relation fusionnelle qui le fait exister aux yeux de sa mère, mais il s’agit, comme dans toute relation, d’un échange et la mère a donc besoin d’être reconnue comme telle par son enfant. (…)

Cette relation primaire est symbolisée par le nourrissage, modèle d’une relation ultérieure que les humains rechercheront toute leur vie sous des formes plus ou moins sublimées.

Exister, p. 25

La naissance d’un enfant est plus qu’une simple mise au monde. La mère, qui a porté en elle cet enfant, son enfant, en a déjà pris soin avant même qu’elle puisse le voir. La relation est bel et bien fusionnelle puisque l’enfant a grandi dans son ventre et tous les deux ne formaient qu’un seul corps2.

La naissance, la venue au monde
La Bible, dans son première livre de la Genèse, montre que Dieu est à l’origine de la relation d’avec l’humain. Il est la Source de vie.

Symboliquement, c’est Dieu qui forme l’être humain au moyen de poussière (qu’on pourrait rapprocher de la matière organique dont chacun de nous est constitué) et qui lui donne vie par son souffle (ce qui se serait cette essence de vie)3.

En ce sens, Dieu devient mère, ou accoucheuse de l’humain :

(7) L’Eternel Dieu façonna l’homme avec de la poussière du sol, il lui insuffla dans les narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant.

Genèse 2, 7

Il y a encore ces mots magnifiques du psaume 139 :

(13) Tu m’as fait ce que je suis, et tu m’as tissé dans le ventre de ma mère. (14) Je te loue d’avoir fait de moi une créature aussi merveilleuse : tu fais des merveilles, et je le reconnais bien. (15) Mon corps n’était pas caché à tes yeux quand, dans le secret, je fus façonné et tissé comme dans les profondeurs de la terre. (16) Je n’étais encore qu’une masse informe, mais tu me voyais et, dans ton registre, se trouvaient déjà inscrits tous les jours que tu m’avais destinés
alors qu’aucun d’eux n’existait encore.

Psaume 139, 13-16

Ceci laisse entendre que nous ne venons pas de nulle part et que nous sommes pas un simple composé d’atomes et de matière, mais que nous portons en nous un souffle de vie donné et surtout que l’humain est voulu et connu de Dieu. De plus, si la femme porte la vie, c’est Dieu qui donne la Vie.

Un besoin de relations

La vie n’est pas que biologique, elle est aussi et surtout relations. S’il n’est pas bon que l’homme soit seul, il n’est pas bon non plus que Dieu soit seul. Et il est le premier à le comprendre et à vouloir y remédier. Il façonne par conséquent l’humain pour avoir un vis-à-vis, pour inaugurer et développer une relation4. Dieu se met à la recherche de l’humain :

(9) Mais l’Eternel Dieu appela l’homme et lui demanda : Où es-tu ?

Genèse 3, 9

Tu m'as cherché, je t'ai trouvé
Je crois que cette question n’est ni anodine ni anecdotique, comme posée une fois pour toutes dans l’histoire de cette relation de Dieu à l’humain. Elle est de celles qui sont posées à chacun·e d’entre nous et toute au long de notre vie. Dieu non seulement s’intéresse à nous, mais il s’inquiète de nous. Il ne cesse de nous chercher, bien plus que nous le cherchons nous-mêmes. Et surtout, Dieu se laisse trouver :

(12) Alors vous m’invoquerez et vous viendrez m’adresser vos prières, et je vous exaucerai. (13) Vous vous tournerez vers moi et vous me trouverez lorsque vous vous tournerez vers moi de tout votre cœur. (14) Je me laisserai trouver par vous – l’Eternel le déclare(…)

Jérémie 29, 12-14

La réponse de l’humain, créature de Dieu, est alors de se tourner à son tour vers son Dieu, de le chercher 5 :

(2) O Dieu, tu es mon Dieu ! C’est toi que je recherche. Mon âme a soif de toi, mon corps même ne cesse de languir après toi comme une terre aride, desséchée et sans eau.

Psaume 63, 2

Une mère pour ses enfants, vraiment ?

