Disons-le d’entrée : enfant, je ne rêvais pas de devenir diacre, comme d’autres rêvent d’être pompier, policier, infirmière ou maîtresse d’école. Ce sont des rencontres et des circonstances, à différents moments de ma vie, qui m’ont amené à ce choix. Ces « moments-clés » ont aussi eu un impact sur ma foi, j’y reviens en fin d’article.
Pour l’instant, intéressons-nous à ce que j’imaginais du diacre. Ma perception était forcément empreinte de ce que j’ai vu en en côtoyant un en particulier, que nous appellerons Charles.
Un portrait multiple
Je reviens sur mes premiers contacts avec le diacre Charles et les autres occasions où j’ai été amené à le rencontrer. Ces retours sur images me semblent intéressants, car ils montrent à la fois la diversité du diaconat, son potentiel de créativité, que j’ai pu expérimenté moi-même plus tard, et la difficulté à définir le diacre par un seul rôle bien délimité.
L’enseignant
C’est à l’école secondaire que j’ai fait pour la première fois la connaissance d’un diacre, en la personne de Charles. Il venait dans la classe donner la « leçon de religion ». Il ressemblait aux autres profs. Son cours ressemblait à celui de français, d’histoire ou de math, même si nous étions moins nombreux. Nous suivions le programme d’un livre sur la vie de Jésus. En essayant d’y repenser aujourd’hui, je constate que cette époque ne m’a pas laissé un souvenir mémorable.
Le maître de cérémonie
La deuxième fois, ce fut beaucoup plus tard, au décès de ma mère. Charles est venu à la maison, nous rencontrer, mon père et moi, pour préparer la cérémonie. Deux jours plus tard, il célébrait les adieux.
Ensuite, et plusieurs fois, je l’ai entendu présider un culte du dimanche. À la sortie, alors qu’il saluait les paroissiens, certains laissaient échapper : « Merci, Monsieur le pasteur.« , « À bientôt, Monsieur Charles ».
Le visiteur
La troisième occasion a été dans un home pour personnes âgées ou j’étais bénévole. Charles le diacre s’approchait des résidents, les saluait, parlait du beau temps. Il prenait des nouvelles de la famille ou s’inquiétait des enfants de telle ou telle soignante. Il ne parlait pas beaucoup ni de religion ni de Dieu. Il célébrait des cultes dans ces institutions pendant la semaine. Il m’expliquait qu’il allait aussi rendre visite à des personnes âgées à domicile et quand elles fêtaient un « grand » anniversaire.
Plus tard encore, j’ai rencontré d’autre diacres, souvent retraités. Ils et elles m’expliquaient qu’ils, ou elles, avaient été aumônier à l’hôpital ou dans les prisons. Ils avaient fait beaucoup de visite. Ils faisaient, ou avaient fait, peu ou prou ce que faisait Charles.
Le chef de projet
Une femme, parmi les premières diacres de Suisse romande, m’a raconté sa difficulté, à l’époque, à être reconnue d’abord par ses collègues pasteurs (tous des hommes). Elle a mené à bien son projet d’ouvrir un atelier de couture pour chômeuses en fin de droits et permis ainsi à celles-ci de vendre leurs travaux et retrouver de leur dignité.
Voilà les facettes du portrait du diacre que j’avais découvertes en commençant la formation. Mais celle-ci n’était pas une évidence au moment de choisir un métier.
Pas mon choix professionnel…
Au terme du catéchisme, je ne rêvais pas d’embrasser la vocation de diacre, non. Je me dirigeais vers l’école de commerce, parce que ça ouvrait de nombreuses portes. Adolescent, j’avais encore de sérieux doutes sur ce à quoi je croyais, des questions sans réponse. Je n’étais pas certain que l’Église puisse me donner les réponses ou les clés que j’attendais.
Une longue partie de ma vie s’est donc passée à distance de l’Église. Ce n’est qu’à la fin de la trentaine, que j’ai renoué avec une vie paroissiale et l’envie de me remettre aux études. Parmi les propositions, il y avait le parcours des Explorations théologiques. Je m’y suis lancé, sans trop savoir où cela me mènerait.