Mais il y a d’autres textes plus rudes : le récit introduisant le Déluge montre un Dieu-mère qui regrette d’avoir mis au monde, qui aurait peut-être préféré ne pas avoir fait naître de pareils enfants, en voyant ce qu’ils sont devenus6. Et parce que Dieu est Dieu, il pourrait tout détruire, tout recommencer, à l’image de la page raturée d’un cahier qu’on arrache pour faire croire qu’elle n’a jamais existé. Il en a d’ailleurs le projet :

(5) L’Eternel vit que les hommes commettaient beaucoup de mal sur la terre et que toutes les pensées de leur cœur se portaient constamment et uniquement vers le mal. (6) L’Eternel regretta d’avoir fait l’homme sur la terre et eut le cœur peiné. (7) L’Eternel dit: «J’exterminerai de la surface de la terre l’homme que j’ai créé, depuis l’homme jusqu’au bétail, aux reptiles et aux oiseaux, car je regrette de les avoir faits.»

Genèse 6, 5-7

Mais, comme une mère pour ses enfants, Dieu reconnaît qu’il y a des justes, des innocents. Et il veille à les préserver. Il n’est pas adepte de la fessée collective et aveugle :

(8) Cependant, Noé trouva grâce aux yeux de l’Eternel. (9) Voici l’histoire de Noé. C’était un homme juste et intègre dans sa génération, un homme qui marchait avec Dieu.

Genèse 6, 8-9

Les textes bibliques nous montrent encore un Dieu qui nourrit ses enfants. Je m’y arrête un instant puisque qu’un des rôles de la mère est de nourrir son nourrisson7.

D’abord dans le Jardin d’Eden, puisqu’il invite l’homme et la femme à manger des fruits des arbres (à une exception près). Ensuite, la promesse est faite à l’homme qu’il ne mourra pas de faim, même si la nourriture tirée du sol, le sera au prix d’efforts :

(19) Tu tireras du sol ton pain à la sueur de ton front
jusqu’à ce que tu retournes à la terre (…)
Genèse 3, 19

On se souvient encore de la manne et des cailles au désert lors de la traversée vers la Terre promise.

La manne, une nourriture
Ou encore, parmi d’autres épisodes fameux, ces deux qui montrent combien Dieu et généreux quand il donne :

Qu’est-ce que cela me dit ?

Ma relation à Dieu, au Divin, est d’abord une relation de vie, qui me rend vivant, qui est porteuse de vie et par conséquent en relation avec un Dieu qui me reconnaît.

Même si le langage biblique présente le Divin sous les traits d’un père :« Notre Père qui est aux cieux », il peut être représenté avec des attributs maternels. D’ailleurs un psaume exprime l’image d’une oiselle qui protège ses petits sous son aile :

Qui s’abrite auprès du Très-Haut,
repose sous la protection |du Tout-Puissant. (2) Je dis à l’Eternel : « Tu es mon refuge et ma forteresse, mon Dieu en qui je me confie ! » (3) C’est lui qui te délivre du filet de l’oiseleur,
et de la peste qui fait des ravages. (4) Il te couvre sous son plumage, tu es en sécurité sous son aile,
sa fidélité te protège comme un grand bouclier.

Psaume 91, 1-4

Ensuite, cette relation nourrit ma vie. Non seulement, ma vie spirituelle par la relation que j’entretiens au traves de la lecture, de la méditation et de la prière, que je peux qualifier de dialogue, mais aussi ma vie relationnelle avec les autres. En effet, elle me fait découvrir, toujours et à nouveau, la présence discrète de ce Dieu nourrissant et aimant au coeur même de mes rencontres et de mes dialogues.

Et cette relation m’invite à regarder à la dignité de chacun·e, et à la mienne aussi : sous le regard de ce Dieu, annoncé par Jésus-Christ, chacun·e de nous est reconnu·e comme un·e enfant, digne d’être aimé·e. Même celui ou celle qui serait rejeté ou oublié·e par sa mère :

(15) (…) Une femme oublie-t-elle |l’enfant qu’elle nourrit ? Cesse-t-elle d’aimer |l’enfant qu’elle a conçu ? Et même si les mères |oubliaient leurs enfants, je ne t’oublierai pas ! (16) Voici, je t’ai gravée |dans le creux de mes mains (…)

Esaïe 49, 15-16

Et cela est très rassurant.

Questions à (se) poser :

  • Comment ma relation à mes parents ou ma famille (peut-être parfois conflictuelle) peut-elle influencer ma relation à Dieu ?
  • Quelles qualités maternelles m’ont aidé·e à me construire ?
  • Que signifie pour moi « venir au monde » ?
  • En quoi « vivre » est-ce différent d’« exister » ?
  • De quelle manière Dieu nourrit-il ma vie et mes rencontres ? Quelques exemples concrets…
  • Évoquer Dieu sous des traits maternelles, comment cela résonne/consonne-t-il en moi ?

  1. Exister, p. 25-26. 
  2. Ceci, bien évidemment, quand tout se passe bien. Si l’enfant est déjà « rejeté » ou nié, parce que, par exemple, il est la conséquence d’un viol et que l’avortement n’a pas été possible, ou que la mère fait un déni de grossesse, c’est très différent. 
  3. Quel enfant n’a pas joué à former des personnages en pâte à modeler et à leur donner symboliquement la vie, les faisant parler et communiquer entre eux ? 
  4. Cette relation Dieu-homme est différente des autres mythologies où le divin est souvent lointain et se joue de l’humain. 
  5. on retrouve ici ce double mouvement de la mère vers l’enfant et de l’enfant vers sa mère, constitutif de la relation fusionnelle. 
  6. Les exemples ne sont pas rares, malheureusement, d’entendre des mères dire à leur enfant : « j’aurais préféré que tu ne naisses jamais ! » 
  7. on parle, outre de lait maternel, d’instinct maternel, d’amour maternel. Mais de telles qualités se retrouvent aussi, et tant mieux, chez les pères. 

L’appartenance

Réflexions de que veut dire exister et faire partie et autour des rites et rituels, signes et symboles, cercles et groupes, inclusions et exclusions.

Je reprends ces réflexions initiées voici une année dans l’optique de la thématique d’un programme de catérchisme (11-14 ans). La thématique a changé entretemps, mais la réflexion reste. D’autant que la lecture de Exister. Le plus intime et le plus fragile des sentiments de Roger Neuburger, psychiatre, vient raviver mes réflexions. Plutôt que de les laisser dormir au fond de mon ordinateur, je vous en fais profiter en plusieurs billets.

Sentiment d’exister

Neuburger explique dans l’introduction de son livre que

Le sentiment d’exister n’a rien de naturel. C’est d’une construction destinée à échapper à l’angoisse fondamentale que suscite la conscience de notre mort inéluctable. Et c’est dès la naissance que nous sont enseignés les matériaux qui nous permettront plus tard de nous faire exister1.

Le Penseur d'Auguste Rodin
Le sentiment d’exister, ou phénomène d’humanisation, n’est pas inné, mais se construit selon deux facteurs complémentaires :

  1. La relation à la mère ou à une personne stable (j’y reviens plus bas)
  2. Le sentiment d’appartenance que je développe ci-après)

Chaque être humain a besoin de ces deux dimensions pour se sentir exister. L’absence de l’une ou de l’autre pourra créer des troubles identitaires ou amplifier le besoin de reconnaissance.

Par exemple, une personne ayant été délaissée ou abandonnée par sa mère ou sa famille pourra tenter d’acquérir une nouvelle reconnaissance dans le domaine professionnel.

Sentiment d’appartenance

L’homme est un animal grégaire. C’est une banalité que de le dire. Ce qui est essentiel, c’est que cet instinct primitif existe toujours et depuis toujours, sous la forme d’un besoin à combler : le besoin d’appartenance ou d’intégration sociale. Dès sa naissance, l’être humain a ce besoin d’être reconnu comme faisant partie d’un groupe : la famille d’abord, puis les pairs (camarades, amis, collègues…), la maison-couple (pour reprendre une image de Neuenburger) et/ou d’un idéal qui peut prendre la forme d’une association, d’un syndicat, d’une église, d’un groupe qui partage une vision commune.