Mais une opportunité à saisir
Une opportunité professionnelle dans l’EREN m’a permis de songer plus sérieusement à devenir diacre et de prendre une nouvelle direction. Parce qu’aider est inscrit dans mon ADN. Parce que j’aime les gens. Parce que les Explos m’ont donné des clés de lecture de la théologie, de la vie et de l’humain. Parce que je pensais pouvoir aider et accompagner au nom de l’Église.
Cette formation, ou plutôt mes formations parfois parallèles, parfois successives, m’ont laissé, elles, des souvenirs mémorables.
Mes premiers pas de diacre m’ont alors conduit à habiter les différents rôles énumérés ci-dessus. Je reconnaissais Charles dans le diacre que je devenais.
Plusieurs cordes à jouer
J’ai animé un groupe de préadolescents, avec le soutien d’autres moniteurs. J’ai aimé suivre et accompagner les jeunes dans leurs questions pertinentes et leurs interrogations.
J’ai célébré des cultes, avec le diacre Charles pour accompagnant. J’ai aimé partager ce que les textes bibliques peuvent nous dire, comment ils peuvent nous aider à vivre. Après une formation de terrain, j’ai accompagné des familles endeuillées et présidé des services funèbres. Puis, ce furent des couples souhaitant la bénédiction de leur mariage. Enfin, le baptême.
J’ai rendu visite à des aînés dans les homes. J’ai aimé ces moments où, en parlant de ce qui est là, on tisse une confiance et on se sent vivant.
J’ai fait de ma formation un projet professionnel. J’ai aimé m’investir, rencontrer d’autres diacres en formation, venant de milieux différents.
Ce que je fais correspond (presque) à ce que j’imaginais
Finalement, mon parcours m’a amené à reproduire ce que j’ai vu. J’ai fonctionné selon des schémas connus, parce que je les avais déjà rencontrés. J’ai habité de l’intérieur une profession que je voyais de l’extérieur. J’ai expérimenté la diversité des engagements et leur potentiel de créativité, parce que tout n’est pas écrit.
J’ai encore approché la présence auprès des gens de la rue et une implication dans des groupes de travail autour du soutien aux proches-aidants.
Il y a eu cependant une surprise : les attributions du diacre ne sont pas identiques dans toutes les Églises réformées. Je l’avais appris en théorie lors de la formation. J’y ai été alors confronté en passant de Neuchâtel à Berne. Cela aurait-il été différent si j’avais été pasteur ?
À ce propos, la question de devenir pasteur ou diacre s’est posée et j’y reviendrai dans un prochain article.
Aujourd’hui, dans la paroisse de La Neuveville, je suis un peu le touche-à-tout, et un peu plus attentif à la communication et au site internet, parce que cela m’intéresse. Mon engagement actuel me laisse cet espace de créativité que j’imaginais, et que j’espérais aussi.
Et ma foi dans tout cela ? (paragraphe un peu plus spirituel)
Dernier point annoncé : l’impact sur ma foi personnelle. Ces rencontres au fil du temps ne m’ont pas seulement amené à envisager une reconversion professionnelle, elles ont eu un impact sur ma relation à Dieu. Adolescent, Dieu m’était lointain.
Les personnes que j’ai eu la chance de rencontrer plus tard, lors de mes formations, aussi dans les homes, à l’hôpital, en paroisse, au lieu d’accueil de la rue, à La Margelle m’ont fait prendre conscience d’un Dieu proche de nous. Elles m’ont appris à le chercher. J’ai approché la présence du Divin dans la confiance partagée, dans les pourquoi, les compagnonnages de toutes sortes, aux limites de l’existence.
J’ai reconnu la proximité de Dieu dans l’humain. Aujourd’hui encore, je prends de plus en plus conscience que si « nous sommes (faits) à l’image de Dieu », alors il doit bien nous ressembler aussi. Et que, en fin de compte, si c’est un Dieu incarné que j’annonce, alors il ne doit pas être loin.
Dieu n’est pas la réponse à toutes mes questions, mais j’ai pris conscience qu’il pouvait se révéler au travers de celles-ci, d’autant plus si elles sont partagées. J’ai tenté d’en dire quelque chose dans mon roman MATTAÏ.
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