Appartenir à une équipe, un groupe
En effet, l’homme a besoin de faire partie intégrante de tels groupes sociaux (famille, clubs, associations, mais aussi entreprise, commune, région, nation, religion etc.) avec lesquels il partage certaines caractéristiques (goûts, activités, idées, opinions, valeurs, convictions, statut social etc.), ce qui est un moyen à la fois de se reconnaître et d’être reconnu, d’accepter et de se sentir accepté.

Neuburger distingue quatre types de relations entre les individus :

  1. La relation nourricière (plutôt que maternelle) : il s’agit de la relation primaire à la « mère » ou à un·e référent·e qui permet au nouveau-né d’exister comme être vivant2. Cette relation fusionnelle implique une reconnaissance mutuelle mère/enfant.
  2. La relation d’autorité (plutôt que paternelle) : c’est la relation de celui ou celle qui détient une responsabilité éducatrice qu’il·elle doit exercer. L’enfant lui doit respect et obéissance 3.
  3. La relation fraternelle : c’est ce que l’enfant apprend au contact de ses camarades ou « frères », notamment à la crèche, en jouant, à la récréation 4.
  4. La relation amoureuse : qualifiée de dévorante par Neuburger. Elle fait privilégier de manière irrationnelle une relation individuelle exclusive avec un être élu5.

Donc exister passe par l’intermédiaire du regard de l’autre qui nous identifie et nous reconnaît comme un pair, un égal digne d’être accepté, respecté voire aimé.

Ce qui fait du besoin d’appartenance un besoin aussi fondamental (et complémentaire) que le besoin d’amour, d’affection de reconnaissance6 et les deux se nourrissent mutuellement.

Ce sentiment d’appartenance participe de la dimension sociale de notre identité et reste en mouvement tout au long de notre vie, de nos affiliations, de nos passages d’un groupe à un autre, avec toutes les influences que celui-ci peut exercer (ou cesser d’exercer). Il est à la fois le reflet et l’expression de cette identité sociale et est nécessaire à l’équilibre psychologique. Dans une société qui pousse à l’individualisme et brouille les repères par l’accélération des changements, certains peuvent avoir du mal à combler leur besoin d’intégration sociale et vivent davantage de solitude qu’ils ne le souhaiteraient. Inversement, lorsqu’il est comblé, ce besoin d’appartenance sociale participe à la satisfaction d’autres besoins: reconnaissance, amour et affection etc., ainsi qu’au renforcement de l’estime de soi(…) Si le besoin d’appartenance est universel, la façon dont il s’exprime pour chacun (en désirs) est individuelle et nécessite d’être déterminée avec précision pour s’inscrire dans les groupes qui nous importent d’une manière qui nous satisfait.7

Synonymes de ‘GROUPE’

Famille, cercle, équipe, club, clan, tribu, horde, association, classe, société, bande, communauté, peuple, paroisse, Église … Pour les animaux, on peut parler de espèce, troupeau, essaim, banc, harde…

Arrivée dans un groupe
 

Groupes ouverts ou fermés

Un groupe « ouvert » permet à toute personne de le rejoindre, à condition d’en partager les valeurs et les buts. Ex : associations, clubs sportifs, partis politiques… Il n’est pas limité quant au nombre de ses membres.

Un groupe « fermé » ne permet l’adhésion de nouveaux membres que sous certaines conditions, ou en cas de départ d’un des membres. Ex : commissions, groupes de travail, parlement… Le nombre des membres est limité par un règlement, des statuts, une loi.

Les réseaux sociaux offrent des exemples pertinents de groupes ouverts ou fermés. Certains offrent un libre accès : il suffit de cliquer sur « Rejoindre » pour en faire partie. D’autres exigent une présentation et une raison d’adhérer. La demande est alors examinée puis validée (ou non) par le modérateur du groupe.

Questions à (se) poser :

  • À quels groupes est-ce que j’appartiens ?
  • Quels sont les groupes ouverts ou fermés, quelles ont été les modalités pour les rejoindre ?
  • Est-ce que je l’ai choisi délibérément ou est-ce que cela m’a été imposé ?
  • À quoi ce(s) groupe(s) sont-ils reconnaissable(s) : signes distinctifs, habillement, cartes de membre, langage… ?
  • Existe-t-il des groupes qui me sont encore inaccessibles et auxquels j’aimerais appartenir ? Lesquels et pourquoi ?
  • Est-ce que j’appartiens à des groupes que j’aimerais quitter ? Qu’est-ce qui m’empêche de le faire ?
  • Que m’apporte le fait d’appartenir à tel ou tel groupe ?

  1. Neuburger Robert. Exister, p. 19 
  2. Exister, p.24 
  3. Exister, p. 26 
  4. Exister, p. 27 
  5. Exister, p. 28 
  6. Le besoin d’appartenance est le 3e étage de la pyramide des besoins selon Maslow, après les besoins physiologiques et sécuritaires, mais avant le besoin d’estime. 
  7. https://www.ithaquecoaching.com/articles/repondre-a-son-besoin-dappartenance-sociale-1028.html 

Un moment culte

La pasteure Sandrine Landeau de l’EPG répond à un internaute sur le site jecherchedieu.ch au sujet du « devoir du culte ». Sa réponse dont je relaie quelques éléments m’inspire des réflexions personnelles tirées de ma pratique et de mes expériences que je partage ici.

Faut-il ? Doit-on ?

La question pose l’obligation d’aller, d’assister, de participer au culte.

Dans le christianisme, et particulièrement dans le christianisme d’expression réformée, il n’y a pas d’obligation de venir au culte, ni d’ailleurs de prier comme ceci ou comme cela, à telle heure ou à telle autre. Ce n’est pas que le culte n’est pas important, c’est juste que Dieu ne va pas nous en vouloir ni nous punir si nous n’y allons pas.

J’ai rencontré des personnes, tout au long de mes divers engagements et ministères, qui s’excusaient de ne pas pouvoir, de ne pas avoir pu, d’avoir oublié de venir au culte. Comme si elles allaient être punies d’avoir manqué ce moment. J’ai toujours répondu que le culte était une invitation, pas une obligation. On va au culte pour de nombreuses bonnes raisons, mais si on y va parce qu’on se sent obligé, ou parce qu’on nous oblige à y aller, alors c’est une mauvaise raison.

J’ai été agacé par l’empressement de certains responsables d’Église à reprendre les célébrations, à demander (instamment) au Conseil fédéral de permettre les rassemblements religieux à fin mai 2020, alors que l’épidémie de la Covid laissait encore beaucoup de questions sans réponse.

Dieu n’est pas un Dieu qui oblige, mais un Dieu qui propose, qui dialogue. Quand Jésus résume la Loi de Dieu, c’est l’amour qui reste, pas le culte.

Voilà sans doute ce qu’il y a retenir : l’amour et comme le rappelle l’apôtre Paul : l’amour pardonne tout, aussi bien les blessures profondes que les manquements au culte. On est bien d’accord qu’on n’aimera pas plus celui ou celle qui est habitué.e au culte que celui ou celle qui n’y va jamais.

Le culte, pour qui ?

Ensuite, le culte n’est pas réservé aux fidèles, à celles et ceux qui fréquentent régulièrement le culte. Il est ouvert à tous et toutes : les régulier.ère.s comme les moins régulier.ère.s, les hommes comme les femmes, les noir.e.s comme les blanc.he.s, les adultes comme les enfants, les passionné.e.s comme les simples curieux.ses qui passaient là et cherchent à s’abriter de la pluie ou du soleil, les intéressé.e.s comme ceux qui viennent pour accompagner leur grand-mère et lui faire plaisir. Tout le monde est bienvenu (…)

Nous touchons là au coeur de la question : à qui s’adresse le culte ? Qui vient au culte ?

  • Les fidèles, les réguliers : donc ceux qui sont là tous les dimanches ? Alors avouons que s’ils sont fidèles, ils ne pas aussi nombreux qu’on pourrait le souhaiter. Et les statistiques nous montrent qu’ils deviennent de moins en moins nombreux;
  • Les paroissiens ? Alors, ils ne sont pas tous là, et on est loin du compte, même lors de célébrations particulières. Rassembler une centaine de participants, c’est très bien, mais si la paroisse compte 1’000 membres inscrits, ce n’est que 10%.
  • Les occasionnels ? Alors, il est important de les accueillir avec chaleur, leur souhaitant une vraie bienvenue, plutôt qu’un regard réprobateur qui dit : « Ça fait longtemps qu’on ne vous a pas vu ! »
  • Les gens de passage, à la recherche d’un coin de parapluie ou de paradis. Alors, donnons-leur une place, celle qui leur revient de plein droit. C’est à eux, à eux d’abord, que ce moment-culte est destiné.
  • Tous ceux qui sont là par obligation : pour faire plaisir à leur grand-mère, parce que leur éducation leur impose de respecter la tradition, parce qu’il faut faire « oeuvre de pénitence ». Le culte s’adresse à eux aussi pour leur dire que rien n’est imposé, que tout est proposé.
  • Les amateurs de musique qui viennent surtout pour la musique. Bienvenue à eux et pardon d’être trop long entre deux pièces musicales.
  • Tous les autres qui sont là et dont on ne connaîtra jamais la motivation. Vous êtes là ! N’est-ce pas merveilleux ! Merci.

Une question de vocabulaire

Tout le monde est bienvenu, et le culte devrait s’adresser à tous et toutes, ce qui suppose un gros travail dans nos formulations, nos façons d’être. Nous, pasteur.e.s et membres d’Eglises, ne sommes pas toujours au top, mais on y travaille !

Pour s’adresser au plus grand nombre, encore faut-il être audible et compréhensible. Le travail de formulation dont parle Sandrine Landeau est essentiel. Les jeunes que j’ai côtoyés ont souvent dit à propos d’un culte auquel ils avaient assisté (par obligation) : c’était long… On n’a rien compris… Et l’orgue, c’est chiant !

La formulation va au-delà des seuls mots, du seul vocabulaire. Je suis le premier à affirmer qu’il nous faut revoir, nous célébrants, nos codes. Mais, je n’ai pas encore osé, trouvé, la forme qui parlera au plus grand nombre.

La diversité des motivations et des attentes rend l’exercice encore plus difficile : comment concilier l’attente d’une paroissienne régulière qui veut une prédication profonde et inspirée avec le besoin de ce jeune homme qui vient à un culte pour la (presque) première fois sans en connaître tous les codes ?

Car, avouons-le, nos cultes obéissent à des codes, des règles, des impératifs qui ne parlent plus à la majorité de nos contemporains, paroissiens compris. Peut-être que les actes ecclésiastiques (baptêmes, mariages et enterrements) permettent une plus grande liberté, quoique, l’exercice n’en est pas moins complexe.

C’est quand ? Maintenant !

Les temples ont rouverts, mais on trouve toujours d’autres formes de cultes pour celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas s’y rendre, que ce soit juste pour ce dimanche, ou pour plus que cela.

Le culte est un temps à part dans la semaine. Un moment pour soi, pour les autres et pour Dieu. Et ce temps peut être n’importe quand. Les célébrations dans les institutions ont lieu en semaine. Il y a des cultes le samedi soir ou à d’autres heures que le dimanche matin à 10h00. Là non plus, rien n’est figé, tout est proposé. La radio, la télévion, internet offrent la possibilité de repasser le culte à l’heure qui nous convient, là où on est disponible, à l’écoute, ouvert à ce qui se passera.

En un mot, et pour conclure : le culte est une invitation à se mettre à l’écoute de Dieu et de sa Parole pour mieux se connaître soi-même. Ce temps peut être vécu communautairement et/ou personnellement, dans un temple, à la maison, dans la nature, à côté de sa radio ou devant sa télévision ou ailleurs, là où c’est bon et beau.

Le culte a été fait pour l’homme et non l’homme pour le culte.

Dieu n’impose rien. Il invite. Il ne force pas. Il attend. Il saura nous trouver que nous soyons sagement assis sur un banc d’église ou en chemin quelque part. Il est avec nous. L’essentiel est là. Tout le reste n’est que garniture.

Image par Dimitris Vetsikas de Pixabay